La semaine passée, le président turc Recep Tayyip Erdogan était en visite officielle à Bruxelles. Reçu en grande pompe par le gouvernement belge, le roi, la reine (mais apparemment pas le petit prince), il a donné une « conférence de presse » en compagnie du Premier ministre belge Charles Michel… durant laquelle les journalistes n’ont pu poser aucune question.
A la sortie, une journaliste de la RTBF se risque quand même à poser, à distance, une question qui fâche. Le service de presse de Charles Michel réagit immédiatement en menaçant d’écrire à la direction de la chaîne. «Si ça passe, on a un sérieux problème», ajoute une des collaboratrices du Premier ministre.
Son porte-parole, Frédéric Cauderlier, s’en mêle lui-aussi: «Le truc n’a pas intérêt à passer sur antenne, c’est clair?» ; «Tu as envie de travailler comme ça, continue à travailler comme ça. Mais ça ne durera pas longtemps avec nous, je te le dis franchement».
De RTL-TVI à la «comm» du MR et du Premier ministre
Le plus croustillant, c’est que celui qui a tenu ces propos est un ancien journaliste de RTL-TVI. Il est ensuite devenu responsable de la communication du MR et est actuellement porte-parole du Premier ministre MR. Durant sa carrière de journaliste, M. Cauderlier a également donné cours de sciences politiques à des étudiants de journalisme dans une Haute école à Tournai. A une époque j’y étais étudiant. Son cours abordait l’actualité politique.
Je me souviens d’un cours, fin 2004, durant lequel nous avons abordé le conflit social chez AGC Splintex, à Fleurus. Menacés de 284 pertes d’emplois, les travailleurs avaient séquestré la direction et confisqué le matériel de certains journalistes. M. Cauderlier avait, durant son cours, condamné l’attitude des travailleurs en invoquant… la liberté d’expression. Onze ans plus tard, c’est avec une certaine ironie que ce souvenir me revient à l’esprit en voyant le reportage de l’émission «7 à la Une» diffusée par la RTBF [voir la vidéo ci-dessous].
M. Cauderlier s’empressait jadis de condamner les travailleurs de Splintex qui, excédés par la violence des licenciements et par les titres de la presse les condamnant, avaient réagi probablement de manière excessive. Avec le recul, je me rends compte que M. Cauderlier ne défendait pas la liberté d’expression. Il défendait un système en place, les intérêts d’une classe sociale au pouvoir (à l’époque les patrons de Splintex) et aujourd’hui il continue de faire la même chose, cette fois en essayant de limiter cette même liberté d’expression pour défendre le gouvernement MR–N-VA–CD&V–VLD et ses alliés, dans ce cas-ci le bandit Erdogan.
La visite de ce dernier à Bruxelles me rappelle une phrase du poète allemand Bertolt Brecht, qui en 1940 écrivait: «Les chefs de bande se promènent comme des hommes d’Etat».
Voir la vidéo:
Erdogan à Bruxelles – Le contrechamp de 7 à la Une, samedi 10 octobre 2015.
http://www.rtbf.be/video/detail_erdogan-a-bruxelles-le-contrechamp-de-7-a-la-une?id=2050179
Image: express.be