A partir du 1er janvier prochain, 20.000 personnes en Wallonie seront tout simplement exclues définitivement du chômage suite à la limitation dans le temps des allocations d’insertion, autrement dit parce qu’elles sortent à peine de leurs études ou ont seulement accumulé des jobs précaires, à temps partiel.
Comme un allocataire d’insertion sur deux est cohabitant-e, 10.000 de ces 20.000 personnes environ n’auront même pas droit au Revenu d’intégration du CPAS. Les femmes sont évidemment les principales victimes. 55% des exclusions visent des femmes.
Un legs de Di Rupo
Ce bain de sang social n’a pas été orchestré par le gouvernement Michel-De Wever mais par le gouvernement Di Rupo. Est-ce la raison pour laquelle le front commun syndical n’a pas inclus le retrait de ces mesures injustes dans la plateforme en quatre points qui sert de base à son plan d’action?
Quoi qu’il en soit, à un mois de l’échéance, à l’avant-veille de la troisième grève tournante provinciale et à dix jours de la grève nationale de 24 heures du 15 décembre, il est grand temps de protester contre cet « oubli », grand temps d’intervenir à tous les niveaux pour que le front commun ajoute une cinquième demande à sa plateforme : l’abolition des mesures « chômage » prises par le gouvernement précédent.
Pour rappel, la limitation dans le temps des allocations d’insertion a été une des causes principales du mécontentement et du désaveu de la politique du PS tel qu’il s’est exprimé dans les urnes le 25 mai dernier.
A l’origine, la mesure prise par Di Rupo devait entraîner 50.000 exclusions au premier janvier 2015, dont 32.000 en Wallonie.
Aménagements en trompe-l’oeil
Popularisé par des études de la FGTB wallonne, ce chiffre a soulevé une profonde vague d’indignation dans le monde du travail. Chacun(e) a en effet une victime potentielle dans sa famille ou parmi ses proches. Chacun(e) sait aussi qu’il y a moins d’un emploi disponible pour quarante-sept demandes.
Face à la réaction de l’opinion publique, et à deux mois du scrutin, le gouvernement papillon a donc apporté quelques aménagements en faveur (si l’on peut dire !) des demandeurs d’emploi ayant un travail précaire et des personnes souffrant d’incapacité médicale.
C’est ainsi que le chiffre des exclusions a été ramené de 32.000 à 20.000 en Wallonie. Mais ces aménagements ne sont que temporaires. Le secrétaire général de la FGTB wallonne le confirmait en septembre dernier : « Ces 12.000 personnes seront simplement exclues au plus tard à partir de janvier 2017, au lieu de janvier 2015 comme les 20.000 autres. »
Une cinquième revendication indispensable
L’abolition des mesures chômage du gouvernement Di Rupo est une question de justice sociale élémentaire. Les victimes de la crise, des fermetures, des restructurations et du manque d’investissement, n’ont pas à faire les frais du gâchis capitaliste.
Cette raison, en soi, devrait suffire à convaincre les organisations syndicales de ne pas « oublier » les demandeurs d’emploi. Mais ce n’est pas la seule.
Engagé dans une épreuve de force avec Michel-De Wever, le front commun a un intérêt tactique évident à construire le meilleur rapport de forces possible. Donc à sensibiliser et mobiliser les chômeur.euse.s – d’autant plus que la coalition de droite lance contre eux.elles de nouvelles attaques (travail forcé, etc.).
L’intérêt est aussi stratégique, car la droite a dans ses cartons le projet de retirer aux syndicats la gestion des dossiers de chômage et le paiement des allocations. Son but est ainsi de les affaiblir non seulement financièrement mais aussi socialement, en cassant les liens entre les sans-emploi et le mouvement ouvrier organisé.
D’un gouvernement à l’autre
Il y a aussi un aspect politique à la question : ne pas revendiquer l’abolition des mesures chômage de Di Rupo, c’est donner le message que les mauvais coups perpétrés par un gouvernement ne sont plus remis en cause par la suite, lorsqu’une nouvelle coalition est en place.
La non-remise en cause des acquis néolibéraux des gouvernements successifs convient fort bien aux gestionnaires sociaux-démocrates : de la sorte, ils peuvent de temps à autre se refaire une virginité dans l’opposition et laisser la droite faire le sale boulot… avant de revenir aux affaires comme si de rien n’était.
En matière de détricotage de la protection sociale des sans –emploi, ce petit jeu ne date pas d’hier. En 1981, le ministre « socialiste » Dewulf a cassé le droit individuel aux allocations, en introduisant les trois statuts « isolé.e.s », « cohabitant.e.s » et « chefs (cheffe ?) de ménage ». Le gouvernement de droite Martens-Gol est ensuite passé par là, et, quand le PS est revenu au pouvoir en 1987, les directions syndicales n’ont pas jugé bon d’exiger le retour au système de départ.
C’est le moment!
Aujourd’hui, la coupe est pleine. La population en a marre de l’austérité et de l’inégalité sociale. Des dizaines de milliers de militant.e.s des syndicats sont mobilisé.e.s et leurs actions sont très largement soutenues par l’opinion publique. Tous les gouvernements –fédéral et régionaux- battent des records d’impopularité.
C’est le moment de n’oublier personne, le moment d’unir toutes les luttes, le moment de solder tous les comptes. Les syndicalistes de Charleroi l’ont compris : leur tract distribué en front commun le 24 novembre exigeait « une réduction du temps de travail et le retrait des mesures d’exclusion et de dégressivité ».
Un vent de solidarité s’est levé, qui peut faire reculer les vents mauvais de l’individualisme et de la lutte de tou.te.s contre tou.te.s. L’abolition des mesures chômage du gouvernement Di Rupo doit devenir le cinquième point de la plateforme syndicale pour le 15 décembre et après.