– Pour un Etat laïque démocratique qui consacre la justice sociale, la liberté et l’égalité pour tous, hommes et femmes
– Pour une Assemblée constituante élue en dehors du carcan sectaire, qui élaborera une nouvelle Constitution pour le Liban
– Pour le droit de tous à une vie décente, et dans un environnement propre ne suffoquant pas sous l’odeur des déchets
Le processus révolutionnaire arabe qui s’est déclenché en Tunisie en décembre 2010 et qui a entraîné la fuite du président Ben Ali a ouvert la voie à un cycle de soulèvements révolutionnaires dans notre région qui ont réussi à renverser plus d’un tyran. Quoique ces soulèvements n’aient pas abouti à réaliser la revendication principale des masses insurgées, à savoir le renversement des régimes en place, des masses populaires libanaises, relativement larges, sont descendues dans la rue sous le slogan de « renverser le régime sectaire libanais ».
Mais cette tentative n’a pas atteint ses objectifs faute d’organisation et d’une direction résolue et structurée, et à cause de l’inertie de plusieurs forces de la gauche nationale et stalinienne, qui ont préféré haleter derrière des forces et des directions du milieu bourgeois sectaire, sous le fallacieux prétexte d’élargir, autant que possible, le cadre du mouvement, même si au détriment de la radicalité des revendications.
Cependant ce qui distingue la mobilisation massive des jeunes dans les rues et les places publiques aujourd’hui, c’est qu’elle intervient à un moment où le pouvoir bourgeois en place est arrivé à un stade ultime de pourrissement, accéléré par ses contradictions inextricables et son incapacité à reproduire ses institutions (la présidence de la République, la Chambre des députés, la direction de l’armée, etc.). Sans parler de l’implication de certaines de ses composantes dans des aventures militaires honteuses, hors du Liban, au profit de puissances régionales autoritaires et foncièrement réactionnaires, à l’image des modèles iranien et syrien, et pour affronter la volonté des peuples arabes, notamment l’héroïque peuple syrien.
Bien évidemment la goutte qui a fait déborder le vase cette fois est le phénomène de la corruption qui a atteint des proportions inégalées et qui a conduit le gouvernement libanais, dans sa quête et ses méthodes ignominieuses de pillage de l’argent public, à la noyade, et qui tente à son tour de noyer les citoyen.ne. s dans la question des déchets. Il voulait se débarrasser de ce problème en le confiant en sous-traitance à des entreprises appartenant à tel ou tel confident des symboles du pouvoir en place, selon le principe infâme des quotas, sinon à d’anciens seigneurs de la guerre, ou encore des chefs des madhahib (doctrines religieuses) et des confessions. Cependant il a été contraint sous la pression des manifestants qui tiennent des sit-in dans la rue Riad Solh et d’autres qui se sont mobilisés contre lui à annuler les résultats du dernier appel d’offres y afférent. Entretemps, il essaye de se débarrasser des déchets quotidiens en les déversant dans les montagnes, dans les rivières, dans la mer et sur les plages, dans les forêts, et ailleurs, avec toutes les conséquences désastreuses sur l’environnement et sur la santé des citoyens et tous les résidents du territoire libanais. Ceci à un moment où les Libanais vivent dans des conditions très difficiles et sont exposés à toutes sortes de dangers découlant des orientations politiques, sociales et économiques des symboles du pouvoir, y compris le risque d’entretuement d’ordre sectaire.
Pour faire face à cette situation, le « Forum socialiste », qui participe de près au mouvement de la jeunesse rebelle, qui subit une horrible répression de la part des forces militaires, propose une principale vision programmatique et appelle les masses qui se sont soulevées à travailler sur sa base. Cette vision programmatique comprend les éléments suivants:
– Rejeter l’attribution en sous-traitance de la collecte des déchets à des entreprises privées, et placer leur gestion sous la responsabilité des municipalités, en particulier sur la base du tri à la source, et l’adoption du recyclage des déchets qui est en vigueur dans les pays développés, et bénéficier de ce processus pour produire de l’énergie, en pleine conformité avec les règles de protection de l’environnement.
– Le jugement des pilleurs de l’argent public devant une justice impartiale, soumise à un régime de responsabilité rigoureux, et l’épuration continue des éléments corrompus, avec le recouvrement des biens et fonds pillés à tous les niveaux, y compris les domaines publics terrestres et maritimes.
– Mettre fin à la privatisation, et la protection du secteur public en le plaçant sous le contrôle des travailleurs, avec un régime de responsabilité continu.
– Accorder aux fonctionnaires, y compris les membres des différentes forces armées, le droit de se syndiquer, et toutes les libertés démocratiques, en particulier la liberté d’opinion et d’expression, ainsi que le droit des militaires au vote.
– L’instauration de l’échelle mobile des salaires.
– L’annulation de la nouvelle loi portant sur les expulsions locatives, et la remplacer par une loi qui préserve les droits des locataires, et garantit le droit à un logement décent pour tous.
– Résoudre le problème du chômage, et garantir l’emploi, la santé et la retraite.
– L’annulation de la partie de la dette publique qui concerne la dette du Trésor public libanais envers les banques, et la nationalisation des banques et du commerce extérieur.
– L’instauration de la laïcisation globale, y compris une loi civile des statuts personnels qui garantie le droit au mariage civil.
– Inviter l’élection d’une Assemblée constituante, sur la base du scrutin proportionnel non confessionnel, avec le Liban comme arrondissement unique. Cette Assemblée élaborera une nouvelle Constitution pour le pays.
– Le jugement des criminels de guerre, et mettre un terme à l’impunité consacrée par la misérable loi d’amnistie, à la fin de la dernière guerre civile, et clarifier le sort de toutes les personnes kidnappées et disparues durant cette triste période.
– Reconnaître les droits civils, économiques, sociaux et politiques aux réfugiés palestiniens et leur garantir un logement décent à la place des camps de la honte dans lesquels ils sont entassés.
– Reconnaître les droits humanitaires aux réfugiés syriens, et leur accorder le statut de réfugiés au lieu de celui de déplacés, ce qui permet de leur garantir le droit à une vie humaine décente, à l’abri de toute discrimination raciale, ainsi que leur permettre d’entrer au Liban sans visa.
Ce qui se passe aujourd’hui au Liban sont les prémices d’un soulèvement populaire contre l’un des pires régimes bourgeois sectaires. Tous ceux et toutes celles qui sont lésés par ce régime – ils sont la majorité des habitants de ce pays – doivent descendre dans les rues et les places publiques, indépendamment de leur appartenance confessionnelle ou doctrinaire, pour :
- participer au processus tant attendu et mettre fin à la désintégration sociale existante
- instaurer un pouvoir démocratique et laïque qui consacre l’égalité pour tous, hommes et femmes, de tous les madhahib et confessions et de toutes les couches sociales, ainsi que la liberté et la dignité humaine et la justice sociale.
C’est un mouvement qui va laisser ses empruntes progressistes dans toute la région, comme il suscitera une très grande solidarité des peuples de la région et du monde en général.
Le Forum socialiste
Beyrouth 29.08.2015
Traduction de l’arabe par Rafik Khalfaoui