Nous publions ci-dessous deux articles consécutifs du journal « Publico » à propos du projet Podemos, initié par des intellectuels et activistes sociaux et politiques dans l’Etat espagnol ( podemos ). Podemos vise à « convertir l’indignation citoyenne en changement politique », notamment en « récupérant la souveraineté populaire » à l’occasion des élections européennes à travers une candidature unitaire et de rupture. Une liste sera en effet déposée si ces trois conditions sont remplies: obtenir un appui populaire de plus de 50.000 signatures sur le web, développer une méthode de composition de la liste et du programme ouverte à la participation de tous des citoyens et rechercher l’unité entre tous ceux qui protestent contre l’austérité. Portée entre autres par Pablo Iglesias, jeune professeur de sciences politiques et présentateur de La Tuerka (une émission de débats politiques sur Publico TV), très populaire dans les milieux progressistes, l’initiative démarre de façon fort prometteuse. Ce 18 janvier, plus de 300 personnes n’ont pas pu rentrer faute de place dans la petite salle du théâtre de quartier de Lavapies à Madrid où se déroulait la première conférence de presse qui, avec cette foule, s’est finalement transformée en présentation publique. Et, en mois de 36 heures seulement, les 50.000 signatures de soutien attendues ont déjà été récoltées sur le net! Cette initiative -soutenue par notre organisation-soeur, Izquierda Anticapitalista (www.anticapitalistas.org)- représente désormais une réelle possibilité de fédérer les forces anti-austérité, dans les rues et dans les urnes, et d’obtenir une liste unitaire pour porter au parlement européen la voix des mouvements sociaux anti-austérité actifs dans l’Etat espagnol. Adelante! (LCR-web).
Intellectuels et activistes appellent à « récupérer la souveraineté populaire » avec une candidature pour les européennes dans l’Etat espagnol
Publico, mardi 14 janvier 2014.
Un groupe d’intellectuels, avec des personnalités connues du monde de la culture, du journalisme et de l’activisme social et politique, ont lancé le manifeste « Bouger les pièces: convertir l’indignation en changement politique » qui souligne la nécessité d’une alternative à la crise économique et politique en Espagne ainsi que les possibilités inhérentes à la conjoncture actuelle. Leur intention est de lancer un appel à « une candidature pour récupérer la souveraineté populaire » à l’occasion des prochaines élections du Parlement Européen, entre le 22 et le 25 mai 2014, « qui auront lieu dans un moment de profonde crise de légitimité de l’UE ».
Parmi les signataires, on retrouve entre autres Juan Carlos Monedero, professeur de sciences politiques à l’Université Complutense de Madrid (UCM); l’acteur Alberto San Juan; Jaime Pastor, professeur de sciences politiques à l’Université Nationale d’Education à Distance (UNED); l’écrivain et philosophe Santiago Alba Rico; Cándido González Carnero, syndicaliste, ou Bibiana Medialdea, professeur d’économie à l’UCM.
« Nous sommes face à la plus grande perte de crédibilité du régime né de la Constitution de 1978 (ndt: après la chute du franquisme) », assure le texte. Face à cette situation, les signataires soulignent que « les mouvements d’indignation politique comme le 15-M se sont connectés autour d’une volonté populaire claire: ne plus sacrifier de droits sur l’autel des marchés guidés par la spéculation et le vol ». Ils avancent que « la mobilisation populaire, la désobéissance civile et la confiance en nos propres forces sont essentielles, mais sont aussi les clés pour ouvrir es portes qu’on veut aujourd’hui nous fermer, pour faire parvenir jusqu’aux institutions la voix et les revendications de cette majorité sociale qui ne se reconnait plus dans cette Europe ni dans ce régime corrompu sans retour possible ».
Pour ces raisons, les signataires mettent en évidence dans leur manifeste la nécessité d’une « candidature pour récupérer la souveraineté populaire » comme résultat d’un processus participatif ouvert aux citoyens. Le manifeste explique que « ce sont les citoyens qui doivent décider, pas la minorité égoïste qui nous a trahis jusqu’ici. Ce sont ceux qui, face aux gouvernements au service de la minorité des 1%, revendiquent une démocratie réelle, des salaires et pensions dignes, une fiscalité progressive pour que ceux qui possèdent plus paient plus, la poursuite de la fraude fiscale, le refus des licenciements dans les entreprises en bénéfice, ou encore la distribution de tous les travaux, y compris les travaux domestiques et de soins non rémunérés ». Cela devra être « une candidature pour le droit à un logement digne », car « on peut et on doit en finir avec le drame humain des expulsions de logements, en les bloquant tous et en approuvant le paiement rétroactif comme le revendique la Plateforme des victimes des hypothèques (PAH) ». Cela inclut aussi le refus « des privatisations des services publics et des biens communs: l’éducation, la santé, la justice, le transport et l’information ». La violence machiste est une autre préoccupation de ce groupe d’intellectuels qui défend « le droit des femmes sur leur propre corps et le droit de décider si elles veulent interrompre ou pas leur grossesse ». Comme objectifs prioritaires, il faut aussi « miser sur un changement de modèle productif qui soit au service des personnes », « défendre les droits citoyens pour tous et toutes et exiger l’abrogation des lois sur l’immigration » ainsi que « rejeter les interventions militaires « .
Les signataires disent qu' »il est l’heure du courage, pour ne pas laisser se fermer la fenêtre d’opportunités que l’engagement de tant de braves gens a ouverte. Nous avons besoin d’une candidature unitaire et de rupture, menée par des personnes qui expriment de nouvelles façons de faire de la politique et qui soit une menace réelle pour le régime bipartidiste du PP et du PSOE qui a séquestré notre démocratie ». Ils concluent en affirmant que « celles et ceux qui signent ce manifeste sont convaincus qu’il est temps de faire un pas en avant et que, en le faisant, nous en rencontreront encore plus ».
La liste des premiers signataires est composée de Jaume Asens (avocat), Albano Dante-Fachin (éditeur de la revue Café amb Llet), Santiago Alba Rico (philosophe), Jorge Riechmann (poète, activiste écologiste), Jaime Pastor (Professeur se sciences politiques UNED), Cecilia Salazar-Alonso (activiste de la Marea Verde de Madrid -ndt: mouvement contre les coupes budgétaires dans l’éducation), Juan Carlos Monedero (professeur), Teresa Rodríguez (professeure de secondaire, déléguée syndicale et militante de la Marea Verde d’Andalousie), Francisca Camacho (femme de ménage de l’Université de Cádiz et déléguée syndicale), Laura Mingorance (étudiante de l’Universidad de Cádiz et militante de l’Association Etudiante Contre la Précarité), Jesús Jaén (activiste de la Marea Blanca de Madrid -ndt: mouvement contre la privatisation de la santé publique), Carmen San José (activiste de la Marea Blanca-Madrid), Javier Cordón (activiste de la Marea Blanca-Madrid), Sixto Casado (syndicaliste du chemin de fer), Antón Gómez Reino-Varela (activiste social), Elena Maeso (activiste de la Oficina precaria -ndt: espace de coordination pour les travailleurs précaires et sans emploi), Tristán Meyer (La Tuerka -ndt: programme de débats politiques sur Publico TV), Bibiana Medialdea (Professeure d’économie de l’UCM), Olga Abasolo (sociologue), Raimundo Viejo Viñas (Professeur de sciences Politiques de l’UdG), Germán Cano (Professeur de philosofie de l’U. d’Alcalá), Rita Maestre (étudiante) y Alejandro García (délégué syndical chez McDonalds).
Pablo Iglesias présente Podemos comme « une méthode participative ouverte à tous les citoyens »
Publico, samedi 18 janvier 2014.
« On a crié sur les places « sí se puede » et nous disons aujourd’hui « podemos » ». C’est par cette phrase que le professeur et présentateur de La Tuerka, Pablo Iglesias Turrión, a introduit la présentation de l’initiative Podemos, qu’il a défini lui-même comme « une méthode participative ouverte à tous les citoyens ». L’objectif de cette nouvelle formation est de « convertir l’indignation citoyenne en changement politique » à travers de « la décence, la démocratie et les droits humains », ce qui est incompatible avec les coupes budgétaires actuelles.
Pour que cette nouvelle initiative puisse présenter sa candidature aux élections du Parlement Européen en mai prochain, ses initiateurs ont posé trois conditions: un appui populaire de plus de 50.000 signatures sur le web www.podemos.info, une méthode de composition de la liste et du programme ouverte à la participation de tous des citoyens et la recherche de l’unité entre tous ceux qui protestent contre l’austérité.
La présentation de Podemos s’est faite au Théâtre de quartier de Lavapiés, à travers une conférence de presse qui, avec l’affluence de centaines de personnes, s’est transformée en présentation publique. Plus d’une centaine personnes sont restées dans la rue une fois la salle de théâtre remplie et Iglesias leur a consacré quelques mots après les interventions à l’intérieur. Avec lui ont aussi parlé quelques membres du groupe fondateur, comme la professeure et syndicaliste de la Marea Verde Teresa Rodríguez; le professeur Juan Carlos Monedero; la psychiatre Ana Castaño, de la Marea Blanca; l’analyste et chercheur Íñigo Errejón et l’activiste social Miguel Urbán. Dans les gradins derrière le podium, se sont installées une trentaine de figures connues du monde de la culture, de l’activisme social et du monde académique, comme Carlos Fernández Liria, Jorge Alemán, Carolina Bescansa ou Jaime Pastor.
Pour répondre aux questions posées, à savoir si le projet n’allait pas diviser encore plus le spectre limité et déjà fragmenté de la gauche, Iglesias a expliqué que Podemos naît « avec la main tendue à toutes et tous », en respectant les « lignes rouges du respect des droits humains et de la lutte contre les coupes budgétaires ». Il a proposé à Izquierda Unida, comme à toutes les forces de gauche et aux mouvements sociaux de participer à un processus ouvert de primaires pour élire un candidat unique contre les coupes budgétaires, coupant par là l’herbe sous le pied à tous ceux qui accusent l’initiative de vouloir rompre l’unité des gauches.
Au contraire, Podemos recherche « un vrai processus d’unité ». Les initiateurs ont insisté sur le fait qu’ils participent aux mouvements sociaux et aux « marées » citoyennes sans pour autant les représenter, car « les mouvements sont irreprésentables », comme l’a dit Iglesias. En plus d’une main tendue envers IU, l’appel est aussi dirigé envers toutes les forces en faveur d’un changement politique, comme Anova (en Galice), la CUP (en Catalogne) ou le SAT (en Andalousie).
« Aujourd’hui, nous lançons un appel aux gens qui luttent pour donner un coup de pied dans la table, pour bouger les pièces et bouger le plateau même sur lequel ils nous font jouer. Nous allons leur disputer les rues où ils se sentent si mal, mais leur disputer aussi leurs lieux de pouvoir, comme les institutions « . C’est ainsi que l’andalouse Teresa Rodríguez, activiste pour le défense de l’éducation publique et déléguée syndicale de USTEA a entamé son discours, démontrant ainsi la pluralité de profils réunis dans ce projet. Rodriguez a aussi exprimé la « nécessité de récupérer le « fil violet » au moment où les femmes perdent leurs droits les plus fondamentaux, comme celui à l’autodétermination de leur corps », défendant ainsi le droit à l’avortement libre, gratuit et à la santé publique.
« Nous sommes le pavé dans la marre et nous sommes nombreux. Nous avons besoin de nous unir pour que les vagues atteignent la rive… Nous ne sommes pas une liste, nous sommes un cri… Nous sommes la joie, nous somme la majorité », a dit Juan Carlos Monedero sur un ton littéraire. Ainsi, le professeur de sciences politiques de la Complutense, également présentateur de La Tuerka, a affirmé que « dans notre démocratie, ils ne sont pas seulement en train de voler la vie: ils nous précarisent, nous infériorisent, nous culpabilisent et, en plus, nous disent qu’il n’y a aucune alternative ». En parallèle, Ana Castaño, activiste de la Marea Blanca pour la défense de la santé publique, voit l’initiative comme « une tentative nécessaire pour récupérer l’éthique de la politique » et « une opportunité unique de bâtir des ponts avec les jeunes ».
Iglesias a dit qu’il n’y a que « quelque personnes » qui pourraient aider à « franchir un pas tel que celui-là » et que, parmi elles, il y a le député d’Izquierda Unida (IU) Alberto Garzón, ou la porte-parole de la PAH (Plateforme des victimes des hypothèques) Ada Colau. Aussi, la nécessité d’une figure médiatique comme la leur se justifie par le peu de possibilités que les organisations sociales ont à se faire entendre par elles-mêmes.
Traduction: Céline Caudron pour lcr-lagauche.org