Ce dimanche 16 mars, près de 800 personnes ont manifesté devant le centre fermé pour étrangers à Vottem (Liège) pour crier haut et fort : « Vottem, camp de la honte, 15 ans déjà ! Je ne l’accepte toujours pas »! Devant les grillages du centre fermé, notre camarade France Arets, animatice du Cracpe (collectif de résistance aux centres fermés) et du Collectif de soutien aux sans papier a pris la parole et candidate LCR sur la liste PTB-GO! pour la Chambre à Liège.
« A la veille des élections, nous revendiquons un changement radical en ce qui concerne la politique d’immigration, tant belge qu’européenne. Si cette dernière conditionne l’autre, nous constatons néanmoins que la politique menée par Maggie De Block et le gouvernement actuel réduit presque à néant l’accès droit au séjour en Belgique. Ce qui fait que la Belgique devient le champion de l’Europe forteresse en matière d’éloignements forcés, ou « volontaires » sous pression11.386 personnes éloignées en 2012, soit une augmentation constante depuis 2009 (opération de régularisation) : 3847 rapatriements et reprises DUBLIN, 1895 refoulements, 5644 retours volontaires…6797 personnes ont séjourné en centre fermé, dont 1214 ici à Vottem.
Notre Etat expulse sans état d’âme des personnes vers les pays d’origine qu’elles ont fuis à cause des persécutions, des dictatures, des guerres, de la misère. Des réalités récurrentes auxquelles s’ajoutent aujourd’hui les catastrophes climatiques… Peu importe pour notre gouvernement, qu’elles y trouvent la mort à leur arrivée, comme le jeune Aref, expulsé il y a quelques mois, victime des Talibans en Afghanistan!
Les hommes depuis toujours, ont marché, ont circulé pour chercher la sécurité et une vie décente pour eux-mêmes et leurs familles. Comme chacun peut le constater, pourtant, la plupart des migrants se réfugient près de leur pays d’origine : les Syriens sont plus de deux millions en Turquie, en Jordanie, Liban, Irak, Egypte. Un peu plus de 2000 ont demandé l’asile en Belgique… Nous demandons que l’Etat belge prenne aujourd’hui sa part d’une politique d’accueil. Rappelons que les Belges ont émigré outremer, comme beaucoup d’autres Européens, pour fuir la misère au 19e siècle, qu’ils ont trouvé accueil, fuyant la Belgique occupée en 1940, en France et en Angleterre.
Aujourd’hui, seuls environ 25% des demandeurs d’asile obtiennent un statut de réfugié ou la protection subsidiaire (protection en cas de guerre dans le pays d’origine). Le taux de régularisation pour raison humanitaire ou médicale ne fait que chuter : 6% de réponses positives pour toutes les demandes traitées en 2013 ! Plusieurs situations ont été médiatisées cet automne, par exemple celle de Navid Sharifi, plombier afghan âgé de 23 ans, formé ici, qui pratiquait un métier en pénurie de main d’œuvre, et vivait en couple avec une citoyenne belge. Il a été expulsé après avoir reçu des réponses négatives à ses demandes de régularisation. Idem pour un entrepreneur chilien…
Des personnes qui ont bénéficié de formations en Belgique, qui travaillent, sont expulsées. Des personnes gravement malades, par exemple séropositives, sont renvoyées dans des pays où elles n’auront pas accès aux soins nécessaires. Des conjoints ne peuvent se rejoindre, des enfants sont séparés de leurs parents… des familles sont expulsées, alors que les enfants, scolarisés ici, ne connaissent bien qu’une de nos langues nationales…
Les centres fermés sont des prisons qui cachent leur nom; ils exercent une violence quotidienne à l’égard des personnes qui y sont détenues. En effet, la détention a pour but de casser la résistance à l’expulsion. La violence peut être physique, dès que la porte du centre a été franchie et toute forme de révolte entraîne la mise au cachot. Cette violence atteint son paroxysme au moment de l’expulsion, lorsque la personne est emmenée à l’avion: menottes, corps sanglé, entravé, coups, insultes… Des plaintes ont été déposées suite à des blessures. Cette violence est aussi psychologique: menace de l’expulsion dont on ne sait quand elle aura lieu, privation de liberté dont on ne sait quand elle prendra fin.
A cause de cette politique restrictive, de nombreuses personnes se retrouvent dans la clandestinité, ce qui signifie la précarité, et la surexploitation dans des filières de travail en noir, dans la construction, l’Horeca, le nettoyage, les services domestiques et aux personnes… Seule une régularisation permettrait de mettre fin à cette situation qui divise les travailleurs avec et sans papiers.
L’opération de régularisation de 2009 a été ponctuelle et partielle. D’un côté, elle a permis à une partie des personnes présentes depuis longtemps sur le territoire d’obtenir un séjour ; d’un autre côté, elle a laissé beaucoup de monde sur le carreau. Par exemple elle prévoyait de prendre en compte le critère « travail » (possibilité de contrat de travail), mais peu de dossiers ont été acceptés; des pièces d’identité manquantes ont aussi bloqué beaucoup d’autres dossiers…
Aujourd’hui, plus aucun critère n’existe, les instructions de 2009 ont été mises à la poubelle et la quasi totalité des dossiers de régularisation est refusée.
Pendant de longues années, les mouvements de sans papiers ont revendiqué une commission permanente de régularisation indépendante de l’Office des Etrangers, avec des critères clairs. Cela est plus que jamais d’actualité.
Nous demandons la suppression des centres fermés pour étrangers ; l’arrêt immédiat des expulsions. Nous demandons une politique d’asile et d’immigration qui respecte les Droits humains. Nous exigeons une régularisation des sans papiers.
Pour terminer, demain lundi, une expulsion collective est planifiée vers la Guinée Conakry, au mépris du droit. L’Ambassade de Guinée, et donc l’Etat guinéen ont refusé d’accorder des laissez-passer. On expulserait donc des personnes sans titre de voyage. D’autre part, beaucoup de ces personnes ont encore des procédures en cours, de recours contre le refus de régularisation, de mariage, … Un avocat liégeois a d’ailleurs obtenu une suspension de la mesure d’expulsion pour tous ses clients qui étaient en recours .
L’expulsion militaire, c’est l’expulsion sans témoin, la force prime.
En Guinée, il faut aussi savoir que la violence est quotidienne. Mercredi dernier, un jeune homme est mort, tué par balles par les forces de police. Il passait près d’une manifestation pour le droit à l’eau.