Toute une série de réunions syndicales ont lieu ces jours-ci pour préparer la manifestation nationale en front commun du 7 octobre. Nous espérons de tout cœur que cette manifestation sera de nouveau un énorme succès, et nos membres feront ce qui est en leur mesure pour cela. En même temps, nous estimons indispensable de tirer les leçons de la mobilisation de l’automne 2014. C’est nécessaire si l’on veut que la manifestation du 7 octobre soit le début d’un mouvement qui, cette fois, doit absolument permettre de décrocher des résultats – autre chose que des miettes.
Toutes nos conquêtes, nous les devons aux luttes et à la solidarité de notre classe.
Les congés payés, la sécurité sociale, les conventions collectives, le droit à l’enseignement pour tous et toutes, l’indexation des salaires, la retraite à 65 ans, le droit de vote, le droit de former des syndicats, le droit de grève, la dépénalisation de l’avortement,… et tout le reste… : rien ne nous a été donné, tout a été arraché par la lutte, par la solidarité.
Nos parents, nos grands-parents, nos arrière grands-parents se sont battus, et parfois sont morts pour que nous soyons autre chose que de la chair à exploiter au profit des patrons. Par leurs luttes, ils ont imposé notre existence collective et digne en tant que Monde du Travail.
Le gouvernement Michel-De Wever veut casser cela. Il ne veut pas seulement nous dépouiller, mais aussi nous atomiser. C’est le gouvernement des riches et des patrons. Il veut nous ramener au 19e siècle.
Michel-De Wever procède par étapes, en cachant son jeu, mais rien n’est fait au hasard : il y a une stratégie, un plan. Exemple : décider un saut d’index, puis augmenter la TVA pour compenser la baisse des cotisations patronales à la sécurité sociale… Ensuite, on reviendra à l’attaque contre l’indexation… et contre la sécurité sociale.
Nous sommes nombreux. Nous pouvons être très forts si nous sommes unis et mobilisés. Nous l’avons montré en 2014, avec la manifestation du 6 novembre (130.000 personnes), les grèves tournantes et la grève nationale de 24H, le 15 décembre.
A ce moment-là, les patrons et leur majorité politique étaient sur la défensive, dans tout le pays, face à notre majorité sociale. Si nous avions continué le combat, Michel-De Wever serait tombé et nous n’aurions pas aujourd’hui la pension à 67 ans et la hausse de la TVA, entre autres…
Mais les directions de nos syndicats ont fait une erreur : elles ont cru que notre démonstration de force était suffisante, qu’on pouvait en rester là, que cela suffirait pour faire reculer le gouvernement et pour obtenir des compromis du patronat, par la concertation.
La majorité de la CSC a fait une deuxième erreur, encore plus grosse : elle a cru qu’en se résignant au saut d’index elle obtiendrait, grâce à ses amis politiques du CD&V, une diminution des impôts pour les travailleurs, compensée par une hausse des impôts sur les riches (« tax shift »). Elle a été roulée sur toute la ligne, et ses affilié-e-s avec elle.
Il faut voir la réalité en face : la mobilisation de l’automne 2014 était magnifique mais nous n’avons RIEN obtenu. Le gouvernement a fait passer tous ses projets, ou presque et, dans notre camp, la division s’est installée.
Cela sème le découragement. Beaucoup de travailleur-euse-s se disent : manifester et faire grève, ça ne sert à rien. Mais ce n’est pas la solution. Réagir ainsi, cela fait le jeu de Michel-De Wever, qui mise sur notre passivité pour lancer de nouvelles attaques.
Les libéraux veulent casser le secteur public. La NVA veut supprimer les conventions collectives. Cela montre bien le but de la droite et des patrons: détruire les solidarités qui concrétisent notre existence comme classe.
Il faut continuer à lutter, mais lutter pour gagner. Pourquoi avons-nous perdu ? Parce que la stratégie de lutte de nos directions était mauvaise et parce qu’elle n’a pas été contestée assez fort. Il faut donc une autre stratégie de lutte, et celles et ceux qui le veulent doivent s’organiser pour cela. De la base au sommet, il faut que nous prenions nos responsabilités pour imposer un changement de cap.
Prendre nos responsabilités, c’est d’abord refuser les discours de haine qui détournent notre attention vers des boucs émissaires : les personnes d’origine immigrée, les femmes, les sans-papiers, les gays et lesbiennes, les demandeurs d’asile… Ces discours font le jeu de l’extrême-droite. La solidarité est un principe, elle ne se découpe pas en tranches. Elle est sans frontières ou elle n’est pas.
Prendre nos responsabilités, c’est nous mêler de ce qui nous regarde. C’est pratiquer une véritable démocratie dans nos syndicats, à tous les niveaux – les reprendre en mains si nécessaire- refuser la gué-guerre entre organisations, entre centrales, organiser des assemblées sur les lieux de travail, et nous impliquer toutes et tous activement dans la lutte.
Prendre nos responsabilités, c’est adopter des revendications immédiates claires pour rendre aux travailleur-euse-s ce qui leur a été volé (par le fédéral ou par les régions) et prendre l’argent là où il est :
- Retrait du saut d’index
- Retrait de la pension à 67 ans
- Retrait des mesures contre les prépensions
- Retrait des mesures chômage contre les demandeurs d’emploi, contre les femmes et contre les jeunes qui sortent de l’école
- Retrait des mesures de restriction dans la culture, l’associatif et le secteur public
- Bas les pattes des malades
- Suppression des baisses de cotisations patronales à la sécurité sociale
- Retrait de la hausse de la TVA sur l’électricité
- Liberté de négociation, abolition de la loi sur la compétitivité
- Stop aux intérims et autres sous-statuts
- Retour aux droits individuels en sécurité sociale
- Levée du secret bancaire, cadastre des fortunes et impôt sur les gros patrimoines
- Audit de la dette publique et abolition de la dette illégitime
Prendre nos responsabilités, c’est exiger de nos syndicats un plan d’action en front commun qui va crescendo jusqu’à la grève générale illimitée pour la satisfaction de ces revendications. Ras-le-bol des actions sans lendemains !
Prendre nos responsabilités, c’est assumer la dimension et les conséquences politiques de notre lutte : oui, nous voulons chasser ce gouvernement de malheur, le plus vite possible !
Prendre nos responsabilités, c’est cesser de faire confiance à de soi-disant « relais politiques » qui profitent de nos luttes pour monter au gouvernement, puis nous plantent des couteaux dans le dos. Qu’ils s’engagent à gouverner uniquement sur base de nos revendications, ou qu’ils aillent au diable !
Prendre nos responsabilités, c’est nous mobiliser en toute indépendance pour doter le monde du travail d’un nouvel outil politique. Ne laissons plus la politique aux politiciens. Agissons pour que se forme un prolongement politique à nos revendications. Un outil ouvert, vivant, démocratique et pluriel – pas un nouvel appareil qui nous impose « sa ligne ».
Prendre nos responsabilités, c’est abandonner la « concertation », et développer une stratégie basée exclusivement sur la lutte, l’unité dans la lutte et l’internationalisation de la lutte. La « cogestion du système belge » par la « concertation entre les partenaires sociaux » n’est plus de mise. Nous avons changé de régime. Nous subissons la dictature européenne. La Grèce nous le montre: on ne peut pas casser l’austérité sans casser l’UE.
Prendre nos responsabilités, c’est élaborer une alternative anticapitaliste, écosocialiste, démocratique et féministe. Cessons de placer nos espoirs dans une « relance du capitalisme ». Ce système n’a plus rien d’autre à nous offrir que la destruction de nos vies et la destruction de la planète et de son climat. La FGTB de Charleroi a proposé un plan d’urgence en 10 objectifs. Débattons-en et améliorons-le dans nos syndicats et nos associations ! Nos vies et la planète valent plus que leurs profits !