H. Buclin, J. Daher, C. Georgiou, P. Raboud (sous la direction de), Penser l’émancipation. Offensives capitalistes et résistances internationales, Paris, La Dispute, 2013, 416 pages (avec une préface de Jean Batou).
Le texte d’Hadrien Buclin, Joseph Daher, Christakis Georgiou et Pierre Raboud qui suit est l’introduction de l’ouvrage collectif Penser l’émancipation. Offensives capitalistes et résistances internationales. L’ouvrage est le fruit de la première édition du colloque international « Penser l’émancipation », qui s’est tenue à Lausanne en 2012. La deuxième édition du colloque « Penser l’émancipation » aura lieu à Nanterre du 19 au 22 février 2014.
Introduction : Les enjeux contemporains de l’émancipation
par Hadrien Buclin, Joseph Daher, Christakis Georgiou, Pierre Raboud
Cet ouvrage est une réflexion collective qui vise à réactualiser un projet d’émancipation à la hauteur des enjeux du temps présent, dans le contexte actuel d’un système capitaliste ébranlé par des crises multiples. Les auteurs de ce livre sont convaincus qu’un tel projet reste pour une grande part à définir – ou à redéfinir, dans la mesure où il ne peut que s’élaborer au creuset des problématiques, des crises, des conflits et des résistances contemporains.
En un sens, cette idée était déjà présente au milieu du xixe siècle, chez Marx et Engels, qui écrivaient à propos du programme communiste : « Le communisme n’est pour nous ni un état qui doit être créé, ni un idéal sur lequel la réalité devra se régler. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel. Les conditions de ce mouvement résultent des prémisses actuellement existantes1. » C’est dire si une certaine fidélité à ces auteurs ne passera pas par la répétition de vieux programmes élaborés dans une période qui n’est plus la nôtre et ne reconduira pas non plus l’illusion qu’un projet d’émancipation pourrait être défini « clefs en main », indépendamment des principaux acteurs concernés. C’est pourquoi on trouvera dans ce livre une analyse articulée des offensives capitalistes en cours – soit la manière dont les classes dominantes, à la faveur de la crise économique notamment, mettent en cause les droits acquis par les dominés au travers des luttes menées dans les décennies précédentes – ainsi que de la manière dont ces offensives s’articulent avec d’autres formes de domination, patriarcales, racistes ou impérialistes ; puis une analyse des résistances et des pratiques et projets alternatifs à l’œuvre dans la période contemporaine.
Dans cette perspective, le présent ouvrage insistera particulièrement – et il s’agit, nous l’espérons, d’un apport original – sur les dimensions à la fois économiques, sociales et culturelles des pratiques d’émancipation, dans une optique internationale. En effet, l’émancipation humaine ne peut être réduite à sa seule dimension économico-politique, souvent dominante dans les analyses de la gauche radicale aujourd’hui. Là encore, Marx, dans les Manuscrits de 1844, soulignait bien déjà la manière dont un projet d’émancipation doit concerner l’être humain dans toutes ses dimensions sociales et existentielles : « L’abolition positive de la propriété privée, c’est-à-dire l’appropriation sensible pour les hommes et par les hommes de la vie et de l’être humain, des hommes objectifs, des œuvres humaines, ne doit pas être saisie seulement dans le sens de la jouissance immédiate, exclusive, dans le sens de la possession, de l’avoir. L’homme s’approprie son être universel d’une manière universelle, donc en tant qu’homme total. Chacun de ses rapports humains avec le monde, la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher, la pensée, la contemplation, le sentiment, la volonté, l’activité, l’amour, bref, tous les organes de son individualité2. » Cet ouvrage part d’une problématique pratique au cœur de laquelle se trouve la conflictualité sociale sous ses diverses formes, pour dresser un tableau général des lignes de faille dans le système capitaliste à partir desquelles peuvent s’articuler des perspectives concrètes d’émancipation sociale.
Crises, capitalisme et dominations
Le capitalisme n’avait jamais jusqu’à aujourd’hui exercé une domination aussi étendue sur notre planète, tant sur ses ressources naturelles que sur ses différentes formes d’organisation sociale. Et pourtant, cette réalité coïncide avec l’exacerbation et la conjugaison de plusieurs crises majeures.
Il y a d’abord une crise économique, qui frappe en particulier l’Europe depuis bientôt six ans, et qui a conduit à une autre crise, sociale et politique celle-là, du moins dans les pays les plus touchés par les difficultés profondes de l’économie capitaliste, tels la Grèce, la Hongrie, la Bulgarie, l’Espagne ou le Portugal3. Cette dernière crise se traduit par une forte perte de légitimité du système démocratique bourgeois. D’un point de vue politique, cette perte de légitimité semble pouvoir aussi bien conduire à la montée en puissance d’alternatives politiques fondées sur les principes de l’émancipation, de l’égalité, d’une démocratie renouvelée et de la justice sociale qu’à la poussée de forces politiques profondément rétrogrades4. Ainsi, dans le cas de la Grèce, les deux principaux courants politiques ayant émergé dans le champ électoral durant la crise sont d’un côté la gauche radicale (SYRIZA) et de l’autre le parti néonazi Aube dorée, qui porterait mieux le nom de « Crépuscule sanglant » étant donné la violence dont il fait preuve à l’encontre des immigrés et des militants de gauche. L’inquiétante progression de telles forces politiques d’extrême droite se retrouve également dans certains pays de l’Est fortement touchés par l’austérité néolibérale, telle la Hongrie. À l’inverse, l’expérience de SYRIZA en Grèce fait écho à celle du mouvement des Indignés en Espagne durant l’année 2012 et à l’émergence progressive de partis de rassemblement de la gauche radicale dans d’autres pays en Europe.
Au-delà d’une vision européocentriste, que cet ouvrage collectif cherche précisément à dépasser, la crise de l’ordre politique néolibéral s’est également fortement manifestée dans les soulèvements populaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, mais aussi dans une partie de l’Afrique subsaharienne, où le slogan « Dégage ! », exigeant le départ de dictateurs, a été repris par de grands mouvements sociaux (par exemple en 2011 au Burkina Faso)5. À chaque fois, la dimension antilibérale, voire anticapitaliste de ces mouvements s’est manifestée, notamment à travers le rôle majeur qu’y ont joué les secteurs les plus politisés et syndicalisés du monde du travail ; ainsi, en Tunisie, les grandes grèves dans le bassin minier de Gafsa en 2008 ont paru annoncer la chute de Ben Ali en 2011, dans laquelle la centrale syndicale UGTT a par ailleurs joué un rôle déterminant ; et en Égypte, le déclenchement de l’insurrection contre Moubarak a coïncidé avec une explosion du nombre de grèves sectorielles, entre autres dans le secteur du textile. Une dimension anti-impérialiste est également apparue comme décisive au sein de ces soulèvements populaires, dans la mesure où des dictateurs comme Hosni Moubarak, Zine el-Abidine Ben Ali ou Blaise Compaoré étaient mis en cause pour leur politique de collaboration économique et politique avec les grandes puissances du Nord. Cette position anti-impérialiste se retrouve également dans des mouvements populaires puissants ayant émergé ces dernières années en Amérique centrale et du Sud, qui tous dénoncent le rôle des États-Unis dans un continent qui apparaît historiquement comme leur « arrière-cour » ; un rôle que la puissance états-unienne semble bien décidée à endosser encore, comme l’a par exemple illustré l’implication avérée de la CIA dans les tentatives de déstabilisation des gouvernements antilibéraux d’Evo Morales (Bolivie) ou de Hugo Chávez (Venezuela), de même que son jeu ambigu dans le coup d’État au Honduras, en 20096. D’une certaine manière, c’est aussi contre une organisation internationale du travail et de la production marquée par de profondes inégalités Nord-Sud que se sont dressés des secteurs importants de la « nouvelle classe ouvrière » : par exemple dans la production du textile au Bangladesh, avant et après le drame d’avril 2013 dans une usine de la banlieue de Dacca, où plus d’un millier de prolétaires ont péri7. Dans ces pays qui jouent de plus en plus le rôle d’« ateliers du monde », la pression drastique à la baisse des coûts de production, souvent imposée par les grandes multinationales du Nord, se solde par des conditions de travail proches de l’esclavage. Dans cette nouvelle division internationale du travail, fondée sur la réduction maximale des coûts de production au mépris de toute rationalité sociale et écologique, les inégalités sociales et économiques, loin de diminuer, se redéploient entre pays capitalistes avancés, émergents et surexploités, mais en aucun cas elles ne diminuent. Le capitalisme crée ainsi à la fois la demande pour des produits à bas prix (par la prolétarisation, le chômage, la précarisation, etc.), et l’offre de ces produits ; un signe de plus de l’emprise croissante de ce système économique international dans un contexte de crise8. La maturation capitaliste dans les pays émergents comme le Brésil, la Chine ou la Turquie coïncident également avec l’émergence de nouveaux mouvements sociaux de masse, susceptibles de déboucher sur un nouveau cycle de contestation à l’échelle internationale9.
À ces crises, économique, sociale et politique, s’ajoute un phénomène nouveau (ou du moins dont la gravité s’est accrue et révélée plus récemment), et sans doute déterminant pour la période à venir : une crise écologique, provoquée notamment par l’émission de gaz à effet de serre d’origine humaine dans des proportions bien supérieures à ce que la planète peut absorber[fn]Pour une vue d’ensemble récente de la problématique dans une perspective critique, voir notamment Michel Ducommun, Rompre avec le capitalisme : utopie ou nécessité ?, L’Harmattan, Paris, 2011 ; Stéphane Lavignotte, La décroissance est-elle souhaitable ?, Textuel, Paris, 2010 ; Michaël Löwy, Écosocialisme, Mille et une nuits, Paris, 2011 ; Daniel Tanuro, L’Impossible Capitalisme vert, La Découverte, Paris, 2010.. Le réchauffement climatique qui en découle menace en particulier les populations paupérisées des pays du Sud. Ainsi, la petite paysannerie des pays pauvres, de l’Inde à Haïti en passant par le Sahel, se voit d’ores et déjà confrontée à la multiplication de catastrophes naturelles ou de sécheresses qui menacent les moyens essentiels de subsistance de ces populations, quand ce n’est pas, encore plus fondamentalement, leur lieu de vie qui est mis en péril10. C’est le cas notamment du Bangladesh, un des pays les plus pauvres du monde, où la montée des eaux provoquée par le réchauffement climatique entraîne la disparition de milliers d’hectares, dans un pays dont une fraction importante du territoire est située sur un gigantesque delta11. De même, le modèle extractiviste-productiviste dominant menace gravement les écosystèmes : l’augmentation drastique de la mortalité des abeilles ou la disparition de milliers d’espèces végétales et animales en représentent sans doute des signes parmi les plus inquiétants12. Ce modèle compromet ainsi la viabilité de régions où résident des populations entières : ainsi, en Amérique, du Canada au Pérou, des peuples voient leur approvisionnement en eau empoisonné en raison de gigantesques projets miniers ou d’extraction de pétrole et de gaz de schiste, ce qui suscite d’importants mouvements populaires dénonçant l’impasse économique et écologique de ce modèle de production13. Dans les pays du Nord, la prise de conscience écologique apparaît aussi comme la possibilité de relancer des mouvements sociaux à la hauteur des défis contemporains : la très grande manifestation lors du sommet de Copenhague sur le climat en 2009, qui égalait par son ampleur les plus grandes mobilisations altermondialistes de la fin des années 1990 et du début des années 2000 (à Seattle en 1999, à Gênes en 2001 et à Porto Alegre de 2001 à 2003, notamment), a été un exemple intéressant du chemin parcouru par les questions écologiques dans la conscience de nombreux militants progressistes. Lourd de menaces, le défi climatique est ainsi également fort de potentialités pour un projet d’émancipation, notamment parce qu’il remet sur le devant de la scène les questions de la planification démocratique de l’économie, ou encore de l’internationalisme, dans la mesure où les effets du réchauffement climatique ne connaissent pas de frontières.
À cette combinaison de crises économique, sociopolitique et écologique s’ajoute une crise culturelle diffuse et multiforme, dont les manifestations sont souvent plus difficiles à appréhender. Elle se manifeste autant dans la montée des fondamentalismes religieux qui s’épanouissent à la faveur de la misère sociale – le cas du Pakistan en offre un exemple saisissant14 – que, au sein des pays dits développés, dans des formes moins spectaculaires de stigmatisation et de mépris social à l’égard des cultures populaires, qui renforcent un sentiment d’exclusion chez les populations en position de subalternité ou parmi les groupes sociaux minoritaires15. Les formes nouvelles du racisme, qui revêt aujourd’hui souvent des oripeaux « culturalistes » – dans le sens où ce ne sont plus des prétendues différences biologiques qui sont stigmatisées chez les immigrés, mais des traits culturels réputés inassimilables par rapport aux « mœurs occidentales civilisées » –, la montée en puissance de l’islamophobie dans les pays occidentaux, mais aussi la radicalisation de certains mouvements homophobes et lesbophobes, et la production de masse d’une culture hétéronormée en sont autant de manifestations diverses, auxquelles répond un retour de l’« ordre moral » porté par des forces politiques de la droite conservatrice ou de l’extrême droite16.
Face à cette intrication des crises, les représentants des milieux dominants, confrontés aux limites intrinsèques du système de domination dont ils tirent profit, répondent par des politiques qui ne font qu’accroître les maux qu’elles sont censées combattre : l’exploitation accrue du travail par l’augmentation drastique de la pression à la productivité exercée sur les travailleuses et travailleurs et l’allongement du temps de travail renforcent ainsi le chômage ; la généralisation des politiques d’austérité plonge les économies dans la récession ; le déni des contraintes écologiques sous la pression de divers groupes d’intérêts économiques et patronaux accélère le réchauffement climatique et multiplie les risques de pollutions industrielles ; la mise en cause des conquêtes démocratiques et le renforcement d’instances non élues dans les prises de décision politique – à l’image de la toute-puissante « troïka » dans le cas de la Grèce, dont les inspecteurs occupent les ministères pour veiller à la bonne application de plans d’austérité qui semblent se succéder sans fin – renforcent la défiance des populations à l’égard des institutions en place. Enfin, des formes subtiles de stigmatisation des tentatives d’émancipation par les pratiques culturelles, dimension trop souvent laissée pour compte dans les analyses critiques contemporaines, favorisent des phénomènes d’exclusion de catégories de la population, comme les habitants des quartiers populaires, exclusion qui se manifeste aujourd’hui par des révoltes, y compris dans des pays qui avaient pu être précédemment érigés en modèles d’intégration sociale – comme ce fut le cas pour la Suède en mai 2013.
Dans ce contexte, marqué par les profondes et rapides mutations que nous avons ici décrites à grands traits, il s’agit de contribuer à réactualiser les contours d’un projet d’émancipation. Il ne peut être élaboré, nous l’avons souligné, qu’au creuset des crises, des luttes et des nouvelles problématiques contemporaines. Ainsi, il paraît aujourd’hui impossible d’envisager un projet d’émancipation qui ne s’appuie sur la critique des tentations productivistes et donc anti-écologiques nourries par certains secteurs de la gauche au xxe siècle, qui ne promeuve une transition écologique planifiée démocratiquement et qui ne tienne compte de la course de vitesse engagée pour ne pas trop dépasser le seuil dit dangereux des 2 °C de hausse des températures moyennes sur le globe. De même, un tel projet d’émancipation ne peut faire l’impasse sur les fortes limites dont ont fait preuve les mouvements progressistes en général au xxe siècle concernant la critique de la société patriarcale et du racisme, et la lutte contre toutes les dominations, y compris dans leurs propres rangs. Enfin, la réélaboration d’un tel projet ne peut faire l’économie d’une réflexion sur la question de la bureaucratie, de la société administrée et du « socialisme » non démocratique, non seulement du point de vue du nécessaire bilan à tirer des expériences de « socialisme réellement existant » au xxe siècle, mais aussi dans la mesure où ce problème reste d’actualité, en particulier dans le cadre des débats entourant les tentatives de transformations sociales antilibérales à l’œuvre en Amérique du Sud et centrale17. Partant de ce constat, nous avons construit cet ouvrage en fonction, d’une part, de l’analyse des offensives et des crises du capitalisme ces dernières années et, d’autre part, des résistances et projets alternatifs qui s’élaborent aujourd’hui.
Crise des alternatives et nouveaux enjeux de l’émancipation
Il n’en demeure pas moins que, dans ce contexte, les alternatives émancipatrices peinent à se frayer un chemin et plus encore à acquérir une audience de masse. Le contenu de ces alternatives – et notamment des réponses à la question de la manière dont pourrait fonctionner la société sur d’autres bases économiques, politiques et sociales – n’apparaît pas clairement et semble aux yeux de beaucoup relever du domaine de la pure utopie. Ce sont jusqu’aux termes qui ont émergé ces vingt dernières années pour qualifier ces alternatives – antimondialisme d’abord, à la fin des années 1990, puis altermondialisme, antilibéralisme, anticapitalisme – qui illustrent la difficulté de dessiner un projet de société en positif, après les fortes désillusions entraînées par l’échec des projets socialistes au cours du xxe siècle. Dans le monde francophone en particulier, la forte réaction idéologique antimarxiste et plus généralement antisocialiste qui est montée en puissance à partir des années 1980, marquée par l’émergence de ceux que l’on a appelés les « nouveaux philosophes », et par la contre-offensive de l’idéologie néolibérale, a pu un temps sembler triomphante dans le champ intellectuel. Elle a placé, en tout cas, les courants de pensée critique sur la défensive, dans la mesure notamment où ceux-ci se voyaient systématiquement suspectés de faire le lit du « totalitarisme ». Dans ce climat défavorable, on a pu constater, souvent à raison, plusieurs écueils des pensées critiques : une certaine déconnexion avec la réalité des mouvements sociaux, un repli sur la sphère académique, ainsi que l’émiettement des différentes traditions critiques dans des chapelles, selon des critères politiques frisant parfois le sectarisme, ou artificiellement calqués sur les frontières des disciplines universitaires18. À l’inverse, certains militants se sont réfugiés dans des pratiques militantes ponctuelles, certes nécessaires, mais déconnectées de tout projet de transformation politique et sociale de plus grande ampleur et fondé sur un horizon théorique élaboré et discuté. La méfiance légitime répandue dans les jeunes générations, après les tragédies du xxe siècle, face à tout projet d’émancipation présenté « clefs en main » y est certainement pour quelque chose. Un autre facteur peut, de ce point de vue, expliquer cette situation : la difficulté de jeter des ponts entre générations de militants et d’intellectuels, notamment entre une génération encore fortement influencée par le marxisme des années post-68, et de nouveaux visages plus jeunes, politisés à partir de l’émergence des mouvements altermondialistes.
À sa mesure, cet ouvrage collectif voudrait précisément contribuer à surmonter ces difficultés, en combinant des analyses ponctuelles avec des tentatives de réflexion théorique plus globales, et en faisant appel à des contributions de chercheurs de différents horizons, en termes générationnels, sociologiques – il réunit aussi bien des contributions issues du monde universitaire que celles d’acteurs des mouvements sociaux – et en termes de traditions politiques liées à la gauche radicale. Leur ambition commune est d’explorer les nouveaux enjeux de l’émancipation. L’originalité du présent projet consiste ainsi en ce qu’il ne se tient pas à une critique sociale académique, ni à la seule analyse des causes de la crise actuelle du système. Il part d’une problématique pratique pour dresser, dans une optique internationale, un tableau général des lignes de faille dans le système capitaliste, à partir desquelles peuvent s’articuler des perspectives concrètes d’émancipation sociale.
Dans sa volonté de penser l’émancipation, cet ouvrage a cherché à éviter de trop circonscrire cette notion. Nous estimons qu’il est impossible de déterminer a priori un champ précis qui relèverait seul de l’émancipation. Cette notion ne doit néanmoins pas perdre de sa force et de sa spécificité, au risque de se voir appliquée à des processus contradictoires. Nous comprenons l’émancipation comme une libération individuelle et collective face aux différents modes de domination : économiques, politiques, sociaux et culturels. Ainsi, penser l’émancipation implique de connaître et de comprendre les dynamiques qui lui font obstacle ainsi que les espaces sociaux dans lesquels elle peut ou doit advenir. Il s’agira de se demander comment il est possible de se libérer de telles dominations et de mettre en place des formes d’organisation sociale alternatives, et quelles sont les pratiques de lutte qui rendent possibles de tels processus.
L’émancipation représente une forme de libération radicale par laquelle l’être humain peut renverser l’ordre établi, résister aux différentes formes d’aliénation, s’approprier des lieux de liberté, créer de nouvelles formes de vie sociale, concevoir des alternatives, lutter. Le positionnement de l’émancipation entre ses pôles individuel et collectif constituera un des enjeux de questionnement central de cet ouvrage. Sans renier l’importance de la dimension individuelle, la mise au jour de la tendance contemporaine à se restreindre à cette seule sphère doit permettre de pointer les limites de certaines formes d’émancipation. En envisager la portée collective implique également de poser la question du rapport entre émancipation et système social. L’émancipation prescrit-elle certaines formes spécifiques d’organisation culturelle, économique ou politique ? La relation entre émancipation et pouvoir est-elle d’ordre antithétique ou s’agit-il, après tout, de s’approprier et d’exercer collectivement le pouvoir ? Ce sont ces différents enjeux qui seront abordés au fil des différents chapitres de cet ouvrage, afin d’esquisser des pistes de réflexion et d’action en vue de l’émancipation.
Parcours de l’ouvrage
Ce livre se structure en trois parties qui traitent des différentes questions évoquées dans cette introduction. La première examine les offensives capitalistes dans le double processus de conquête (des richesses, de nouveaux marchés) et de contrôle (des forces productrices ou des catégories sociales potentiellement réfractaires). Les deux suivantes examinent les résistances en cours au niveau international, en se concentrant d’abord sur les nouveaux enjeux et luttes pour une alternative économique et politique, et ensuite sur les tentatives de résistances liées aux diverses dimensions culturelles de la vie sociale.
Dans la première partie, « Offensives capitalistes », cet ouvrage se propose d’analyser et de comprendre l’offensive des classes dominantes dans le contexte des crises multiples précédemment décrites. Face à la crise et à ses nombreuses conséquences, les classes dirigeantes cherchent des réponses qui leur conviennent. Mais, au-delà des discours de bonne volonté visant à résorber la crise, on assiste bien plutôt à une offensive déterminée, la montée d’un capitalisme du désastre19. La crise est l’occasion pour le capitalisme d’étendre et de renforcer sa domination. Il tente ainsi de conquérir de nouvelles zones ou d’étendre la portée de son contrôle sur celles qu’il domine déjà. Que ce soit la dynamique de la crise économique, l’emprise du « managérialisme » sur les lieux de travail ou l’évolution des oppressions spécifiques et des imbrications du système capitaliste avec les rapports de sexe et de race, il s’agit d’analyser comment le capitalisme tente à la fois de conquérir de nouveaux marchés ou de nouveaux espaces et de renforcer son contrôle sur les sujets de sa domination.
L’ouvrage commence par des analyses de la façon dont la crise est utilisée comme moyen pour pousser plus loin encore les réformes favorables aux intérêts capitalistes. En Europe, ces politiques s’appuient sur les faiblesses structurelles de l’euro, dont la compréhension est indispensable pour saisir quelle en est la fonction et quelles sont les issues possibles (Michel Husson, chapitre premier). La mise en œuvre de ces réformes se concrétise à travers différentes formes de privatisations, de réduction des droits sociaux, de baisse des salaires, d’intensification du travail et de recul démocratique (Bruno Tinel, chapitre II). Cette offensive de conquête est d’autant plus puissante qu’elle s’appuie sur des formes de contrôle, via une domination idéologique dont la doctrine managériale est un exemple criant (Philippe Hambye, Vincent Mariscal et Jean-Louis Siroux, chapitre III). Les classes dirigeantes entendent aussi limiter les résistances, à travers le confinement ou la neutralisation à l’avance des possibilités de lutte. Des éléments au potentiel critique peuvent notamment être instrumentalisés à des fins qui servent les classes dirigeantes : ainsi, les politiques censées s’opposer à la ségrégation spatiale finissent par servir d’outil pour désorganiser le danger sociopolitique représenté par ces espaces ségrégués, qui peuvent constituer des bastions propices au développement de l’émancipation. Les mécanismes de domination se déplacent alors, et rendent nécessaire un examen critique de l’idée de mixité sociale (Stefan Kipfer, chapitre IV). On peut dès lors se demander si ces confinements ont effectivement pour effet de désamorcer des dynamiques de résistance et comment ils peuvent être dépassés, voire comment il est possible de se les réapproprier. La question du féminisme est ici exemplaire. Ainsi la cause féministe se trouve-t-elle parfois aujourd’hui déformée par une idéologie raciste, la reconfiguration des valeurs occidentales entraînant une racialisation du sexisme, qui sert avant tout à stigmatiser l’islam (Capucine Larzillière, chapitre V). Ces différentes analyses des formes de domination contemporaines doivent permettre de situer les nouveaux enjeux de l’émancipation. Elles cherchent à déceler à partir de l’analyse des dominations comment l’émancipation peut devenir possible et quels sont ses enjeux et ses formes d’action, ses lieux sociaux, ses régions et temporalités, qui seront au centre des deux parties suivantes.
Dans la deuxième partie, « Alternatives économiques et politiques », cet ouvrage examine certaines tentatives et perspectives d’émancipation des dominés aujourd’hui, à l’œuvre dans des domaines variés de l’activité sociale à l’échelle internationale, en se concentrant d’abord sur certains enjeux et formes de résistances économiques et politiques qui ont émergé, en réponse à ces offensives, ces dernières années. Des révolutions arabes aux luttes contre l’austérité, en passant par les résistances écosocialistes, et l’opposition à la marchandisation généralisée, il s’agit de situer où peuvent et doivent surgir des mises en cause du système économique. Les chapitres insistent notamment sur la centralité politique des enjeux de l’exploitation économique et de l’urgence écologique et la nécessité de dépasser le mode de production capitaliste.
Cette partie de l’ouvrage étudiera donc les résistances populaires en tant qu’elles sont porteuses d’alternatives économiques et politiques. Cette résistance des classes populaires s’est exprimée de manière incisive à travers les mouvements populaires récents du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord qui, dans le sillage de la crise économique de 2008, ont secoué les dictatures liées aux impérialismes mondiaux (Joseph Daher, chapitre VI). Pour pouvoir envisager la dimension politique de l’émancipation à travers les soulèvements populaires, il est nécessaire de penser l’« opérateur peuple » dès lors que ce dernier est désigné comme facteur central de l’émancipation démocratique. Le cas de l’Afrique éclaire, quant à lui, l’oppression relevant de la déshumanisation constitutive du mode de production capitaliste, incarnée ici dans la double aliénation de l’esclave et du colonisé. La perspective négro-africaine doit permettre de surmonter les conséquences et les prolongements contemporains de cette oppression coloniale, par la médiation de l’éducation, de la résistance morale, intellectuelle et physique, et de l’organisation (Charles Romain Mbele, chapitre VII). Les écrits de Balibar, Laclau et Rancière sont convoqués pour questionner le peuple comme sujet des mobilisations politiques ainsi que les tensions qui existent aujourd’hui, en Amérique latine, entre raison populiste et émancipation populaire (Federico Tarragoni, chapitre VIII). Enfin, cette remise en cause du système de production capitaliste passe nécessairement par la critique de la gestion irrationnelle des échanges avec la nature. La course à la productivité a été poussée si loin que, pour éviter une catastrophe environnementale, la satisfaction des besoins humains doit désormais aller de pair avec une diminution de la production matérielle, éléments qui dessinent une alternative écosocialiste au mode de production capitaliste (Daniel Tanuro, chapitre IX). Dans cette optique, le mouvement paysan international et ses combats sociaux et écologiques globaux doivent jouer un rôle central. Les paysans, se situant à la charnière entre ville et campagne, entre le Nord et le Sud, dans un rapport dynamique avec leur environnement, sont porteurs de cette question d’un projet émancipateur écologique et social (Roxanne Mitralias et Laurent Garrouste, chapitre X).
Au-delà des alternatives en prise avec les sphères économiques et politiques, l’émancipation passe nécessairement par des formes de résistances culturelles, sans lesquelles il demeure impossible d’envisager le monde autrement que par des ornières imposées. Ces deux dimensions de l’émancipation nous semblent intimement liées. On ne peut envisager de remise en cause des conditions matérielles sans prise de conscience, ni de résistances culturelles véritablement critiques qui prennent en compte les différentes situations concrètes. Ces deux dimensions s’incarnent ainsi dans des champs de bataille spécifiques.
Dans la troisième partie, « Résistances culturelles et contre-hégémonies », cet ouvrage examine les résistances qui ont comme champ de lutte le terrain culturel. Il s’agit de mettre au jour et d’analyser des pistes et des tentatives d’élaboration de contre-hégémonies au capitalisme contemporain20. Du point de vue des combats d’idées et de la possibilité de penser autrement, de manière alternative et radicale, un certain nombre d’auteurs et d’acteurs sociaux et politiques remettent en question la domination idéologique qui tend à justifier la domination capitaliste. Cette mise en cause s’attaque aux superstructures que représentent la culture, la religion ou le langage, soit en critiquant l’hégémonie dominante, soit en cherchant à construire des contre-hégémonies émancipatrices à travers la promotion d’une culture spécifique.
Un des aspects premiers et traditionnellement évoqués de l’idéologie a trait au champ religieux, qui concerne, notamment dans les pays non occidentaux, de larges secteurs de la population. Il peut de plus y jouer un rôle diamétralement opposé au tournant conservateur observé actuellement, notamment en France, et qui prend la forme d’un catholicisme militant et réactionnaire. En effet, dans d’autres pays, certains rites religieux prennent place au sein des pratiques proprement émancipatrices. Ainsi du Brésil, où l’on peut observer les fondements religieux des pratiques développées au sein du setor de cultura dans l’organisation du Mouvement des sans-terre pour mobiliser les travailleurs ruraux brésiliens et leur proposer des outils de « désaliénation » grâce à l’idée, véhiculée par des pratiques et des discours culturels spécifiques, qu’une transformation radicale du monde est possible (Alexis Martig, chapitre XI). Cette présence d’une dimension religieuse dans certaines pratiques d’émancipation sociale en Amérique latine conduit à poser la question de l’importance et de la permanence de la pensée de la théologie de la libération en Amérique du Sud, pour déterminer quel rôle cette dernière peut jouer dans la critique du capitalisme, dans un contexte de montée en puissance des politiques néolibérales (Luis Martínez Andrade, chapitre XII). En ce qui concerne l’islam, son versant politique est l’objet d’une très forte attention actuellement, du fait notamment du rôle qu’on lui attribue au sein des différents processus révolutionnaires du « printemps arabe ». La démocratisation et la pluralisation des champs politiques arabes semblent s’accompagner d’une extension plutôt que d’une contraction de la variable islamique et du recours à un champ sémantique religieux. Ainsi le versant politique de l’islam se révèle-t-il avant tout comme pluriel. Il est donc nécessaire d’en envisager les diverses interprétations pour saisir la pluralité de ses significations politiques (Nicolas Dot-Pouillard, chapitre XIII). Plutôt que de se concentrer uniquement sur la fonction de l’islam au sein des logiques de pouvoir étatique, il s’agit également de remettre en cause les discours et pratiques islamophobes qui voient dans la seule présence de la religion musulmane l’impossibilité de toute forme d’émancipation, notamment du point de vue des femmes. Or c’est bien le contraire que démontre l’analyse de la dynamique féministe musulmane émergente, qui prend ainsi la forme d’une contestation et d’une remise en question à la fois de la doxa féministe et de l’orthodoxie musulmane (Zahra Ali, chapitre XIV). La condition des femmes et leurs revendications se voient en revanche neutralisées dans d’autres domaines, comme ceux de la psychiatrie ou de la psychologie. On tend en effet à y refuser d’accorder à l’oppression subie par les femmes une réelle portée politique, les réduisant à une forme de souffrance pathologique et occultant ainsi les dynamiques collectives de lutte politique. Dès lors, il est nécessaire d’élaborer une approche féministe critique de la thérapie permettant d’appréhender la problématique des violences et oppressions sexistes dans un cadre propice à la résistance collective (Stéphanie Pache, chapitre XV). Enfin, la domination culturelle passe également par le langage, en raison de son rôle de pivot dans l’articulation de structures (économiques) et de superstructures (idéologiques). Le langage doit ainsi être situé à l’intérieur du système plus général de la reproduction sociale, ce qui permet de penser les conditions matérielles et symboliques d’une prise de conscience et d’une pratique de lutte révolutionnaires, comme le préconisent à la fois le philosophe Benjamin, le linguiste Rossi-Landi et les écrivains de la « révolution surréaliste » (Andrea D’Urso, chapitre XVI). Ces différentes analyses doivent ainsi permettre d’envisager, sans prétendre en embrasser l’ensemble, diverses facettes de la résistance culturelle. Chacun des chapitres présente à la fois une réflexion générale et l’examen d’un cas concret impliquant un mouvement d’émancipation, que ce soit dans le domaine du religieux, de la psychologie, du langage ou des pratiques culturelles au sein de mouvements politiques.
En proposant cette réflexion collective dans une perspective plurielle, nous voulons contribuer à la compréhension des luttes qui se jouent au niveau international dans une période marquée par des crises profondes et multiples. Le moment présent est marqué par une dureté certaine, dont la violence se ressent particulièrement dans la précarisation économique. Minimiser cette situation et ne pas chercher à en étudier le fonctionnement serait une erreur. Mais s’en tenir à ces constats et explications ne saurait suffire. Nous espérons ainsi que les analyses des résistances et alternatives que nous proposons dans cet ouvrage collectif pourront, au-delà des exemples particuliers ou locaux, servir d’outils pour des réflexions et des pratiques critiques à même d’ouvrir l’horizon des possibilités d’action et de transformation radicales en vue de l’émancipation.
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1. Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie allemande (1845), section A : « L’idéologie en général et en particulier l’idéologie allemande », Éditions sociales, Paris, 2012, p. 64. Disponible en ligne sur www.marxists.org.
2. Karl Marx, Manuscrits de 1844, Troisième manuscrit, Éditions sociales, Paris, 1972, p. 91. Disponible en ligne sur www.marxists.org. Sur les enjeux contemporains de l’émancipation à la lumière de l’œuvre de Marx, voir aussi Lucien Sève, Aliénation et émancipation, La Dispute, Paris, 2012.
3. Sur la crise économique, pour une approche critique globale, voir notamment Gugliemo Carchedi, Behind the Crisis. Marx’s Dialectic of Value and Knowledge, Haymarket Books, Londres, 2012 ; Gérard Dumenil et Dominique Lévy, The Crisis of Neoliberalism, Harvard University Press, Massachusetts, 2011 ; Isaac Johsua, La Grande Crise du xixe siècle. Une analyse marxiste, La Découverte, Paris, 2009 ; Andrew Kliman, The Failure of Capitalist Production. Underlying Causes of the Great Recession, Pluto Press, Londres, 2012 ; Michael Roberts, The Great Recession. Profit Cycles, Economic Crisis. A Marxist View, www.archive.org, 2009 ; Éric Toussaint et Damien Millet (sous la direction de), La Dette ou la vie, Aden, Bruxelles, 2011. Sur la crise sociale dans les pays évoqués ici, voir notamment Stathis Kouvelakis, « In the greek cauldron », New Left Review, novembre-décembre 2011, no 72 ; Miguel Romero Baeza, « Espagne. La grève générale du 14 novembre. Quelles suites ? », www.europe-solidaire.org, novembre 2012 ; Catherine Samary, « Eastern Europe face with the crisis of the system », in Özlem Onaran (sous la direction de), Capitalism, Crisis and Alternatives, Resistance Book, Londres, 2012.
4. D’autres formes politiques nouvelles sont plus difficiles à appréhender, comme le Mouvement 5 Étoiles en Italie. Pour une approche critique de ce mouvement, voir Ugo Palheta, « Le succès de Bepe Grillo, expression politique du précariat ? », www.europe-solidaire.org, mars 2013.
5. Pour une vue d’ensemble des soulèvements populaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, voir Gilbert Achcar, Le peuple veut. Une exploration radicale du soulèvement arabe, Actes Sud, Arles, 2013 ;Hanieh Adam, Capitalism and Class in the Gulf Arab States, Palgrave Macmillan, New York, 2011 ; Samir Amin, The People’s Spring. The Future of the Arab Revolution, Pambazuka Press, Oxford, 2012. Sur le mouvement social au Burkina Faso, Lila Chouli, Burkina Faso 2011. Chronique d’un mouvement social, Tahin Party, Lyon, 2012.
6. Au sujet de l’implication des États-Unis dans ces trois pays, révélée notamment par des câbles diplomatiques diffusés par Wikileaks, voir respectivement Hernando Calvo Ospina, « Petit précis de déstabilisation en Bolivie », Le Monde diplomatique, juin 2010 ; Maurice Lemoine, « Coups d’État sans frontière », Le Monde diplomatique, août 2002 ; Nick Alexandrov, « Honduras : the Killings Continue », www.counterpunch.org, février 2013.
7. Pour une analyse globale de la place des pays du Sud dans l’organisation internationale du travail, voir la brillante étude publiée récemment par le marxiste indien Vijay Prashad, The Poorer Nations : A Possible History of the Global South, Verso, Londres, 2013. Pour une mise en perspective de la tragédie d’avril 2013 au Bangladesh, voir, du même auteur, « Made in Bangladesh. The terror of capitalism », www.counterpunch.org, avril 2013.
8. Concernant les reconfigurations au sein de la division internationale du travail dans le contexte de la crise du capitalisme, voir la synthèse de l’économiste argentin Claudio Katz, « Crise du capitalisme. Un jeu mondial… d’échecs », Inprecor, janvier 2012, disponible en ligne sur www.inprecor.fr.
9. Pour une réflexion récente sur la séquence historique actuelle marquée par l’émergence de nouveaux mouvements sociaux dans les pays émergents, voir Claude Gabriel, « À l’approche d’un demi-siècle d’attente », www.europe-solidaire.org, juin 2013. Pour une vue d’ensemble des luttes ouvrières en Chine, voir notamment A Cry of Justice : The Voices of Chinese Workers, brochure réalisée par l’Albert Shanker Institute, disponible en ligne sur le site internet du China Labour Bulletin (www.clb.org.hk/en).
10. Daniel Tanuro, « Cancún : derrière les bilans d’autosatisfaction, la menace pour les pauvres se précise », www.europe-solidaire.org, décembre 2010.
11. « Sea change : the Bay of Bengal’s vanishing islands », The Guardian, 29 janvier 2013 ; Mason Inman, « Where warming hits hard », Nature Reports Climate Change, 15 janvier 2009, www.nature.com.
12. Voir respectivementStéphane Foucart, « Le réchauffement menace un tiers des animaux et la moitié des végétaux », Le Monde, 13 mai 2013 ; Daniel Süri, « Mort des abeilles et pesticides. La Belle au bois dormant ouvre un œil », Solidarités, no 228, mai 2013, www.solidarites.ch ; Rachel Warren et al., « Quantifying the benefit of early climate change mitigation in avoiding biodiversity loss », Nature Climate Change, no 3, 2013, p. 678-682.
13. Pour quelques exemples, voir Gilles Bourque, « Le Canada : un État pétrolier délinquant et irresponsable », www.pressegauche.org, 11 juin 2013 ; Emmanuel Raoul, « Sous les sables bitumineux de l’Alberta », Le Monde diplomatique, avril 2010 ; Raúl Zibechi, « Pérou : la résistance à l’industrie minière dans les Andes », www.avant4.be, mai 2013.
14. Pour une problématisation socio-économique des questions liées au fondamentalisme religieux au Pakistan, voir Tariq Ali, The Clash of Fundamentalisms. Crusades, Jihads and Modernity, Verso, Londres, 2002 ; et Ahmed Rashid, Pakistan on the Brink. The Future of America, Pakistan, and Afghanistan, Viking Press, New York, 2012.
15. Sur la hiérarchisation sociale des pratiques musicales, voir par exemple Jeremy Gilbert et Ewan Pearson, Discographies. Dance, Music, Culture and the Politics of Sound, First Paperback Edition, Londres, 1999. Voir aussi les réflexions de Jacques Rancière, par exemple dans Le Spectateur émancipé, La Fabrique, Paris, 2008.
16. Sur la production d’une culture patriarcale et hétéronormée, voir l’essai récent de Mona Chollet, Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, La Découverte, Paris, 2012, qui s’inspire notamment des travaux de Naomi Wolf malheureusement non traduits en français, en particulier The Beauty Myth. How Images of Beauty Are Used Against Women, Harper Perennial, New York, 2002. Sur l’intrication du sexisme, du racisme et de l’islamophobie, voir notamment l’essai récent de Christine Delphy, Classer, dominer. Qui sont les « autres » ?, La Fabrique, Paris, 2008. Sur les mutations culturalistes du racisme contemporain, voir notamment Enzo Traverso, « La fabrique de la haine : xénophobie et racisme en Europe », Contretemps, no 9, avril 2011, www.contretemps.eu.
17. Sur ces débats, voir par exemple Franck Gaudichaud (sous la direction de), Amérique latine. Émancipations en construction, Syllepse, Paris, 2013.
18. Sur l’actualité des pensées critiques, voir Alexis Cukier, Fabien Delmotte et Cécile Lavergne (sous la direction de), Émancipation. Les métamorphoses de la critique sociale, Éditions du Croquant, Bellecombes-en-Bauge, 2013 ; Razmig Keucheyan, Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques, Zones/La Découverte, Paris, 2010 ; Enzo Traverso, Où sont passés les intellectuels ?, Textuel, Paris, 2013 ; Collectif, Penser à gauche aujourd’hui. Figures de la pensée critique, Amsterdam, Paris, 2011.
19. Naomi Klein, La Stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, Leméac/Actes Sud, Montréal/Arles, 2008. Dans cet ouvrage, la thèse de Naomi Klein est que le capitalisme profite des chocs provoqués par des désastres tels que des crises systémiques ou des catastrophes pour imposer des réformes favorables aux intérêts capitalistes.
20. Par contre-hégémonie, nous entendons la construction d’un bloc intellectuel et moral qui rende politiquement possible une conscience populaire révolutionnaire. Voir Antonio Gramsci, Guerre de mouvement et guerre de position, choix de textes par Razmig Keucheyan, La Fabrique, Paris, 2011.
Source : Contretemps