L’intensité des luttes et des débats qui ont marqué la traditionnelle période de négociations ouvrières de juin et juillet laissait supposer qu’elle se terminerait par des décisions importantes. Ce fut le cas…
La grève des métallurgistes a opposé pendant cinq semaines le syndicat majoritaire Numsa, la fédération Cosatu de la métallurgie, au Seifsa et au Neasa, les deux organisations patronales du secteur. Elle a été très dure, notamment dans l’entreprise paraétatique d’électricité, Eskom, et a fortement alimenté un débat récurrent sur sa nationalisation.
Vagues de grèves…
Le secteur de la métallurgie comprend 10 500 entreprises et 300 000 travailleurs. 200 000 d’entre eux ont été, à différents niveaux, impliqués dans les grèves sur un terrain d’autant plus sensible pour l’économie sud-africaine, que la compagnie Eskom ne parvient plus, depuis un peu moins de 10 ans, à satisfaire les besoins en énergie des particuliers mais également des entreprises. Fait rarissime en Afrique du Sud, plusieurs grandes mines ont dû arrêter la production au cours des dernières années en raison des coupures de courant.
Au début de la grève, les revendications avancées par Numsa concernaient principalement des augmentations de salaires, 15 % à l’ouverture des négociations, 10 % à l’arrivée, plus une allocation de logement de 1 000 rands et l’engagement du patronat de ne pas avoir recours au travail intérimaire (labour broker).
Cette question a été un des points très sensible de cette grève. Dans le passé, l’ajustement de main-d’œuvre se faisait à l’aide des travailleurs migrants, venant des pays voisins mais surtout des bantoustans, ces pseudos républiques reconnues par le seul régime d’apartheid et qui faisait de ces travailleurs des étrangers dans leur propre pays. Aujourd’hui cela se fait par des agences d’intérim, une pratique récente en Afrique du Sud et une nouvelle pierre dans la division qui règne au sein de la confédération.
Pour calmer le jeu et la colère, le sujet vient de faire l’objet d’un amendement au code du travail. En fait, une déclaration assez langue de bois qui ne convainc pas toutes les fédérations de Cosatu, notamment Numsa, à la tête de la fronde contre l’emprise de la direction de l’ANC sur Cosatu qui ne voit dans cet amendement au code du travail que la reconnaissance du travail intérimaire comme facteur d’ajustement d’emploi.
…et répercussions politiques
Cette période de négociation aura été marquée par l’intensité des deux conflits majeurs qui ont marqué cette année la vie sociale : le conflit minier dans le secteur du platine et la grève dans la métallurgie. Deux événements qui ont été bien au-delà des revendications salariales et des conditions de vie des travailleurs. Ils ont confirmé et approfondi la division au sein de Cosatu sur les liens avec l’ANC, mais également sur la politisation du débat syndical.
Une conférence extraordinaire s’est tenue à la mi-août, conférence qui a rassemblé les dirigeants de 17 fédérations de Cosatu (sur 19) rejoints par le secrétaire général de l’ANC, Gwede Mantashe, la vice-secrétaire générale Jessie Duarte, le trésorier Zweli Mkhize et Ibrahim Patel. Le sujet de cette réunion ? La préparation du congrès de Cosatu l’année prochaine, congrès qui s’annonce d’ores et déjà comme celui de tous les dangers.
La situation, ouverte par le scrutin d’avril 2014, implique de profonds changements dans la vie politique. Tout d’abord, il y a eu une baisse sensible d’audience de l’ANC et le renforcement du premier parti d’opposition Democratic Alliance qui s’impose dans tous les débats et que l’ANC ne peut plus se contenter de présenter comme issu de l’ancien régime. Il y a eu l’émergence d’un nouveau parti d’opposition, EFF (Economic Freedom Fighter) conduit par Julius Malema, dirigeant exclu en 2012 des jeunesse de l’ANC, qui en moins d’un an d’existence a gagné 25 sièges au Parlement et mène une vie très dure à ses anciens camarades. Il y a enfin l’explosion de luttes ouvrières, les plus importantes qu’a connues l’Afrique du Sud de toute son existence, apartheid compris. L’alliance de Cosatu et de l’ANC a été le moteur des luttes anti-apartheid. Après 20 ans d’une dite démocratie, elle devient l’expression la plus visible de la désillusion.
Source : NPA