La « Grande Coalition » des chrétiens-conservateurs de la CDU/CSU et du SPD social-démocrate sous la chancelière Angela Merkel gouverne en continuité avec l’ancien gouvernement de la CDU/CSU et du FDP libéral. Avec le FDP et L’AdF (populiste de droite) échouant de justesse à la barrière des 5% aux dernières élections fédérales, à quoi s’ajoutent les scores des petits partis à faible base électorale, presque 15% des voix ne sont pas représenté au Bundestag (parlement fédéral). L’orientation politique générale, par ailleurs partagée par les Verts, se traduisait déjà dans une grande coalition de fait avant l’arrivée au pouvoir de la « Grande Coalition » : Le frein à l’endettement devenu constitutionnel, la discipline de fer pour les budgets publics, les cadeaux aux banques, aux grands trusts et aux riches, la politique des « memorandums » octroyée surtout aux populations des pays économiquement les plus faibles de l’Union Euroéennes (UE) appauvries systématiquement par une politique d’austérité brutale comme en Grèce, et une politique recherchant à éviter le conflit direct avec les directions syndicales.
C’est une division sociale profonde et la prospérité relative du capitalisme allemand qui, jusqu’à nouvel ordre, a permis d’éviter des mobilisations de masse contre la politique néolibérale. Un enfant sur sept, en Allemagne, vit sous le seuil de la pauvreté. Un grand nombre de salariées et salariés sont en situation précaire. Un grand nombre de pensionnés, surtout de femmes, ne peuvent pas vivre de leurs pensions. Mais une grande partie du salariat, à la remorque des performances exportatrices de l’économie allemande, se sent plutôt sur le côté des gagnants en comparaison avec tant d’autres au sein de l’UE, et reste donc passif. C’est seulement par branches qu’il y a des luttes plus ou moins routinières, comme actuellement du syndicat des services Ver.di qui fait de grèves d’avertissement pour 100 Euros pour toutes et tous et une augmentation salariale de 3,5%.
Mais qu’en est-il des promesses électorales du SPD, intégrées en partie dans les accords gouvernementaux de la « Grande Coalition » ? Il s’agit de concessions sociales très limitées qui profitent à des parties du salariat. Prenons l’exemple du « salaire minimum » de 8,50 Euro qui vient d’être concrétisé par le gouvernement. Tout d’abord, les 8,50 sont loin de prévenir les retraités concernés de la pauvreté. Deuxièmement, ce salaire minimum ne viendra qu’en 2017, à peu près 4 millions pourraient en profiter alors, mais les 8,50 ne représenteront plus le pouvoir d’achat d’aujourd’hui. Troisièmement il y a beaucoup « d’exceptions » : Les sans-emploi de longue durée qui pourrons gagner moins les premiers six mois de leur premier emploi (quitte se faire licencier avant), les jeunes en-dessous de 18 ans sans formation professionnelle, une partie des stagiaires.
En matière de politique extérieure, l’Allemagne se profile de plus en plus comme un acteur y compris militaire au sein des alliances de l’ouest. Seul le parti Die Linke (La Gauche) – maintenant premier parti d’opposition au Bundestag avec un peu plus de députés que les Verts – se prononce contre la participation de la Bundeswehr aux interventions guerrières et contre la politique au service du grand capital. Mais à l’occasion de son congrès de préparation des élections européennes, Die Linke a « purgé » son programme électoral de la caractérisation de l’UE comme « néolibérale, militariste et largement non-démocratique ». Très clairement, la direction et la majorité du congrès voulaient signaler au SPD et aux Verts sont « sérieux » pour pouvoir s’imposer comme partenaire junior d’une coalition du SPD et des Verts au niveau fédéral (ils co-gouvernent actuellement au niveau régional à Brandenburg). En pleines négociations pour la « Grande Coalition » avec la CDU/CSU, la direction du SPD avait signalé qu’il n’exclurait plus une telle possibilité, si le parti Die Linke serait prêt à accepter les nécessités dans le domaine de la politique internationale…
Manuel Kellner, 3 avril 2014
Manuel Kellner est membre de la internationale sozialistische linke (isl, gauche socialiste internationale, une des deux organisations de la IVème Internationale en Allemagne, et rédacteur de la Sozialistische Zeitung (SoZ, Journal Socialiste)