Allemagne : Succès relatif des syndicats dans les services publics – et une occasion manquée *
Les négociations pour les conventions collectives dans le service public n’avaient pas abouti à plusieurs reprises. D’un côté, il y avait les syndicats du DGB – Ver.di, de loin le plus fort, la GEW organisant les enseignant(e)s, la GDP des salarié(e)s dans la police et le Beamtenbund représentant les fonctionnaires d’Etat –, et de l’autre côté les représentants du gouvernement fédéral et des communes. Bien entendu, les revendications des syndicats étaient qualifiées de démesurées et d’irresponsables par les patrons du public. Mais à la fin, ces derniers ont dû reculer pour éviter à tout prix un mouvement de grève massif, qui aurait eu lieu, s’ils avaient persévéré dans une attitude de refus dure. 87,3% des membres concernés de Ver.di ont accepté le résultat final des négociations le 1er avril, et la commission tarifaire au niveau fédéral de Ver.di a voté pour à 70 voix contre deux le 28 avril. Les autres syndicats mentionnés ont salué le résultat.
Cette lutte tarifaire concernant plus de 2 millions de salarié(e)s était la première depuis l’installation du gouvernement de la grande coalition des CDU/CSU chrétiens conservateurs et du SPD social-démocrate sous la chancelière Angela Merkel. Elle avait aussi la particularité que les syndicats dépassaient le cadre routinier au niveau des revendications. Ils demandaient 100 Euros pour toutes et tous et, s’ajoutant à cela, 3,5% d’augmentations des revenus, et en plus six semaines de vacances et l’embauche immédiate des stagiaires et apprentis. Pour les salariés des transports publics communaux, ils demandaient un extra de 70 Euro. Cela signifiait de ne pas se soumettre à la politique défendue par la grande coalition et à sa logique de discipline budgétaire de fer.
Les représentants du patronat public dénonçaient surtout les éléments d’augmentation salariale linéaire et reprochaient à Ver.di et aux autres syndicats – d’être coupable de pertes d’emploi et de privatisations futures dans les communes! Mais à la base du syndicat des service Ver.di, beaucoup de collègues sont fortement conscients du fait que les augmentations salariales en pourcentage ne font que creuser encore et encore les écarts entre les salaires les plus haut et les plus bas, ce qui n’est pas seulement une injustice, mais ce qui mine aussi la solidarité et l’unité des salariè(e)s dans la lutte. La direction syndicale a toujours réussi à repousser les initiatives visant à laisser tomber les revendications au pourcentage auf profit de revendications linéaires, mais quand-même, pour Ver.di au moins, une combinaison des deux types de revendication n’est plus évitable, et dans les cas, où elles sont mises en avant, la composante linéaire est appelée « composante sociale ».
En l’an 2008, Ver.di et les autres syndicats des services demandaient 200 euros pour toutes et tous, et obtenaient 50 Euros. Mais il y a deux ans, ils se contentaient d’une revendication salariale en pourcentage et renonçaient donc à la « composante sociale », pourtant mises en avant dans l’agitation publique de Ver.di et de la GEW depuis des années. Cette fois-ci, c’était surtout la revendication des 100 Euro pour toutes et tous qui créait un climat de confrontation avec le patronat public, et donc aussi avec un gouvernement fédéral incluant le SPD.
Une première vague de grèves d’avertissement était déclenché autour du 15 mars. Même, si cela s’appelait « grèves d’avertissement », ça ressemblait quand-même à une grève massive suivie dans tous les Länder et dans presque toutes les catégories de salarié(e)s dans les administrations publiques aux différents niveaux communals, régionaux et communaux, dans les crèches, chez les éboueurs, dans les hôpitaux, dans les services de nettoyage, les théatres, et dans les transports publics… Et vers la fin du mois de mars, il y avait une deuxième vague de grèves « d’avertissement » de deux jours. Des centaines de milliers de collègues étaient impliqué dans ces actions. Puisque les syndicats déclaraient publiquement d’être préparé à lancer un « vrai » mouvement de grève de longue durée, le patronat public a finalement cherché à réaliser un compromis dans les négociations.
Voyons le résultat de l’accord conclu : 3% d’augmentation salariale à partir de du 1er mars 2014, mais au moins 90 Euro, en plus 2,4% d’augmentation à partir du 1er mars 2015. Six semaines de vacance, mais seulement 28 jours pour les stagiaires et apprentis, ces derniers bénéficiant de 40 Euro de plus en 2014 et encore une foi de 20 Euro de plus en 2015.
Une première remarque s’impose : L’extra de 70 Euro pour les travailleurs des transports publics a été laissé tomber. C’est assez scandaleux, vu que ce sont justement les collègues de ce secteur-là qui avaient été particulièrement dynamiques et efficaces dans l’action. Quelle bêtise cynique ! Croit-on qu’ils vont se faire avoir une deuxième fois ? Et : la composante d’augmentation linéaire (« composante sociale ») n’est pas appliquée en 2015.
Deuxièmement il faut vivement critiquer la mauvaise habitude de conclure des accords pour deux ans. Les collègues étaient prêt à se battre, ils l’ont prouvés contre tous les sceptiques et à la grande surprise des politiciens. Leurs lier pieds et poings pour deux ans ne peut qu’affaiblir le mouvement syndical et le salariat, qui a besoin d’actions pour développer sa conscience et pour peser sur les décisions et les développements qui influencent si massivement le sort des salariè(e)s.
Troisièmement, la revendication de l’embauche immédiate et intégrales des apprentis et stagiaires n’a pas été imposé au patronat public. Ce n’est pas comme ça que les syndicats du DGB s’assureront de l’engagement syndical de la jeunesse.
Mais, finalement, il faut introduire dans le débat sur le bilan au sein des syndicats, et surtout au sein de Ver.di, und aspect plus général, car il s’agit d’une occasion manquée. En effet, à la base, il y avait indubitablement un esprit combatif. Le mouvement syndical allemand ne sera jamais capable de renverser le rapport de force au profit du salariat, s’il continue à éviter les mouvements de grève massifs visant à imposer les revendications de celles et de ceux d’en bas. Surtout, si l’occasion est si belle – et si les concessions obtenues ne suffisent pas à compenser toutes les pertes subies les années passées.
L’autre faiblesse grave, c’est l’obstination du « chacun pour soi » secteur par secteur. Pour changer vraiment quelque chose en substance, il faut créer un mouvement de solidarité de classe – par-delà les secteurs, et aussi par-delà les frontières nationales…
Manuel Kellner
Manuel Kellner est membre de la internationale sozialistische linke (isl, gauche socialiste internationale), une des deux fractions publiques de la section allemande de la IVème Internationale, et rédacteur de la Sozialistische Zeitung – SoZ