Le coup d’envoi a été donné le 12 mai dans la province d’Anvers pour le nouveau plan d’action des syndicats contre les gouvernements de la droite dure. Cela s’est fait lors d’une réunion interprofessionnelle de militants FGTB. Rudy De Leeuw y a pris la parole. Le fil rouge qui traversait son discours était que « nous n’allons pas permettre que ce gouvernement de droite, asocial, puisse continuer sa politique de destruction ». A plusieurs reprises les nombreux militants présents ont appuyé cet objectif par de nombreux et bruyants applaudissements.
La Loi Peeters
Après que le président de la FGTB ait encore rappelé une fois quelles attaques la population active a déjà du endurer au cours des deux dernières années, il a signalé avec insistance que « le pire est encore à venir ». Il a renvoyé par là d’un côté aux déclarations du Ministre CD&V Kris Peeters sur les futures discussions d’économies budgétaires et d’autre part aux plans concrets pour une Loi sur l’organisation du travail (appelée communément « la Loi Peeters »).
De Leeuw a reconnu qu’il y a déjà maintenant des secteurs (un million de travailleurs concernés) où on travaille avec des systèmes de travail flexible. Mais, disait ainsi De Leeuw, « ces systèmes ont été négociés avec les organisations syndicales, il a été tenu compte de la capacité de charge des travailleurs concernés et un contrôle syndical a été prévu ».
Ça ne sera pas le cas avec la dénommée « annualisation du temps de travail » que Kris Peeters propose pour les trois millions de travailleurs restants. « Ne vous laissez donc pas attraper ! » s’est écrié le président, sous de vifs applaudissements.
Inefficace
Suivant Rudy De Leeuw, cette politique de droite néolibérale ne fait pas seulement beaucoup de mal aux gens, mais par-dessus le marché elle est inefficace : « les tunnels sont en train de s’effondrer, le matériel ferroviaire est vétuste, les prisons sont moyenâgeuses, le changement climatique est insuffisamment combattu, etc . » C’est pourquoi une autre politique est nécessaire, « une politique d’investissements dans l’infrastructure ». A côté de ça, le pouvoir d’achat de la plus grande partie de la population est continuellement miné, ce qui pèse négativement sur la consommation intérieure, si bien que la croissance en est atteinte.
Exigences salariales
Par conséquent – selon De Leeuw – la FGTB mettra de nouveau des exigences salariales sur la table pour le prochain Accord interprofessionnel. « Des exigences salariales qui doivent suivre l’augmentation de la productivité ». De plus, la FGTB veut se lever pour une autre politique et pour de réelles alternatives durables. « Pour ça, nous devons aller à la contre-offensive avec notre propre façon de penser, avec laquelle nous devons bien expliquer ce que ce fonds de pensée contient précisément et pourquoi il est mieux que la politique actuelle ! »
Critique
Comme on l’a dit, ces discours ont pu compter sur de nombreux et bruyants applaudissements. Pourtant, ça ne veut pas dire que les militants se retrouvaient ainsi sans critique dans les paroles de Rudy De Leeuw. Ce qui semblait contrarier surtout les militants, c’était les affaires dont le président n’avait rien dit. Ceci est apparu durant le tour de discussions qui a suivi le discours.
La chute du gouvernement ?
Différents camarades se posaient des questions à propos des buts du plan d’action. « Nous voulons tous mener une action contre ce gouvernement et ses mesures, mais… pour atteindre quoi ? Quelqu’un croit-il vraiment qu’il y a des concessions à attendre de ces gouvernements ? Ne devons-nous pas plutôt tout simplement chercher à faire tomber ce gouvernement ? ». De telles interventions (il y en a eu différentes de ce genre) ont pu compter fermement sur des applaudissements du tonnerre.
Erreur
Certains militants se montraient méfiants à propos de la détermination de la direction. Ils renvoyaient explicitement à l’arrêt des actions en 2014, qu’ils considèrent comme une « grande erreur ».
Semaine de 30 heures et impôt sur les fortunes
Différentes personnes sont aussi intervenues sur le plan des alternatives, qu’ils décrivaient clairement pour la plupart comme insuffisantes. C’est pourquoi différents orateurs ont ramené la question de la semaine de 30 heures sur le tapis (sans perte de salaire et avec des embauches compensatoires). Une intervention remarquée et fortement appréciée d’un camarade de la CGSP Finances a traité de nouveau de la nécessité d’attaquer la question de la dette de l’Etat – aggravée de manière explosive par la crise financière – avec un impôt exceptionnel et substantiel sur les Belges les plus riches.
Investissements de l’autorité et multinationales
Dans sa réponse, Rudy De Leeuw n’a partagé que très partiellement les remarques faites. Il a ainsi dit qu’il n’était « pas tout à fait d’accord avec le camarade des finances ». Il n’a toutefois pas expliqué avec quoi et pourquoi il ne pouvait pas être d’accord. Mais il a bien répété son plaidoyer pour les investissements publics dans l’infrastructure, en renvoyant aux «taux bas » qu’il considère apparemment comme un moyen à peu près indolore pour faire tourner l’économie. Il a aussi appelé à « s’attaquer aux multinationales » (évoquant la dispute avec la Commission Européenne sur les ‘excess profit rulings » à la valeur de 700 millions d’euro). Ces 700 millions d’euros à récupérer (éventuellement) paraissent infimes, comparés à la dette publique de plus de 412 milliards d’euros, avec (pour le moment) une charge annuelle de la dette (au taux de 3,2%) d’environ 13 milliards d’euros …
Réduction du temps de travail
En ce qui concerne la question de la réduction du temps de travail, De Leeuw a ajouté que « nous avons besoin d’une discussion interne à ce sujet. Nous n’avons rien fait durant des années à ce sujet. Moi, il me semble possible de tendre vers une diminution progressive du temps de travail. Mais, comme je l’ai déjà dit, nous devons en discuter, de préférence à un congrès » . Qu’une diminution progressive de la durée du travail est déjà adoptée en pratique par les entreprises via une augmentation de la charge de travail et ne mènera par conséquence pas à l’absorption du chômage, cela semblait passer au-dessus de la tête de De Leeuw.
Des erreurs ?
Le président a aussi dit que « nous avons en effet peut-être commis une erreur en arrêtant les actions à la fin de 2014 ». Mais si c’était déjà une erreur, nous ne répéterons pas cette erreur, a-t-il déclaré fermement. Il a ensuite approfondi les buts de l’actuel plan d’action. Suivant De Leeuw, ce plan d’action a pour but d’arrêter « la loi Peeters ». Après cette réplique, Bruno Verlaeckt, président de la FGTB Anvers, a énuméré encore une fois les actions prévues (voir le cadre). Où il a naturellement été tout droit à l’action planifiée du service public le 31 mai, « avec du soutien émanant des centrales du privé ».
Conclusion provisoire
Après cette réunion de militants, nous pouvons conclure momentanément que le plan d’action annoncé est de grand intérêt pour la direction de l’ABVV-FGTB et doit absolument réussir. Passer à une épreuve de force ultime en menant ouvertement vers la chute du gouvernement, ça, cependant, elle ne l’ose pas. C’est pour ça qu’elle limite consciemment l’objectif au retrait des plans de Kris Peeters. Nous pouvons y ajouter quelques réflexions.
Quelques questions
Que va faire la direction de la FGTB-ABVV par exemple si Peeters « ajuste » prétendument ses plans ? Que va-t-elle faire si en plus des plans (« ajustés » ou non) de Peeters la série suivantes d’attaques s’amène pour atteindre les objectifs budgétaires pour 2017 (avec un but avoué de 7 milliards d’euros de nouvelles coupes budgétares !) ? Que va faire la direction de la FGTB-ABVV si la Centrale Générale des Services Publics continue à se reconnaître insuffisamment dans les buts de la FGTB-ABVV ? Quel est le plan si la CSC-ACV chrétienne et l’ACLVB-CGSLB viraient quand même de bord en face du gouvernement ?
De l’espace pour le débat
Il reste alors encore assez de matière pour le doute mais heureusement aussi pour le débat et la discussion. Sur les buts et la stratégie du mouvement. Appliquons-nous pour ça à élargir et approfondir l’espace de discussion, de telle sorte que la FGTB-ABVV arrive à des décisions qui s’appuient sur l’investissement réel et démocratique des militants.
Le plan d’action
Mardi 24 mai, 11 heures, Bruxelles Nord : manifestation interprofessionnelle en front commun syndical.
Mardi 31 mai, 10h : manifestations du secteur public en front commun syndical, avec le soutien du secteur privé.
Du mercredi 25 mai au 17 juin : actions thématiques.
Du lundi 20 juin au vendredi 24 juin : sensibilisation dans les entreprises.
Vendredi 24 juin : grève nationale de 24 heures de la FGTB et la CNE.
Jeudi 29 septembre : manifestation interprofessionnelle en front commun syndical.
Vendredi 7 octobre : grève nationale de 24 heures en front commun syndical.
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traduction: Michèle Marteaux
photomontage: Little Shiva