Introduction
Trois années ont passé depuis le début du mouvement à Qatif. Nous avons assisté à de nombreux événements, avec 21 martyrs, des centaines d’arrestations et des dizaines de personnes recherchées et pourchassées par les autorités saoudiennes, des condamnations iniques dont certaines atteignent la menace de décapitation, d’amputation de membres, -peines initialement réservées aux bandits de grand chemin et d’autres, telles que le tazir [1], la flagellation et l’interdiction de voyager, la perpétuité et d’autres allant de 6 ans à 30 ans pour des dizaines de militants et d’activistes.
Des blindés ont fait irruption dans la ville d’Awamiya et il y a encore des tirs en provenance du poste de police pour intimider et menacer les citoyens ainsi qu’une escalade majeure dans la violation des droits humains perpétrée par les agents de la Sûreté, une pratique de la terreur organisée sous une couverture confessionnelle, autoritaire et arbitraire. Tout cela n’a pas dissuadé les militants libres de poursuivre le mouvement contre le royaume de l’obscurantisme. Les slogans lors des manifestations récentes n’exigeaient pas d’enquête internationale, mais c’était un slogan lumineux : « A bas, à bas …Al Saoud », et les manifestants sont toujours solidaires des révolutions du printemps arabe, on exhibe des pancartes et des slogans hostiles aux Khalifa en solidarité avec la révolution au Bahrein.
A la fin du mois de mai, le gouvernement a prononcé une série de condamnations semblables à celles prononcées antérieurement. Rien n’a changé, la menace de décapitation et d’amputation, la peine capitale ne sont pas nouvelles pour les militants. Mais nous avons assisté pour la première fois à des procès publics et à l’échec du pouvoir à endiguer ce mouvement et à répondre aux revendications des manifestants. Nous avons vu aussi le départ d’un des plus importants symboles de la corruption dans la région, le prince Mohammad Bin Fahd, et son remplacement par le prince Saud Bin Nayef. Si ce n’est en rien une solution ou un progrès en termes de changement, cela révèle l’embarras des autorités locales et leur incapacité à mettre fin à ce mouvement révolutionnaire.
La condamnation à mort du militant Ali Nimr
Le 27 mai, une condamnation à mort a été prononcée à l’encontre du militant Ali Mohammad Al Nimr, né le 20 février 1994. La cour pénale de Djedda a prononcé une série de charges arbitraires contre lui : « Appartenance à une cellule terroriste, incitation à la sédition, participation à des émeutes, port d’armes, ciblage d’agents de la sécurité et des installations gouvernementales, participation à des manifestations et des marches hostiles aux autorités ». Il a été arrêté le 14 février 2012, alors qu’il n’avait pas dix huit ans. Le jour de son arrestation fut un jour de protestation d’une importance capitale. C’est le jour du déclenchement de la révolution bahreïnie qui a inspiré le mouvement de protestation au niveau local, a toujours été une source d’inspiration pour les rebelles et a enflammé le mouvement dans la région. Ali Al Nimr était militant de ce mouvement et il répétait sans cesse : « Je suis un homme qui vis d’espoir, s’il se réalise, que Dieu soit loué, et s’il ne se réalise pas, cet espoir me rend heureux ». En dépit de son jeune âge, il n’a pas été arrêté dans un poste de police ou lors d’une convocation au ministère de l’Intérieur. Le procédé de son arrestation relève à la limite de la sauvagerie : écrasé par les véhicules anti émeute, battu sur la voie publique, puis soumis aux plus odieuses formes de torture lors de l’instruction à Dammam. Le prisonnier a écrit de sa geôle : «Je suis prisonnier, maman, j’ai arrosé la chaîne de mon sang pour qu’en poussant elle devienne la clef de la porte de l’oppression ! » Il recommandait la patience à sa mère lors de leurs rencontres à l’occasion de la visite en disant : « Arme-toi de patience, maman, ma patience vient de la tienne ! Il est le fils de Mohammad Baker Al Nimr, un militant notoire et un juriste connu dans la région. Il a commenté la nouvelle de sa condamnation à mort sur les réseaux sociaux : « C’est une honte pour le système judiciaire de brandir la menace de l’exécution d’enfants alors que des exécutions ont déjà été perpétrées dans les rues. Ali Al Nimr n’est ni le premier ni le dernier dans le monde des condamnations iniques, mais il est le premier dans le monde à être condamné à mort en tant qu’enfant par un jugement Karakouch [2] Quelle déliquescence et quelle honte, lorsque la justice de tout le pays relève de l’appareil sécuritaire et que le juge est un militaire avec une barbe et une tenue civile » ! Quant à sa mère, elle a ravalé l’amertume de la souffrance due à son absence et a écrit sur les réseaux sociaux : « les heures passent, pesantes et tristes, entre la souffrance qui m’étreint…. et la peur et l’attente et la crainte et la sujétion. A quand la délivrance !? Il est temps que cette injustice prenne fin !
Des mandats de perquisition en violation des lois et normes internationaux
La condamnation prononcée contre le prisonnier Ali Al Nimr est contraire aux normes et aux lois internationales, et là nous ne parlons pas de comparaisons juridiques abstraites. En conformité avec les conventions internationale signées par le royaume d’Arabie saoudite, a été promulgué le décret royal n°7 du 16/4/1416, qui porte ratification de la Convention des les droits de l’enfant, en vertu duquel il n’est pas possible de condamner à mort un citoyen qui a commis un crime et qui a moins de dix-huit ans. Selon la Convention contre la torture également, signée par le royaume d’Arabie saoudite, l’arrestation et la détention souffrent d’un manque de légalité et tout ce qui est arrivé au détenu Ali Al Nimr et à de nombreux détenus dans les prisons du régime violent l’article Premier de cette Convention ! Le Centre Aman de vigilance sur les droits de l’homme a publié un document qui proclame : « Le jugement prononcé à l’encontre d’Ali Al Nimr « est contraire aux lois et conventions internationales et nous lançons un appel urgent à toutes les organisations et structures de droits, aux militants et aux défenseurs des droits de l’homme afin de faire pression sur le gouvernement saoudien afin qu’il ne politise pas les procès en cours contre les activistes du mouvement de protestation pacifique et qu’il annule les condamnations à mort prononcées, qu’il protège les droits des accusés dont les autorités judiciaires ont requis qu’ils soient privés du droit à la vie en vertu de leur condamnation à mort en leur tranchant le coup par l’épée ! » Ali Al Gharrach, un militant, a déclaré : « La condamnation à mort est la preuve que le pouvoir saoudien est en difficulté et incapable d’arrêter les manifestations et les mouvements de protestation. Il est demandé aux familles (les pères, les mères, les épouses et les proches) des jeunes condamnés à mort ou à l’emprisonnement et aux détenus, de descendre dans la rue et de revendiquer l’application de la justice ». Il a également déclaré: « Ces condamnations constituent une violation flagrante des droits de l’homme et du droit d’expression. »
L’avenir du mouvement de protestation
Le mouvement de protestation a connu une stagnation claire à la suite de l’initiative prise par les Oulémas de Qatif en mars dernier de proposer la reddition de personnes recherchées en échange d’en libérer certains. Pourtant, malgré tout cela, les autorités ont poursuivi l’escalade sécuritaire et politique à travers les procès et les accusations sans lien avec les faits, et partant, le Procureur a requis la condamnation à mort de 20 militants !! Jusqu’à maintenant ont été condamnés Ali Al Nimr et Ridha Al Rubh. Taha Al Hajji a commenté ainsi cet événement : « La cour pénale a prononcé aujourd’hui la condamnation à mort de l’initiative par le châtiment. » En d’autres termes, on a condamné à mort toutes les initiatives réformistes prises par les Oulémas pour stopper le mouvement de protestation par une réconciliation avec le pouvoir et des concessions politiques comme la libération des détenus. L’intensité des manifestations s’est amplifiée depuis l’annonce de la condamnation à mort. Les manifestants sont sortis à Qatif et Awamiya la même nuit pour dénoncer les condamnations abusives le 27 mai, et le 28 mai pour protester et exiger la libération des prisonniers et dénoncer les condamnations à mort. Le chemin vers la liberté n’a jamais été semé de roses, mais il révèle ces rapports sociaux contradictoires en son sein, entre l’oppression par la privation de liberté et celui qui revendique l’émancipation !!! A travers ces combats protestataires pour lesquels se sont sacrifiées beaucoup de consciences libres jaillit à l’évidence cette vérité qu’il n’y a d’autre voie pour parvenir à la liberté que de prendre la rue et de l’arracher aux régimes d’oppression et de despotisme.
A bas Al Saoud, Al Khalifa et Al Assad, A bas les régimes de répression et les contre révolutions !
Liberté pour le mouvement, les révolutionnaires et les détenus dans les prisons du pouvoir !
Gloire aux martyrs du mouvement, défaite pour les alliés de l’impérialisme et du gouvernement fasciste !
Notes :
[1] Châtiment dépendant des lois et juridictions locales qui peut aller de la réprimande verbale à la peine de mort et dont l’appréciation est laissée au juge [ndlt]
[2] Allusion à un film égyptien de Mounir Siraj de 1953 [NDLT]
Traduction de l’arabe, Luiza Toscane, Rafik Khalfaoui