Ce lundi 26 octobre, sept pacifistes étaient convoqués devant le tribunal correctionnel de Mons. Nous avons assisté à l’audience. Voici notre compte rendu.
En février 2012, des bomspotters se sont introduits dans le Quartier général européen de l’Otan (le «SHAPE») et en ont diffusé des images sur le net. L’action menée par ces activistes pacifistes s’inscrivait dans la campagne «NATO GAME OVER / BOMSPOTTING» http://agirpourlapaix.be/ctrl-alt-eu/nato-game-over/ d’Agir pour la Paix et de Vredesactie, qui dénonçait la présence illégale d’une vingtaine de bombes nucléaires sur le sol belge et la préparation à l’emploi de celles-ci par l’armée belge.
Après avoir utilisé en vain tous les moyens légaux qui étaient à leur disposition, les activistes ont fait le choix d’agir de manière non-violente mais plus déterminée: en pénétrant dans l’enceinte du SHAPE pour une inspection citoyenne, restant ainsi fidèles aux principes de la désobéissance civile.
L’audience de ce 26 octobre, qui a débuté à 9h par un attentat à la pudeur et d’autres affaires plus ou moins graves (dont aussi le procès d’un «collectionneur» d’armes, munitions et explosifs accusé d’en faire commerce…) a enfin évoqué l’affaire des bomspotters à 11h, devant une salle d’audience comble.
Les bancs ne suffisaient pas à accueillir tous les sympathisants des sept prévenus
Quentin, Jérôme, Renaud, Benoît, Stéphanie, Nicola et Monique prennent place sur le banc, assistés de leur avocat. Le Procureur du Roi commence par prendre la parole pour rappeler les faits d’intrusion et la vidéo qui en a été postée sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=6f_FEPqeIaU. Certains sont en aveu d’avoir participé à un acte de désobéissance civile, d’autres n’ont rien déclaré. Elle demande à la présidente de rejeter la notion d’un délit politique, de déclarer le tribunal compétent et d’établir les infractions établies à charge des suspects. Elle demande également le prononcé d’une peine de principe car il est, selon elle, important de rappeler la règle.
La parole est ensuite donnée à l’avocat de la défense qui rappelle qui sont ses clients: des militants pacifistes inquiets des guerres, et particulièrement des guerres nucléaires. L’action du 7 février 2012 de ces «lanceurs d’alerte» visait à préparer l’action du 1er avril suivant consistant en l’encerclement du siège de l’Otan à Evere. Tous reconnaissent les faits et les revendiquent. Ceux-ci constituent-ils pour autant une infraction? Si oui, n’y avait-il pas état de nécessité? L’infraction était en effet nécessaire car elle visait à dénoncer le danger lié à la détention d’armes nucléaires, et ce par le biais de la publication d’une vidéo. Le Ministère Public ayant, pour cette action, décidé de poursuites, cela donne aujourd’hui l’occasion aux sept prévenus de venir expliquer leurs motivations.
Infractions ou délit politique?
Le bénéfice de la suspension est demandé à titre infiniment subsidiaire au cas où l’infraction devait être reconnue. Mais ne s’agit-il pas ici d’un délit politique (alors passible de la Cour d’Assises)? C’est ce que le tribunal devra décider et, dans ce cas, se déclarer incompétent. Le but des prévenus, à travers des méthodes pacifistes, était de dénoncer la politique militaire du gouvernement belge et celle de l’Otan dont la Belgique fait partie. Ce faisant, ils ont aussi démontré qu’il était facile d’entrer à l’intérieur de l’Etat-Major général de l’Otan en Europe, information elle aussi utile.
Enfin, la présidente permet aux suspects de s’exprimer en commençant par leur dire qu’aucun d’entre eux n’est considéré comme un «malfaiteur» (car aucun n’a de casier judiciaire!) et qu’elle les invite à s’exprimer seulement sur les infractions commises et non à faire un discours de propagande.
Des lanceurs d’alerte
Monique (fille de militaire!) rappelle que les armes nucléaires sont illégales et qu’au besoin il y a lieu de dénoncer cela par la désobéissance civile. Nicola trouvait important d’être là où la guerre se prépare pour s’y opposer. Elle a assuré un soutien logistique, est solidaire de ses camarades mais ne reconnaît pas l’infraction.
Stéphanie a vécu sa première manif anti-nucléaire avec son grand-père en 1983, à l’âge de sept ans. Elle rappelle que la Belgique contrevient à la Convention de Genève puisque les armes nucléaires ne font pas de distinction entre victimes civiles et militaires. Le Shape est l’endroit d’où partira le commandement militaire d’utilisation de ces armes.
Benoît avoue que ce n’est pas de gaieté de cœur qu’on entre dans les bases militaires et qu’il a d’ailleurs plus peur à ce moment-là que devant ce tribunal… mais il continuera ce type d’actions! Renaud reconnaît la matérialité des faits et revendique leur caractère de délit politique. Il était à l’époque «observateur participant» dans le cadre d’un travail sur la désobéissance en démocratie. Jérôme a tenu à faire comprendre sa démarche en présentant au tribunal la médaille que son arrière-grand-père, actif dans la Résistance, a reçue. Il se demande où on en serait aujourd’hui si lui n’avait pas désobéi.
Enfin, Quentin (fils d’avocats) rappelle qu’il n’existe aucun droit de contrôle démocratique sur la détention d’armes nucléaires en Belgique. Sur ce, l’affaire est prise en délibéré. Le jugement interviendra le 23 novembre. Pour rappel, les prévenus risquent jusqu’à cinq ans de prison et une lourde amende…
Photos: La Gauche