En deux coups de cuillère à pot, le PS a transformé l’attaque la plus frontale contre les travailleurs sans emploi en une sorte de « sauvetage in extremis » de la moitié d’entre eux… Avec – il fallait s’y attendre – un petit coup de pouce de ses amis au sein de l’appareil de la FGTB et une attention toute particulière de journalistes dont le clavier est fatigué dès le vendredi à 13h.
« Selon des sources généralement bien informées », il semble bien que ce coup médiatique ait pourtant été préparé de longue date. Tout se serait noué voici quelques semaines dans une réunion de l’Action Commune Socialiste au plus haut niveau. D’abord les ailes flamande et wallonne du Secrétariat Fédéral de la FGTB se sont fait tirer l’oreille par « leurs » super-ministres respectifs d’avoir organisé des actions les 10 et 17 mars. Ambiance! Ce qui ne les empêcha point d’approuver in-fine un scénario de « sortie de crise » qui penchait plutôt du côté des propositions (techniques) du SPa.
Réforme ou approfondissement de la réforme des allocations de chômage?
En fait ce que le PS et ses alliés au sommet de la FGTB présentent comme un pas en arrière du gouvernement (et donc comme une avancée de son aile gauche, vous suivez ?), n’est rien d’autre qu’une formule combinant étalement et approfondissement de la mesure initiale. En effet, pour ceux-celles qui échapperont au couperet le 1er janvier, il se rappellera à eux-elles dès qu’ils-elles ne seront plus protégés par le double critère « au moins un tiers temps/au moins pendant six mois ». Et par ces temps de précarité généralisée, la grande faucheuse va faucher 24h/7j comme on dit dans le fast-food. Avec le correctif annoncé, la limitation dans le temps des allocations d’insertion à 3 ans depuis le 1/1/2012 peut être reportée dans le temps. Ainsi une personne qui aura travaillé 8 mois de suite à ½ temps verra son exclusion reportée au 1/9/2015. Dès lors cette catégorie de travailleurs sans emploi (mais qui en ont quand-même un) sera en permanence sous la menace de l’exclusion ; ce qu’illustre fort bien les exemples cités par le collectif Riposte (1).
Cette menace permanente, c’est ce qui nous fait dire que la décision gouvernementale est aussi un approfondissement de sa réforme. Car c’est une Xème « catégorie » de chômeurs, celle la plus proche de l’emploi puisqu’ils en ont un, que l’ont met en compétition à la fois avec les autres catégories de chômeurs et avec les travailleurs. C’est « l’armée industrielle de réserve » revisitée par la social-démocratie (2) !
Gauche, droite, gauche, droite.
Si on pouvait s’attendre à tous les coups foireux du PS sur cette question qui empoisonne sa campagne pour les élections du 25 mai, le zèle mis par ses amis au top de la FGTB pour présenter la pirouette en « sauvetage » de 20.000 chômeurs est pour le moins édifiante.
Avant même qu’une instance syndicale ait eu le temps d’analyser les mesures correctrices et de se prononcer en connaissance de cause, Anne Demelenne (Secrétaire Générale de la FGTB) et Thierry Bodson (Secrétaire de l’Interrégionale wallonne de la FGTB) tiraient leur révérence au « coup de maître » du Boulevard de l’Empereur.
Où sont les textes ?
Ce lundi matin, c’est la gueule de bois à la FGTB. Il y aura une séance du Bureau Fédéral ce mardi matin mais personne ne sait exactement ce qui se trouve réellement dans la nouvelle mouture de la réforme gouvernementale. Les membres de cette instance devront sans doute se contenter d’une « note technique » préparée au sein du service d’études mais, à ce stade, étant donné la complexité de la matière et sa non-connaissance des participants, le coup de pub pour le PS (et le Spa) ne devrait pas soulever de vagues. Au nom de « l’unité de la gauche » et de la solidarité avec le Président et la Secrétaire Générale qui ont fait « le maximum-maximorum » (tiens j’ai déjà entendu cette formule quelque part) pour redresser le tir, la FGTB pourra aborder ses discours de 1er Mai, forte de nouvelles conquêtes sociales ! Qui osera s’aventurer à demander les textes du compromis et une analyse chiffrée de sa portée ?
Car au sein du syndicat, il n’y a pas que l’échéance électorale qui pose question, on est aussi à la veille de congrès décisifs. On a branché la musique et commencé à retirer une chaise à la fois. Il faut être prompt pour occuper les places qui resteront. Les spectateurs chuchotent, les rumeurs vont bon train. Il y aurait des départs : Anne Demelenne à la CES ? Marc Goblet comme Président ? Un ascenseur fonctionnerait entre le SETCa Fédéral et la FGTB Fédérale ? Il y aura quelques « reclassements » (« mais tu fermes ta gueule, ok ? »), et on profitera pour liquider ou encadrer les gêneurs… Une chose est certaine : ceux dont le PS a besoin pour calmer les troupes syndicales jusqu’au 25 mai (dans tous les recoins de l’appareil pas seulement au plus haut niveau) vont exiger un « retour sur investissement » pour se placer sur l’échiquier. Une « alliance objective » qui explique beaucoup des comportements actuels.
1. Exemples :
— vous avez eu un job de 8 mois à mi-temps (avec AGR ! ) du 1er août 2013 au 31 mars 2014, vous ne serez pas exclu-e du chômage avant le 1er septembre 2015 (au lieu du 1er janvier);
— nous supposons que si vous aviez déjà travaillé à temps partiel durant 6 mois en 2013, vous serez alors reporté-e non pas de 8 mois mais de 8 + 6 = 14 mois…
— et si au moment où vous devez être exclu-e, soit dans ce deuxième cas, au 1er mars 2016, vous êtes à nouveau dans un job avec AGR, vous conservez celle-ci jusqu’à la fin de votre contrat.
Précisons que vous pouvez aussi bénéficier d’un supplément de 6 mois si au moment où ce couperet tombe, vous pouvez justifier de 6 mois au moins de travail équivalent Temps plein dans les deux dernières années, soit d’un an à mi-temps ou de 6 mois à temps plein par exemples…
Cela devient un imbroglio invraisemblable mais c’est vrai que ça va « sauver » durant un temps sans doute pas mal de gens… De là à en comptabiliser 25.000 qui, au 1er janvier 2015, seraient déjà « reportés » au minimum au 1er juillet de la même année… »
2. Voir l’article de Daniel Tanuro sur ce site le 26 avril : « Mais ce n’est pas tout. Selon la presse, le conseil des ministres justifie sa décision par la nécessité d’une « meilleure valorisation du travail ». Ce qui se cache derrière cette formule, c’est la volonté d’affiner la chasse aux chômeurs et chômeuses afin de faire le tri entre celles et ceux qui sont encore « employables » et les autres.
Le capitalisme a besoin d’une « armée de réserve industrielle ». L’expression doit être prise au pied de la lettre. Il s’agit que la masse des sans emploi puisse effectivement remplacer la masse des actifs. Si ce n’est pas le cas, la capacité du patronat de faire pression sur les salaires est évidemment émoussée. »