Dimanche 12 octobre auront lieu en Bolivie des élections présidentielles et législatives. La réélection d’Evo Morales pour un troisième mandat ne fait aucun doute. La vraie question est de savoir si son parti, le MAS, conservera la majorité absolue au Parlement et s’il parviendra à contrôler les conflits sociaux qui montent.
Quand Evo Morales est arrivé au pouvoir en 2006, porté par une mobilisation de masse contre la privatisation de l’eau et du gaz, la situation du pays était calamiteuse. Huit ans
plus tard, la Bolivie affiche un taux de croissance de 5 % et le chômage s’est réduit à 5 % selon des experts indépendants. La balance commerciale et les comptes publics dégagent des excédents. Une série d’avancées en matière de santé, d’éducation et d’accès aux services de base, ont permis au gouvernement d’avoir le soutien d’une grande partie de la population la plus pauvre.
Sur le plan politique, le parti de Morales, le MAS, dispose d’une majorité de plus des deux tiers à l’Assemblée législative, et contrôle la majorité des régions et municipalités. Morales apparaît ainsi comme le seul dirigeant « progressiste » du continent dont le gouvernement ne soit pas en crise.
Deux programmes…
Le duo formé par Morales et le viceprésident García Linera était investi d’un mandat populaire : nationaliser les hydrocarbures, une Assemblée constituante, une réforme agraire. Mais ils avaient en fait leur propre projet : un « capitalisme andino-amazonien », défini par García Linera comme « la construction d’un État fort, qui régule l’expansion de l’économie industrielle, extraie ses excédents et les transfère vers les communautés pour développer des formes d’autoorganisation et de développement marchand spécifiquement andin et amazonien » (1). Ceci s’accompagnait de l’adoption d’un modèle de développement capitaliste extractiviste basé sur l’exportation des matières premières.
Quand bien même la nouvelle Constitution consacre le « bien vivre » en « harmonie avec la nature », l’extractivisme impose sa logique économique. Pour mettre en œuvre sa politique agro-industrielle, Morales a donné des subventions et aides aux latifundistes de Santa Cruz. Les inégalités se sont aggravées entre l’est du pays, tourné vers l’agro-exportation, et l’ouest indigène. La culture industrielle du quinoa et du soja a largement liquidé les cultures traditionnelles, menant à une augmentation de 28 % des importations d’aliments.
L’intensification de l’exploitation des hydrocarbures et des mines a mis en difficulté les rapports de Morales avec sa base indigène, à tel point que trois des quatre grandes organisations indigènes soutiennent des candidats de l’opposition.
La décision de maintenir à tout prix les comptes publics en excédent a provoqué de fortes confrontations avec le mouvement ouvrier. Les gens commencent à se demander comment il se fait qu’avec 15 milliards de dollars de réserves de change et un excédent commercial de 51 %, 40 % de la population vive toujours avec moins de deux dollars par jour, alors que le gouvernement légalise le travail des enfants.
Les contradictions entre les exigences populaires et le modèle économique de Morales ne pourront que s’aiguiser. Jusqu’à quand le peuple bolivien acceptera-t-il que le gouvernement applique un programme contraire à celui sur lequel il a été porté au pouvoir ? C’est la grande inconnue du troisième mandat à venir.
1 – Alvaro Garcia Linera, « Le capitalisme andino-amazonien », le Monde Diplomatique (édition latino-américaine), http://www.lemondediplomatique.cl/El-capitalismo-andinoamazonico.html
Source : NPA