Dans toutes les villes où se déroule actuellement le Mondial, il y a tous les jours des manifestations contre celui-ci : contre les dépenses gigantesques, son caractère d’exclusion des populations, avec des centaines jusqu’à quelques milliers de manifestantEs. Pour une bonne part, la dureté de la répression explique la participation limitée à ces mobilisations…
D’après Valor Econômico du vendredi 13 juin, un bon exemple de la presse patronale, « le début de la Coupe du monde a donné l’impression que la politique du gouvernement est de ne laisser aucune place au développement de manifestations susceptibles de perturber les accès aux stades et aux zones « Fan Fest » de la FIFA. Même les petits actes ont été réprimés (…). Ainsi, les groupes qui ont tenté de faire des actions critiques contre la Coupe n’ont pas pu manifester longtemps en raison de la forte répression policière »…
Pour ne pas « perturber les accès », d’impressionnants dispositifs policiers visent donc à empêcher les manifestations. Le nombre de policiers est bien souvent plus élevé que celui des manifestantEs. La police militaire justifie la répression des manifestantEs en disant qu’elle empêche des « dégradations du patrimoine »… mais ce qui se passe le plus souvent, c’est que c’est la police elle-même qui déclenche les affrontements : bombes lacrymogènes, tirs de balles en caoutchouc… Dans plusieurs manifestations, il y a eu des dizaines de blesséEs. Beaucoup de manifestants sont fouillés, et placés en détention, certains pendant plus d’une journée, tandis que d’autres sont cités à comparaître pour être interrogés dans les postes de police.
Le cas de répression qui a eu le plus d’impact a été celui d’une journaliste de Media Ninja, un réseau qui depuis 2013 fait des émissions en direct, des reportages et publie des photos des manifestations sur Internet et les réseaux sociaux. À Belo Horizonte (dans l’État de Minas Gerais), Karinny Magalhães, 19 ans, a été arrêtée, harcelée, battue (y compris à coups de matraque) jusqu’à s’évanouir. Elle a été mise en détention, puis conduite à l’hôpital… pour enfin être mise en prison. Elle a été libérée après l’intervention des avocats.
Les manifestations résistent
La dureté accrue de la répression contribue largement à décourager les manifestantEs depuis le début du Mondial. La Coupe du monde, qui avait été surnommé « la Coupe des Coupes » par la propagande officielle a été renommée « la Coupe des troupes » par les manifestantEs. Mais malgré cette répression, les manifestations continuent. Celles-ci ne sont bien entendu pas de la même importance que par exemple lors des journées de juin 2013. Mais rien n’indique qu’elles vont s’arrêter ces prochains jours.
Dans ce climat de protestation, plusieurs grèves se déroulent, parfois courtes, comme les chauffeurs de bus de Natal, dans l’État du Rio Grande do Norte, parfois longues, comme celle des enseignantEs et du personnel administratif des universités de l’État de São Paulo, ou du personnel administratif des universités fédérales, des grèves qui durent depuis plusieurs semaines.
Enfin, signalons qu’il y a aussi beaucoup de BrésilienEs qui bien entendu célèbrent la Coupe du monde. Très probablement, la majorité de la population regarde les jeux à la télévision, en dehors du petit nombre qui a pu acheter des billets et aller dans les stades… Mais jusqu’à présent, l’ambiance est mitigée. Elle peut devenir plus festive, surtout si l’équipe brésilienne est victorieuse. Mais, quoi qu’il en soit, on est loin du climat dans lequel se déroule habituellement la Coupe du monde de football.
Décidément, le Brésil a bien changé !
De São Paulo, João Machado
Source : NPA