Le temps des grèves est là. Après les énormes mobilisations juin 2013, principalement celles de la jeunesse, aujourd’hui, ce sont celles de la classe ouvrière qui secouent les villes brésiliennes .
A São Paulo, le 15 mai 2014, la ville était paralysée. Le matin même, les travailleurs de la métallurgie ensemble avec le Mouvement des travailleurs des sans toit (MTST) et Ocupação Esperança (Mouvement Occupation et Espoir) ont bloqué les avenues dans les zones périphériques de la mégalopole. Au centre-ville, les travailleurs et travailleuses du métro ont manifesté le matin et les enseignants municipaux ont organisé des démonstrations durant l’après-midi. Les grèves et les manifestations faisaient la une de toute la presse et des médias électroniques.
Toutefois, les mobilisations ne sont pas limitées au 15 mai. Les enseignants des écoles municipales, par milliers, depuis 40 jours, descendent dans la rue. Les chauffeurs de bus sont mis en grève pendant deux jours, s’opposant ainsi au maire de São Paulo – Fernando Haddad, ainsi ministre de l’Education du gouvernement de Dilma Rousseff (Parti des travailleurs) et maire de la plus grande ville du Brésil depuis janvier 2013 – et aux directions des compagnies privées d’autobus ainsi qu’à une partie des appareils syndicaux traditionnels.
Ainsi, le 5 juin, une «grève illimitée» a été déclarée. A São Paulo, sans le métro, il est quasi impossible d’atteindre le stade Arena Corinthians. Un stade de luxe obéissant aux standards de la FIFA présidée par l’Helvète Sepp Blatter. C’est dans ce stade que doit se dérouler la «cérémonie inaugurale» de la Coupe le 12 juin et le match d’ouverture entre le Brésil et la Croatie; ainsi que six des 64 rencontres prévues pour le «Mondial». Le métro transporte, en moyenne, 4,5 millions de personnes chaque jour. Les travailleurs exigeaient au début une augmentation de leur salaire de 35,7%. Lors des négociations, ils fixèrent la barre à 16,5%. Après de nombreuses négociations, la direction a proposé 7,8%; puis le 4 juin 2014, devant le Tribunal régional du travail, elle a accepté 8,7%. Or, l’augmentation des prix des aliments et des biens de première nécessité est bien supérieure. L’assemblée, le matin du 5 juin, a réuni plus de 2500 travailleurs. Le mot d’ordre de grève illimitée était clamé et repris sur les pancartes. La seule proposition faite lors de l’assemblée fut d’ailleurs celle d’une grève illimitée.
Aussi bien le patronat que le gouverneur de l’Etat de São Paulo – Geraldo Alckmin du PSDB (Parti de la social-démocratie brésilienne) – et la mairie ont refusé toutes les propositions des travailleurs. Dès lors, Altino Prazers, président du syndicat des travailleurs du métro et membre du Parti socialiste des travailleurs unifié (PSTU), a expliqué le sens plus général de la mobilisation: «Le transport n’est pas une marchandise. Notre lutte est aussi la lutte de la population pour un transport meilleur et à un prix bas. S’ils ont de l’argent pour la Coupe, s’ils ont de l’argent pour l’Itaquerão (nom officiel pour la Coupe de l’Arena Corinthians), pourquoi n’ont-ils pas d’argent pour le métro?» Altino Prazers ajoute: «Quand un jeune homme de la zone veut rencontrer son amie de la zone sud, il ne le peut pas, parce qu’il n’a pas l’argent pour se payer le métro.» Altino, de la sorte, donnait l’exemple que les travailleurs du métro et le métro doivent être au service de la population et que cela n’est possible que si le métro est conçu comme devant répondre aux besoins des couches populaires de cette mégalopole de plus de 20 millions d’habitants.
Pour saisir la place de cette grève, il faut la situer dans le contexte de mobilisations actuelles au Brésil, dont l’un des détonateurs est tout ce que l’organisation de la Coupe du monde a révélé aussi bien en termes de priorités sociales des dépenses publiques, qu’en exemples de corruption et de mépris pour les couches paupérisées – des dizaines de milliers d’habitants de favelas ont été brutalement «évacués» – ou qu’en multiplication des mesures répressives. Le gouvernement de Dilma Rousseff vient d’envisager l’utilisation de l’armée pour assurer l’ordre exigé par la FIFA. Cette firme internationale (la FIFA) et les sponsors veulent instaurer une sorte d’état d’exception durant la Coupe de foot.
Il est dès lors caractéristique que durant l’assemblée des travailleurs du métro furent présents des représentants des divers mouvements sociaux. Cela afin de démontrer la convergence des revendications et de riposter à la campagne délirante de criminalisation faite par le gouverneur Alckmin et les médias au service du pouvoir politique, des dominants et de la FIFA. D’ailleurs, un très récent sondage indique que 57% des Brésiliens et Brésiliennes considèrent que la Coupe sera plus un fardeau qu’une aide pour ceux et celles qui travaillent.
La solidarité avec les diverses luttes au Brésil constitue un élément non seulement de dénonciation internationaliste de la forme financiarisée du capital que représente l’industrie du foot, mais aussi un facteur de reconnaissance mutuelle des intérêts des salarié·e·s à l’échelle internationale; ce qui tranche, radicalement, avec le chauvinisme écervelé des «fans», manipulés, des diverses équipes «nationales».
Source : A l’Encontre