Theresa May devient Première ministre britannique, espérant colmater la crise politique et reporter l’impact du Brexit sur les classes populaires.
Face à l’urgence, les contradictions du parti conservateur au pouvoir se sont dénouées : David Cameron part plus vite que prévu, ceux qui avaient fait campagne pour le Brexit ont renoncé à postuler à la direction du gouvernement, et Theresa May, qui avait soutenu le maintien dans l’Union européenne (UE), devient Première ministre. Ce n’est certes pas une pro-européenne farouche, et elle a d’emblée affirmé que le résultat du référendum ne sera pas remis en cause.
Les marchés financiers internationaux ont, sur le moment, été ébranlés par le référendum. C’est significatif du climat d’incertitude et du fait que financiers et capitalistes savent qu’un jour ou l’autre il faudra payer la note de la politique de distribution à tout-va de liquidités aux banques pour soutenir une croissance qui reste maigre. Cette largesse soutient les cours de la Bourse et permet au système bancaire de continuer à spéculer.
Un royaume désuni
Mais dans l’immédiat, ce qui compte, c’est l’impact direct dans ce qui est, c’est son nom officiel, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Teresa May va devoir gérer les conséquences des votes nord-irlandais et surtout écossais en faveur du maintien dans l’UE. Et surtout, elle aura à faire face aux incertitudes économiques dans lesquelles le Brexit a plongé le pays.
Si des capitalistes britanniques étaient individuellement plutôt favorables au Brexit (à l’instar de James Dyson, l’homme des aspirateurs…), globalement, le capital britannique s’accommodait parfaitement de l’UE. La Grande-Bretagne avait complètement accès aux marchés européens tandis que la finance britannique restait libre de faire à peu près ce qu’elle voulait et que le marché du travail avait été dérégulé. Et la non-appartenance à la zone euro donnait plus de marges de manœuvre à la politique économique.
« Face tu perds, pile tu perds aussi »
Le Brexit a entraîné une baisse importante de la livre, un recul des prix de l’immobilier britannique (largement tirés par la spéculation et les achats des étrangers), des annonces (à confirmer) de désengagement de certaines entreprises du territoire britannique, et une baisse générale de la confiance. La baisse de l’immobilier inquiète car des fonds financiers en dépendent directement et sont menacés de retraits brutaux (la valeur de leurs propriétés immobilières a chuté d’au moins 15 %).
Face à cette situation, la réponse des dirigeants britanniques a déjà commencé à s’esquisser : soutien aux banques, baisse des taux d’intérêt et diminution drastique de l’impôt sur les sociétés (pour attirer les entreprises). Autrement dit, une accentuation du néolibéralisme en faveur des entreprises et des classes possédantes, tandis que la masse de la population va subir le probable regain d’inflation liée à la baisse de la livre (ce qui va provoquer une hausse des produits importés).
Les ressorts de la politique antisociale et néolibérale menées depuis des années se trouvent bien en Grande-Bretagne même et, moins qu’ailleurs en Europe, dans des pressions de la Commission de Bruxelles. En l’absence de réaction des travailleurs et des couches populaires, ceux qui ont voté pour le Brexit pour manifester leurs oppositions aux « élites » capitalistes vont en payer le prix. Ce référendum à l’initiative de la droite conservatrice était bien un jeu de dupes pour les travailleurs : un pile ou face du type « face tu perds, pile tu perds aussi » (ce qui ne résout pas par ailleurs la question des consignes de vote…).
L’UE n’est pas irréversible
Teresa May va devoir négocier les conditions de la sortie avec l’UE, en arrachant le maximum de concessions sur l’accès aux marchés européens et la possibilité pour les banques d’y opérer librement. Cela prendra du temps et peut susciter des contradictions chez ses ex-partenaires.
Enfin, au-delà de la stricte sphère économique, la sortie de la Grande-Bretagne a des conséquences géopolitiques : l’Union européenne n’est pas irréversible. Commission, Banque centrale européenne et gouvernements nationaux de droite et de « gauche », ont su s’unifier contre le peuple grec. Il en serait de même demain contre tout mouvement populaire qui remettrait en cause les objectifs néolibéraux. Mais pour le reste, les contradictions montent entre les États, des contradictions attisées par la capacité des extrêmes droites à récupérer l’exaspération populaire…
Source : NPA