Ce vendredi 20 novembre, une semaine après les attentats abjects commis à Paris, les terroristes ont à nouveau frappé. À Bruxelles, cette fois.
Programmée de longue date et intitulée Guerres et révolution en Syrie : quelle solidarité ?, une conférence-débat organisée par la Formation Léon Lesoil devait se tenir au centre culturel néerlandophone du Pianofabriek, situé à Saint-Gilles, l’une des 19 communes de Bruxelles-Capitale.
Les intervenants invités à débattre de la situation en Syrie étaientJoseph Daher, assistant chargé de cours à l’Université de Lausanne et opposant de gauche syrien ; Pascal Fenaux, journaliste à Courrier international (Paris) et à La Revue Nouvelle (Bruxelles) ; Sophie Aujean, coordinatrice d’Amnesty International Belgique et membre du collectif citoyen Action Syrie ; et Rhodi Mellek, représentante duPYD (Parti de l’Union démocratique, Kurdistan syrien).
À 18h30, une heure avant l’événement, les organisateurs se sont vus signifier par les forces de police l’interdiction in extremis de la conférence, sur ordre du bourgmestre de Saint-Gilles, Charles Picqué (PS).
Les forces de police, entretemps accompagnées de renforts, se sont heurtées à l’incompréhension des organisateurs et des nombreux participants. Lorsque l’organisation a proposé de déplacer la conférence vers un autre lieu, les forces de l’ordre ont menacé d’arrêter, non seulement l’un des organisateurs, mais aussi l’opposant syrien, invoquant, qui la décision du bourgmestre Charles Picqué, qui « l’état d’urgence ».
Deux détails méritent d’être pointés. Premièrement, cet « état d’urgence » ne s’est pas appliqué aux autres activités en cours au Pianofabriek, ces dernières n’étant pas inquiétées… Deuxièmement,cette interdiction a été signifiée avant que l’alerte terroriste pour Bruxelles-Capitale soit relevée ce samedi 21 novembre au niveau 4 (maximal), celui qui qualifie la menace de « sérieuse et imminente », suite à une nouvelle évaluation de l’OCAM.
Une des questions abordées par la conférence devait être : Faudrait-il, comme certains nous l’ordonnent, « choisir entre Assad ou les jihadistes ? ».
En menaçant d’arrêter un opposant syrien au régime de Bachar El-Assad et à Daech, les autorités de Saint-Gilles ont, ne leur en déplaise, donné l’impression de choisir Assad et Daech. Évidemment motivé par le devoir qu’a tout État de garantir le droit de ses citoyens à la sécurité, ce message, que l’on espère maladroit, a néanmoins de quoi faire frémir.
En effet, que conclure de cette soirée avortée ? Que les terroristes agissant au nom de Daech sont en train de marquer des points et de faire de nouvelles victimes :
- la lucidité et le sang-froid du personnel politique et des forces de l’ordre belges ;
- la liberté d’expression et de rassemblement ;
- la solidarité avec les millions de Syriens pris en tenaille entre deux machines de mort : celle de Bachar El-Assad et celle de l’« État islamique ».
Nous sommes ici face à l’exemple-type de ce que les autorités belges ne doivent absolument pas faire, sous peine de brider le débat démocratique et de « faire le jeu des terroristes ».
Pendant cinq ans, les opposants et les démocrates syriens, ont été, au mieux ignorés, au pire frappés du soupçon « islamiste » par la majorité des opinions, des autorités politiques et des sphères intellectuelles européennes, de gauche comme de droite.
Depuis ce 13 novembre de malheur, les opposants syriens risquent désormais la « double peine » : faire les frais des actes abjects commis par Daech en Syrie et sur le sol européen, d’une part, être réduits au silence par nos régimes démocratiques, d’autre part.
Comment ne pas éprouver un sentiment de honte face à cette injustice faite, en notre nom, aux opposants syriens, aux révoltés syriens et à tous ceux qui tentent de rendre leur parole aux suppliciés syriens ? Comment ne pas nous inquiéter des risques encourus par une démocratie belge qui plonge tête baissée dans le piège tendu par ses ennemis ?
Ce 20 novembre, Daech a frappé Bruxelles. Avec succès.
Source : La revue nouvelle