Tu as été longtemps membre du PS, et même élu communal du PS dans ta commune, Farciennes. Qu’est-ce qui t’a amené à soutenir les listes PTB-GO !, et à te présenter comme candidat (3e à la Chambre dans le Hainaut)?
Christian Viroux : La goutte d’eau qui a fait déborder le vase ça a été les mesures contre les chômeurs. Mais il y avait longtemps que j’étais de plus en plus mécontent de la politique du PS. En tant que permanent syndical, j’ai encaissé de nombreux mauvais coups de sa part. Il y en a un, en particulier, qui m’a fort marqué. C’était pendant le long combat pour l’emploi des travailleurs d’AGC Fleurus. On n’a jamais vu le PS au piquet, et aucun autre parti. Seuls le PTB, et vous, la LCR, étiez présents aux côtés des travailleurs. Pire : on a eu la déclaration du Ministre-Président PS, Van Cau, disant que ces travailleurs en grève étaient « une tache noire » sur la Wallonie. Les responsables du PS nous reprochaient d’être aux côtés des travailleurs. Pour eux, le bon syndicaliste, c’est celui qui siffle la fin de la récréation, même quand les travailleurs ne sont pas d’accord. C’est ainsi que j’ai décidé de donner mon soutien au PTB-GO. Par la suite, j’ai accepté d’être candidat. Je me suis dit qu’il fallait que des personnes connues s’engagent, pour faire élire des gens, qu’ils soient PTB ou LCR, peu importe leur tendance. Je me rappelle l’époque où il y avait encore des élus communistes : Dussart, Glineur à Charleroi… C’était quand même utile de temps en temps pour titiller les autres.
L’appel lancé par la FGTB de Charleroi le Premier Mai 2012 a-t-il joué un rôle dans ton engagement ?
CV : Oui, bien sûr. Je voudrais préciser que cet appel lancé par Daniel Piron au nom de la régionale ne tombait vraiment pas du ciel. Cela faisait plusieurs années que la FGTB de Charleroi discutait de la nécessité que la gauche retrouve ses valeurs. Dans le respect de l’indépendance syndicale, évidemment, sans se substituer aux partis. Tout ça est bien expliqué dans la brochure « 8 questions ». Cela a joué un rôle important dans ma décision.
Que réponds-tu à celles et ceux qui disent aujourd’hui que la gauche radicale divise la gauche et fait le jeu de la NVA ou du MR ?
CV : Je réponds que c’est trop facile de dire des choses pareilles quand on ne sait pas prendre ses responsabilités en tant que parti de gauche. Au PS, ils craignent de prendre une claque. Ils feraient mieux de faire leur examen de conscience plutôt que de nous faire rire avec des slogans à la noix de jambon, tels que « sans nous ce serait pire ». Plus personne ne les écoute, ça ne marche plus. Qu’ils soient un peu intelligents et cessent de diaboliser ceux qui sont à gauche de la gauche. J’ai entendu les déclarations de Marcourt contre le PTB: c’est dégoûtant. Le PS joue à la polémique anti-MR alors que, dans quelques semaines, ils feront copain-copain. Mais je veux souligner que mon premier ennemi, c’est la droite et l’extrême-droite, pas le PS. Le PS va prendre une calotte parce qu’il mène une politique de droite.
Que faire si Di Rupo ne parvient pas à reconduire sa majorité et que se forme un gouvernement de droite, comme le gouvernement Martens-Gol entre 1982 et 1987 ?
CV : Je pense que les syndicats (la FGTB en particulier) sont capables dans ce cas d‘organiser la lutte qu’il faut. A la limite, je dirais que ce sera plus facile d’organiser le combat contre une droite ultra-agressive, parce qu’on sera confrontés directement à nos ennemis. Il sera plus facile de se battre si le PS n’est pas au gouvernement.
En 82-87, on n’a pas été capables d’arrêter les trains de mesures d’austérité, les trois sauts d’index notamment. Quelles leçons en tirer?
CV : Il faut une fois pour toutes que les syndicats organisent réellement les travailleurs, et les organisent de manière intelligente. A l’époque, certains nous ont lâchés en cours de route et le PS est resté « au balcon ». Avec tout ce qu’ils ont encaissé ces vingt-cinq dernières années, je crois que les travailleurs sont plus mûrs, plus décidés à la lutte.
La FGTB de Charleroi a déclaré que PTB-GO ! était un « premier pas dans le sens du rassemblement » appelé de ses vœux le Premier Mai 2012. Est-ce ainsi que tu vois les choses également ?
CV : Oui, je suis pleinement d’accord avec cette vision. J’ai été peiné de voir que d’autres, comme le Mouvement de Gauche, n’ont pas été capables de faire le pas que vous aviez fait, vous, à la LCR. Il fallait tout de même admettre que la percée du PTB aux communales constituait un point d’appui pour toute la gauche. Le fait de ne pas vouloir entrer dans le GO a été une erreur commise par certains. Mais il ne faut pas lâcher le morceau. Il faut continuer à rassembler et aller vers un regroupement plus important aux prochaines élections. Pour cela, il faut aussi admettre qu’un parti peut changer. Il faut arrêter de diaboliser le PTB comme maoïste, stalinien, etc. Chacun doit garder son âme, mais il faut être capable de voir les évolutions quand elles se produisent.
Il faut poursuivre cette logique de Gauche d’Ouverture au-delà du 25 mai ?
CV : Oui, parce que rien ne va changer au niveau des têtes du PS. On le voit par exemple dans le sur-collage : pas sur le MR, pas sur la droite, non, sur le PTB-GO ! Cela veut dire que les mentalités sont bien ancrées au PS : « la gauche, c’est nous seuls, et les autres, c’est de la crotte de bique »…
Que proposerais-tu de faire concrètement ?
CV : Je crois que vous devriez continuer à agir ensemble après les élections, parce qu’il va y avoir des batailles importantes. Et relancer la mécanique avec les autres partis de gauche. Il faut arriver à quelque chose de plus large, pour jouer un rôle important. Car ici, il ne faut pas se le cacher : on aura des voix, et des élus, mais ça ne va pas peser lourd, ça permettra seulement de titiller les autres.
Quel rôle les syndicalistes peuvent-ils jouer dans ce processus ?
CV : Un rôle très important, de rassembleurs. Mais dans le respect de leur autonomie, évidemment. Les syndicalistes ont le retour de ce qui se passe sur le terrain, dans les entreprises. Jusqu’ici, ça n’a pas mal réussi avec la FGTB de Charleroi. Je le répète : on ne doit pas lâcher le morceau. Il faut continuer à secouer dans le syndicat ceux qui gardent une mentalité de ringards. Je le dis à Anne Demelenne et à celui ou celle qui lui succèdera : la FGTB, c’est d’abord la base. Les permanents locaux sont en contact avec la base. Ce n’est pas en allant taper du poing sur la table au PS – et Anne Demelenne ne tape pas fort – qu’on trouvera une issue, c’est en mobilisant les travailleurs
Propos recueillis par D. Tanuro, le 5 mai 2014