Nous reproduisons ici un extrait d’un texte, «Le côté obscur de la force », paru dans la Gazette du cinéma Utopia de Bordeaux. On ne le dirait pas mieux…
Star Wars ne se contente pas d’envahir les écrans de la planète… Si l’allumé qui a zigouillé à coups de sabre des gamins dans une école de Suède portait un masque de Dark Vador, en Ukraine, une loi sur la décommunisation de l’espace public fait du passé table rase en changeant les noms de rue, déboulonnant les monuments érigés jadis à la gloire des dirigeants soviétiques : c’est dans ce cadre qu’à Odessa, geste hautement symbolique, les employés et riverains de l’usine PressMach ont eu la géniale idée de fondre la statue de Lénine pour la remodeler en Dark Vador !
On va en bouffer à toutes les sauces, de la Guerre des étoiles... Impossible d’échapper à la déferlante mondiale : Dark Vador fait même son entrée au Louvre… Dans ce contexte, un débat aussi fiévreux qu’affligeant agite en ce moment le petit monde des salles Art et Essai, contaminées elles aussi par le virus pernicieux : faut-il programmer Star Wars épisode Z sur nos écrans pour faire bouillir la marmite et faut-il saisir la médiatrice du cinéma pour exiger que le distributeur Walt Disney donne une copie aux salles Art et Essai ? Il faut dire que le classement Art et Essai a beaucoup évolué ces dernières années, et que nombreuses parmi les salles qui arborent ce label ont une programmation plutôt étendue et mettent à l’affiche des blockbusters en VO aussi bien qu’en VF, au point que pour certaines d’entre elles, le cinéma américain industriel finit par représenter l’essentiel de leur fréquentation. C’est le cas de certains multiplexes publics (oui, ça existe) subventionnés par les collectivités locales…
Pour un Noël ouvert sur le monde
Ci-après la réponse claire faite par Utopia Bordeaux à la représentante de notre syndicat (le très éminent Syndicat des Cinémas d’art, de répertoire et d’essai) : « Nous ne programmons jamais de blockbusters franchisés de ce type. J’allais écrire « en tout cas pas en sortie nationale », mais je crois qu’à Bordeaux, nous ne les programmons jamais tout court, je n’ai pas souvenir d’un exemple contraire. Et il nous semble que nous avons suffisamment de films beaux et forts à défendre sur cette période pour ne pas commencer à nous aventurer sur ce terrain et ajouter un mille et unième écran à l’invasion starwarsienne.
Pour reprendre l’idée de slogan de Noël proposée au cours des échanges de mail sur le sujet, on pourrait se démarquer et lancer fièrement : dans les multiplexes, Noël c’est forcément Star Wars. Dans les salles indépendantes, Noël c’est Mia Madre, c’est Demain, c’est Béliers, c’est Plus fort que les bombes, c’estÀ peine j’ouvre les yeux, c’est L’étreinte du serpent, c’est Au-delà des montagnes… Dans les multiplexes, Noël est forcément américain. Dans les salles indépendantes, Noël est italien, français, islandais, norvégien, tunisien, colombien, chinois… Amie spectatrice, ami spectateur, tu as le choix entre un Noël tristement standardisé et un Noël ouvert sur le monde ! »
Nous n’avons pas eu de réponse à ce jour, et tout au contraire, nos collègues persuadés d’être les hérauts d’une grande cause viennent de lancer une pétition auprès des spectateurs pour qu’ils les soutiennent dans leur quête d’une copie de l’événement cinématographique de la fin d’année. Misère !
Retrouver la programmation des cinémas Utopia : http ://www.cinemas-utopia.org
Source : NPA