Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces dernières semaines ont été mouvementées. Les mois de juillet-août, généralement propices au relâchement militant, s’annoncent comme les vacances de tous les dangers.
Chez nous, les importantes mobilisations des travailleurs/euses, initiées par les agents pénitentiaires, suivies par les cheminot.e.s et dans certaines régions par les éboueurs, les agents communaux, ou encore les enseignant.e.s, se sont essoufflées. Et la grève générale du 24 juin prévue de longue date dans le plan d’actions syndical n’y a pas changé grand-chose. Alors, bonnes vacances et rendez-vous le 29 septembre pour la prochaine manifestation? C’est apparemment le scénario qui se dessine devant nous.
Pourtant, il n’est plus à démontrer que les plans d’actions avec des mobilisations espacées de plusieurs semaines voire de plusieurs mois ne mènent nulle part. Pas plus que la revendication d’un retour à une hypothétique «vraie concertation». Le dégoût exprimé par certain.e.s militant.e.s après une longue lutte ayant mené à l’impasse, faute d’un débrayage coordonné avec d’autres secteurs, en dit long sur les conséquences de la tiédeur des directions syndicales.
Cette année nous célébrons les 80 ans des congés payés, arrachés à la suite de grèves générales massives en France et en Belgique [lire notre dossier en pages 17 à 21]. Pourtant un acquis aussi basique que la semaine de 40 heures est aujourd’hui remis en cause par le gouvernement avec le projet de loi Peeters, la version «suédoise» de la loi Travail [lire ici].
Sécuritaire et néolibéralisme: le seul projet de l’UE
En Belgique et en France, ces projets de loi Travail font partie de l’offensive européenne de démantèlement des droits des travailleurs/euses. L’Union européenne, institution au service des intérêts des classes dominantes du continent, n’a pour unique projet que le néolibéralisme et la guerre en règle contre les travailleurs/euses [lire en page 7]. Passée la surprise du vote en faveur du Brexit [lire ici], les seules propositions qui émergent pour «redonner un sens à l’Europe» ne font que réaffirmer le pathétique «projet européen». François Hollande le résume à lui seul: «Sécurité, la protection des frontières, la lutte contre le terrorisme, la capacité à pouvoir nous défendre ensemble», sans oublier la sacro-sainte croissance avec le «soutien à l’investissement». Le «projet européen» concocté par les classes dominantes se résume donc à ceci: sécuritaire et néolibéralisme.
Cette politique va droit dans le mur. Il est urgent d’opposer une alternative de gauche à l’Europe du capital, sans quoi les mouvements réactionnaires (en Angleterre, en France et ailleurs) continueront de tirer les marrons du feu en surfant sur la peur, le repli et la xénophobie.
Au-delà des échéances électorales
Dans ce contexte, et comme si ce n’était pas suffisant, les élections du 26 juin dans l’État espagnol ont elles aussi amené leur lot de déceptions. Le Parti populaire en est sorti vainqueur et la coalition Unidos Podemos n’a pas réussi à dépasser les sociaux-libéraux du PSOE. L’entretien que nous publions dans ce numéro [p. 28-29] a été réalisé avant le scrutin, il revient sur l’alliance entre Podemos et les communistes d’Izquierda Unida.
Un des premiers constats que nous pouvons faire, c’est qu’un projet de transformation sociale ne peut reposer sur des espoirs électoraux déconnectés d’une mobilisation massive. Comme le signale le communiqué d’Anticapitalistas du 28 juin, il est nécessaire de déployer l’unité électorale sur le terrain social et des résistances. Afin de créer une alternative pour les classes populaires, utile pour les mouvements sociaux, de rupture et dans la diversité.
Cette tâche est vraie pour nos camarades de l’État espagnol mais elle est tout aussi vraie pour nous-mêmes, et elle ne peut être qu’européenne. Au projet européen néolibéral et sécuritaire, nous devons opposer le projet d’une autre Europe solidaire, juste et généreuse. Au rejet nationaliste et xénophobe de l’Europe, opposons un projet internationaliste, ouvert et tolérant.
Nos aïeuls ont conquis les congés payés de haute lutte, à nous aujourd’hui de défendre de haute lutte ce qu’ils/elles nous ont légué. Mais à nous aussi de lutter pour de nouvelles conquêtes sociales, pour un nouveau projet de société. N’exigeons pas seulement le retrait des lois travail, battons-nous pour la réduction du temps de travail. L’histoire continue, et nous sommes celles et ceux qui la font!
Edito publié dans La Gauche #78, juillet-août 2016.