La violence des attaques du gouvernement Di Rupo contre le monde du travail ne rencontre pas une résistance syndicale digne de ce nom. Loin d’aller crescendo, le soi-disant « plan d’action » élaboré par les états-majors syndicaux apparaît de plus en plus clairement comme une succession d’événements visant à « occuper les troupes » en attendant l’été. Si certains de ces événements ont été des réussites du côté francophone, traduisant une vraie volonté de mobilisation (notamment les actions en défense du statut des employé-e-s, le 25 avril, et la grosse manifestation de Charleroi, le 29 avril, qui a réuni plus de 10.000 personnes), le bilan d’ensemble est négatif, au point que certains désignent ceux qui ont conçu ce plan comme des « organisateurs de défaite ». La colère grandit donc parmi les militants. C’est notamment le cas à la FGTB, où nombreux sont ceux qui considèrent que les cinq points dits « de rupture » ont déjà été franchis par le gouvernement, sans que l’organisation syndicale en tire les conclusions qui s’imposent en termes de lutte et de rupture de la concertation. Nous publions ci-dessous un article de notre camarade Farid Khalmat dans lequel il se penche sur les « plans d’action » syndicaux, ainsi que deux documents qui expriment clairement cette colère grandissante. Le premier document est un tract émanant de syndicalistes verviétois-e-s qui ne mâchent pas leurs mots: « Ce gouvernement organise l’appauvrissement des travailleurs, des chômeurs, des allocataires sociaux. Il protège l’enrichissement des plus riches et défend les intérêts des banques et des institutions financières qui nous ont tous mis dans la merde ! (…) La coalition MR-CdH-PS a mis le patronat dans un fauteuil. Elle ne sert plus que les intérêts des employeurs en sacrifiant le pouvoir d’achat, la sécurité et l’avenir de sa population. » Le second document émane d’une instance de la FGTB: il s’agit d’une motion unanime du Comité exécutif de la FGTB de Charleroi-Sud Hainaut. Elle confirme la ligne politique développée depuis le Premier Mai 2012 (l’appel à une alternative politique anticapitaliste à gauche du PS et d’ECOLO) et appelle « toutes les articulations de la FGTB » à la rejoindre dans ce combat. Le débat politique de fond que certains croyaient pouvoir isoler, voire étouffer, est relancé de plus belle… – LCR
Vous avez dit plan d’action?
Par Farid Khalmat … ça ressemble à de l’action, c’est doré comme de l’action, mais ce n’est pas de l’action… Vous connaissez certainement l’original de ce slogan publicitaire qui semble avoir inspiré nos directions syndicales quand elles ont « élaboré » leurs plans d’action. On est en droit de se demander si on veut nous mettre à l’action ou si on veut nous mettre en bouteille… Qu’attendent les syndicats ? Force est de constater qu’on est bien loin de ce qui était demandé par la plupart des militants : un plan de mobilisation crescendo. A la FGTB par exemple, au cours d’un Comité fédéral de décembre dernier, on avait déterminé cinq points de rupture, cinq balises que le gouvernement n’a pas hésité à dépasser ! Premier dépassement flagrant, le gel des salaires. Deuxième rupture : non content de les geler pendant la durée de feu l’AIP, le gouvernement va légiférer pour pénaliser les secteurs ou les entreprises qui auraient le culot de négocier des augmentations. Le gel des salaires se double donc d’une atteinte à la liberté de négocier. Troisième rupture : l’index qu’on vient de manipuler en dehors des périodes prévues pour sa révision. Tout ceci s’ajoutant aux dégâts terribles que vont faire les mesures en matière de chômage, en matière d’accès à la prépension et à la pension. On attend le même zèle du gouvernement pour interdire les bonus, et limiter les dividendes…
Un plan d’action ? Le minimum syndical ? Les militants sont de plus en plus sceptiques, eux qui « n’acceptent plus d’encaisser les coups répétés sans réagir à hauteur des agressions » (tract élaboré par des militants de la FGTB Verviers). Et il y a de quoi être sceptique ! Dans son plan d’action, outre les manifestations régionales (Charleroi et Tournai qui ont déjà eu lieu, Ostende le 30 mai), la FGTB propose une panoplie d’actions qui n’en sont pas : l’édition d’un dépliant sur la fiscalité qui devait soutenir une action symbolique, finalement annulée à cause de la météo ! Et le summum de la combattivité, un projet de lettre ouverte adressée au gouvernement sur le pouvoir d’achat, l’emploi, la fiscalité et le statut employé/ouvrier. Pas de quoi effrayer les patrons et le gouvernement. La CSC et la FGTB semblent s’être mis d’accord sur une manifestation « massive » pour le 6 juin mais les deux organisations syndicales ne manifesteront pas sur les mêmes objectifs. Quand à La CGSLB elle estime l’action « prématurée »… Tout semble donc fait pour « lâcher un peu de pression » dans le cadre d’objectifs vagues et sans véritable mobilisation en profondeur. Bref de quoi décourager un peu plus les militants qui croyaient « accentuer toujours plus la pression sur le gouvernement et le patronat ». Réagir tous ensemble Depuis la mise en place de ce gouvernement d’austérité, les travailleurs ont démontré qu’ils gardaient un haut degré de mobilisation. Malgré les coups reçus, notamment en matière d’emploi, les actions, même trop vagues et trop rares, ont été bien suivies. Il existe aujourd’hui une couche de militants qui se sont peu à peu radicalisés et échappent à l’emprise des vrais/faux amis politiques. Il leur appartient de lancer une dynamique de combativité pour entrainer les organisations syndicales dans une riposte digne de ce nom.
Motion du Comité Exécutif de la FGTB Charleroi-Sud Hainaut
Réuni ce mercredi 22 mai 2013 pour envisager les suites à donner à l’appel du 1er mai 2012, le Comité Exécutif de la FGTB Charleroi-Sud Hainaut, à l’unanimité : — réitère son appel du 1er mai 2012 à un rassemblement politique large, à gauche du PS et d’Ecolo, dans le but de présenter une véritable alternative anticapitaliste ; — considère que l’actualité depuis un an, aux niveaux belge et international, ne fait que renforcer la nécessité et l’urgence de cette alternative ; — réaffirme sa totale indépendance par rapport à quelque parti politique que ce soit ; — confirme, si besoin en était, qu’à aucun moment notre organisation n’a souhaité se transformer en parti politique ; — invite le PS et Ecolo, s’ils se retrouvent dans cet appel, à rejoindre l’initiative ; — met en garde contre l’agressivité croissante de la droite et du patronat dont les attaques visent à affaiblir radicalement le mouvement syndical ; — en appelle à toutes les articulations professionnelles et interprofessionnelles de la FGTB pour qu’elles s’inscrivent dans cette dynamique nouvelle, porteuse d’espoir pour le monde du travail ; — charge les instances de la FGTB Charleroi-Sud Hainaut d’élaborer un programme et un plan d’actions anticapitalistes durables.
Photo : LCR