Le ministre de l’Emploi Kris Peeters (CD&V), ex-dirigeant de l’UNIZO pendant plus de 10 ans (l’organisation patronale qui regroupe les chefs de petites entreprises et de PME de Flandre et de Bruxelles) entend lancer un grand chantier pour « moderniser l’emploi ». Chaque syndicaliste averti comprend tout de suite ce que signifie « modernisation » dans la bouche d’un ex-dirigeant patronal : flexibilité accrue, baisse des salaires, emploi plus précaire, absence de droits syndicaux, etc.
Flexibilité accrue = précarité accrue
Dans ce cadre, Kris Peeters a soumis aux syndicats et aux organisations patronales un projet de loi visant à flexibiliser le travail à temps partiel (1). Actuellement les travailleurs à temps partiel reçoivent leur horaire de travail 5 jours à l’avance. Peeters veut réduire ce délai à 24 heures ! Autrement dit, le salarié à temps partiel serait pendu à un clou en attendant que son patron l’appelle (même par SMS) pour venir travailler ! Et c’est alors impossible de combiner un emploi à temps partiel avec un autre temps partiel puisqu’on ne connaît son horaire que la veille.
De plus, le contrat de travail à temps partiel ne mentionnerait même plus le nombre d’heures de travail, ni les horaires. Comme le nombre d’heures n’est pas mentionné, il n’y a donc plus d’heures complémentaires (ni de sursalaire). La loi impose que tous les horaires de travail figurent au règlement de travail d’une entreprise et que celui-ci doit être adopté à l’unanimité (donc y compris par les délégués du personnel). La dérogation prévue Kris Peeters aurait-elle pour conséquence de court-circuiter les Conseils d’entreprise ? De toute façon à l’Unizo ils s’en foutent car ils ne savent même pas ce qu’est un Conseil d’entreprise dans la mesure où on n’organise pas d’élections sociales dans les PME !
Attention, l’Unizo et Peeters sont de mèche !
Le projet Peeters prévoit que l’employeur ne peut faire venir travailler le salarié pour moins de 3 heures par jour et que le travail hebdomadaire ne peut pas être inférieur à 1/3 de la durée hebdomadaire du travail. L’Unizo a déjà réagi en déplorant ces deux limitations. Attention au piège car Peeters et l’Unizo sont de mèche ! Devant la surenchère de l’Unizo, Peeters fera sans doute mine de « couper la poire en deux » en imposant son projet dans sa version initiale qui ressemble drôlement à ce qui existe en Grande-Bretagne (contrat zéro heure) et aux Pays-Bas (contrat Flex).
Temps partiel : 81% de femmes !
On imagine les dégâts que provoquerait la mise en application d’un tel contrat zéro heure dans les secteurs où le travail à temps partiel est largement répandu (la distribution, le nettoyage, le commerce de détail, la restauration). De surcroît, 81% des emplois à temps partiel concernent les femmes (2). Les travailleuses seraient donc touchées de plein fouet par ce projet en matière de « modernisation » du travail à temps partiel. Et on imagine toutes les pressions patronales possibles sur les travailleuses (y compris les hommes) qui dépendraient du bon vouloir de leur employeur pour conserver leur nombre d’heures de travail.
Flexibilité des précaires = surexploitation générale
L’attaque qui se prépare contre les travailleuses à temps partiel concerne l’ensemble du monde du travail. Car un patron fera plus facilement pression sur le personnel en situation précaire (temps partiel, intérimaire) pour augmenter les cadences de travail, accroître l’exploitation et ensuite imposer à l’ensemble du personnel des normes de travail plus élevées. Il est donc vital d’informer largement tous les salarié/es sur les dangers de la proposition Peeters. Et les élections sociales sont une excellente occasion de le faire !
Et en cas de grève ?
Le personnel à temps partiel qui participe à une grève ne risque-t-il pas, par la suite, de subir des représailles patronales sous la forme de réduction du nombre d’heures de travail ? Comme le soulignait Tony Demonte, Secrétaire Général Adjoint de la CNE, lors d’une récente conférence de la Formation Léon Lesoil sur la défense du droit de grève : « Aujourd’hui les conditions dans lesquelles on fait grève n’ont plus rien à voir avec la période des années 60 où quasiment tout le monde avait un CDI. De nos jours, de nombreux travailleurs précaires n’osent pas faire grève (les intérimaires, les CDD, les consultants, les cadres). C’est la raison pour laquelle les piquets de grève sont plus nécessaires que jamais. S’il n’y pas de piquet, un travailleur précaire ne pourra pas justifier à l’employeur pourquoi il n’est pas venu travailler. »
Dans ces conditions d’extension du travail précaire, il n’est donc pas étonnant que le patronat et ses hommes de mains (MR, N-VA, Open VLD, CD&V) concoctent un projet pour interdire les piquets de grève.
(1) L’Écho, 3 mars 2015
(2) Travailler à temps partiel (brochure de la CNE).
Source : La Gauche n°76