Intervention de Roxanne Mitralias à l’école anticapitaliste le 17/03/2013
Introduction : Pourquoi s’intéresser à l’agriculture et l’alimentation ?
Parce-que tout simplement, sans cultiver la terre et sans manger, un autre monde n’est pas possible. N’oublions pas que dans les pays en crise, se nourrir redevient une priorité absolue.
Parce-que cette thématique est à cheval entre travail et nature (on produit depuis la nature avec elle), elle se situe donc entre social et écologique, elle combine revendications immédiates et projet émancipateur (demander de plafonner les aides de la PAC, c’est privilégier les modes de production plus respectueux de l’environnement par exemple). C’est une bataille globale mais se décline aussi en expériences locales (paniers de légumes, coopératives alimentaires…). Enfin elle est sectorielle (puisque il s’agit d’un combat syndical dans la paysannerie) et en même temps concerne l’ensemble de la population quand il s’agit d’alimentation.
La question agricole n’est donc pas uniquement une question écologique, elle touche des travailleurs, certes plus si nombreux dans le Nord, mais très majoritaires dans le Sud. Je vais essayer de développer en quoi on peut tirer un bilan très négatif de l’industrialisation du travail agricole en termes d’exploitation et d’aliénation, et les implications de ce constat pour notre projet éco-socialiste. Aussi je m’attarderais sur les aspects, les innovations dans le monde agricole qui questionnent ce même projet : démocratie, propriété privée, relocalisation de la production, l’agriculture est un laboratoire plein de richesses !
Industrialisation du travail agricole
Depuis les années cinquante, après guerre on assiste à l’industrialisation du travail agricole, ce qui a des conséquences désastreuses.
- une fracture de classe au sein de la paysannerie apparaît clairement: disparition des petites fermes et énormes disparités entre petites et grandes exploitations et pauvreté dans les populations paysannes du Sud (ce sont les paysans ou anciens paysans dans le Sud qui sont les plus pauvres).
En France par exemple on assiste à une chute vertigineuse du nombre d’exploitations: de 2 millions en 1955 on est passés à moins de 300000 aujourd’hui.
Ce phénomène s’accompagne d’une concentration des terres et du capital : moins de fermes signifie nécessairement que celles qui restent tendent à être plus grandes : En 1955, 80% des exploitations comptaient moins de 20 hectares de superficie agricole utilisée (SAU) et 0.8% seulement occupaient plus de 100 hectares. En 2000, 12% des exploitations dépassent 100 hectares et occupent 46% de la SAU. 30% d’exploitations comptent moins de 5 hectares mais représentent 1.5% de la SAU totale. Les disparités sont donc de plus en plus marquées, entre les grandes et les petites fermes, il s’agit de deux mondes qui se côtoient mais n’ont absolument pas les mêmes intérêts. Entre une exploitation de montagne, qui dégage un très petit revenu, et les céréaliers businessmen des plaines céréalières, il n’y a que le mythe de l’unité du monde agricole qui peut les rapprocher.