Formé après plus de cinq cents jours de crise politique, le gouvernement Di Rupo était en quelque sorte, comme l’a dit un journaliste, un gouvernement de « salut national ». L’expression doit être comprise ici au sens marxiste : on nous a dit que nous étions tous sur le même bateau et que nous devions « tous » faire des efforts pour éviter le naufrage du pays… sans contester le capitaine, c’est-dire les « lois » du système capitaliste et le système institutionnel qui en garantit l’application. Le « salut national » est toujours le « salut du capital ».
De fait, la menace du naufragea été agitée tant et plus pour nous faire accepter l’inacceptable : le blocage des salaires, l’exclusion des chômeuses et des chômeurs, l’allongement de la carrière, le TSCG, le maintien des intérêts notionnels déductibles, les « baisses de charges sociales des entreprises», et bien d’autres choses encore… Il fallait en passer par là, paraît-il, pour vider le bocal de la NVA et permettre aux partis traditionnels, en Flandre, de regagner le terrain perdu aux nationalistes. C’était le seul moyen, paraît-il, de garder l’index et d’éviter la scission du pays, donc celle de la sécurité sociale.
Se résigner, une fois encore ?
On nous ressert aujourd’hui le même « argument » : notre désir d’une autre politique –sociale, généreuse, écologique, féministe, démocratique – serait certes compréhensible, voire légitime, mais malheureusement irresponsable, car irréalisable dans le contexte politique actuel. Nous devrions donc nous résigner, une fois encore, au « moindre mal ». Plutôt que de voter pour ce que nous voulons vraiment, en tant que femmes et hommes de gauche, nous devrions cesser de rêver et donner nos suffrages à la « gauche de gouvernement », celle qui prétend se battre au conseil des ministres pour que notre sort ne soit pas « encore pire »… Nous devrions marcher dans les clous, sans quoi nous serions des « alliés objectifs » de Bart De Wever.
C’est un écran de fumée parce que la dite « gauche de gouvernement » n’a aucune intention de mener ne fût-ce que le début du commencement d’une politique de gauche. Même quand elle est majoritaire, cette « gauche » applique les recettes néolibérales. Elle l’a fait en Grèce, en Italie, en Espagne, au Portugal, en Allemagne, en Grande-Bretagne, et a pavé ainsi le chemin à des gouvernements de droite encore plus agressifs. Elle le refait en France, et on ne voit que trop bien, hélas, où cela mène… En Wallonie, PS et Ecolo auraient pu gouverner ensemble (42 sièges sur 75) et montrer de quoi ils sont capables, mais ils ont préféré former une coalition avec le Cdh, ce qui leur permet de se défausser sur celui-ci de leurs compromissions néolibérales.
Cependant, on ne peut nier que le discours sur le « moindre mal » fait prise, pour la simple raison que De Wever avance un programme néolibéral de combat, avec un saut d’index, une nouvelle attaque sur les fins de carrière, une nouvelle intensification de la chasse aux chômeurs-euses, le maintien du nucléaire jusqu’en 2065 et une politique encore plus répressive à l’égard des sans-papiers, notamment. Comme le panorama politique – en particulier au Nord du pays – ne permet pas d’espérer un gouvernement de gauche au niveau fédéral, tout se résume donc à une seule question : la raison commande-t-elle de choisir un gouvernement de « centre-droit » (de « centre-centre », selon Di Rupo) pour éviter un gouvernement de droite-droite… et/ou le chaos d’une longue crise politique, comme en 2010-2011? La raison est-elle du côté de celles et ceux qui nous exhortent à ne pas « perdre nos voix » ?
La réponse est non
Non, parce que le « moindre mal » renforce la droite. C’est une illusion grave de croire qu’on peut battre celle-ci en appliquant une politique néolibérale. C’est le contraire qui est vrai. Si la NVA est aujourd’hui plus forte et dangereuse que jamais, c’est parce que la stratégie du gouvernement Di Rupo a fait le jeu du parti libéral-nationaliste.
Non, parce que, le « moindre mal » est une vis sans fin. La ligne budgétaire du prochain gouvernement est déjà fixée: 13 milliards d’économies supplémentaires. Admettons que Di Rupo réussisse à reconduire son gouvernement de « salut national ». Avec la NVA à 33%, la pression pour durcir encore l’austérité augmentera, amenant le PS à accepter encore plus de mesures qui enrichissent les riches et appauvrissent les pauvres.
Non, parce que le « moindre mal » ne permet pas de prendre les mesures qui s’imposent pour arrêter la catastrophe climatique qui est en marche. Pour réussir la transition écologique dans le délai qui nous est imparti, il faudrait exproprier les secteurs de l’énergie et de la finance, supprimer les productions inutiles et partager le travail disponible entre tous et toutes, sans perte de salaire. C’est incompatible avec la gestion néolibérale.
Non, parce que le « moindre mal » affaiblit la gauche qui lutte sur le terrain pour changer les rapports de forces. Pour que le PS puisse rester au pouvoir, la droite syndicale accepte de reculer sans cesse, sacrifie toujours plus d’acquis sur l’autel du néolibéralisme, et organise des mobilisations-bidon, des promenades sans lendemains. Cette politique crée la division, sème le désarroi et détourne de la gauche les couches les plus touchées par la crise.
La raison commande de voir en face que le mouvement ouvrier est confronté à une offensive extrêmement brutale du patronat, qui utilise les institutions des Etats et de l’Union Européenne pour remettre en cause tous les acquis sociaux et démocratiques. Ces acquis arrachés par la lutte ne peuvent être défendus que par la lutte.
La raison consiste à admettre que le « moindre mal » fait le jeu de l’adversaire. Pour faire face et se défendre, les travailleurs et travailleuses ne peuvent compter que sur leur nombre, sur leur solidarité et sur leur unité dans le combat, par-delà les frontières. Le « moindre mal », c’est le naufrage assuré.
La raison exige d’opter résolument pour une stratégie d’opposition qui vise à rassembler les 99% en impliquant chacun et chacune dans les luttes et en faisant converger les mobilisations. Une stratégie de long terme. C’est seulement par une telle stratégie qu’on pourra s’opposer à la régression sociale, construire une hégémonie en faveur d’une autre politique et, en fin de compte, créer les conditions d’un gouvernement du monde du travail pour l’appliquer. En Flandre, en Belgique et en Europe.
PTB-GO, seule vote utile à gauche
Nous sommes pleinement d’accord à cet égard avec ce passage du message de Premier Mai du président du PTB, Peter Mertens :
« Aujourd’hui, la gauche doit avoir le courage de développer une contre-stratégie pour combattre la crise et la politique néo-libérale. Aujourd’hui, la gauche doit avoir le courage de ne pas s’asphyxier dans une politique de gestion de crise menée par des politiciens professionnels qui, pour 6 000 à 11 000 euros par mois, prennent des décisions concernant tous ceux qui doivent se débrouiller avec beaucoup moins. Ce n’est qu’avec un large mouvement d’émancipation que nous pouvons relever les défis de demain : une alternative à la crise, la lutte contre la pauvreté, une vraie redistribution de la richesse, des emplois stables et durables pour les jeunes, une justice équitable sans passe-droits ni privilèges, et une politique durable du climat hors des mains du marché. »
L’enjeu des élections du 25 mai doit être vu dans le cadre de cette contre-stratégie de long terme. L’enjeu des élections du 25 mai, pour la gauche, est de faire élire des représentant-e-s qui relaieront les luttes et les revendications. Cette élection sera un jalon, un encouragement aux luttes à la base et un message d’espoir pour tous ceux et toutes celles qui aspirent à un avenir meilleur. Ce jalon, cet encouragement et ce message ne peuvent se concrétiser qu’en votant pour des candidat-e-s sur les listes PTB-GO (Gauche d’Ouverture).
PTB-GO, la seule alternative au moindre mal, le seul vote utile pour la gauche.