Le couperet est tombé ce mercredi matin, 11 juin : la direction du Groupe Delhaize a annoncé son plan de restructuration pour faire face à la concurrence. Celui-ci était à peine divulgué que l’action Delhaize en Bourse augmentait de 1,42% pour se fixer à près de 53 euros !
Ce plan, qualifié par la direction de « plan de transformation », implique la fermeture programmée (à tout le moins la fin de l’exploitation en propre) de 14 supermarchés « non rentables » (1 à Bruxelles, 5 en Wallonie et 8 en Flandres) et la suppression de 2500 emplois (chez les employés) sur les quelque 14 878 emplois (ouvriers, employés et cadres) que compte le Groupe Delhaize en Belgique. Les pertes d’emploi toucheraient bien d’autres magasins que les 14 supermarchés condamnés.
Haro sur le coût salarial !
Pour justifier ce « plan de transformation », le CEO de Delhaize Belgique a déclaré : « Delhaize Belgique doit faire face à un handicap de coûts structurels croissants liés aux conditions de travail et de rémunérations ». En d’autres termes, les employés de chez Delhaize seraient mieux payés que chez la concurrence (de l’ordre de 16% à 30%) ; l’évolution salariale, plafonnée dans d’autres chaines de distribution, est, chez Delhaize, en évolution jusqu’à la pension et même les pauses sont rémunérées… ! Petite précision : de nombreux employé-e-s travaillent à temps partiel et n’ont donc droit qu’à une pause par jour !
« Il faut comparer ce qui est comparable », rectifie Myriam Delmée, vice-présidente du Setca. Si l’on compare le salaire d’un employé de caisse qui a 5 ans d’expérience chez Carrefour, Colruyt ou Aldi, l’écart avec Delhaize varie entre 2% et 3% ». Delphine Latawiec , secrétaire permanente CNE, ajoute même : « un employé est mieux payé chez Colruyt, à ancienneté égale ; toutefois, les pauses n’y sont pas rémunérées ».
Le diktat actionnarial !
Delhaize Belgique se porte bien. En 2013, il déclarait un chiffre d’affaires de 5,1 milliards d’euros (+ 3% par rapport à 2012), avec un bénéfice d’exploitation de 198 millions d’euros (+1%). Le groupe Delhaize s’est montré très généreux pour plusieurs de ses managers en partance : indemnités de départ, bonus et parachutes dorées pour un montant total de 19 millions d’euros ! De quoi ramener l’apaisement au sein du personnel de Delhaize !
Le groupe Delhaize a profité également des largesses fiscales belges. Pour ne prendre que les derniers chiffres, le Groupe a bénéficié d’une ristourne fiscale de près de 140 millions d’euros, pour atteindre un taux d’imposition de …0,15%.
Alors, quelle serait bien la raison fondamentale de ce « plan de transformation » de Delhaize, de ce bain de sang social programmé ?
Petit indice : les actionnaires du Groupe ont déjà voté entre eux une augmentation de leurs dividendes de plus de 11% en 2013.
Le premier actionnaire de Delhaize qui est, à l’heure actuelle, le fonds (spéculatif) d’investissement anglo-saxon Silchester (avec 10% du capital) a, comme les autres Fonds actionnaires de Delhaize, l’œil sur le titre Delhaize coté à la Bourse de Bruxelles. Titre qui a fait un bon 30% de hausse depuis le début de l’année…grâce aux performances du Groupe aux Etats-Unis. La branche belge est moins « performante ». Il faut faire le ménage. Le coup de ballet ne va pas, vous pensez bien, se faire sur le staff directionnel qui, selon des délégations syndicales et les multiples témoignages du personnel, a multiplié les « erreurs stratégiques », mais bien sur les employé-e-s.
Ne pas se laisser enfermer dans la procédure Renault
Les travailleurs de Arcelor-Mittal en savent quelque chose. Que pèsent les études, les arguments, les concertations face à la « logique » capitaliste » !
La déclaration de l’administrateur délégué de la Fédération belge des entreprises de distribution, Dominique Michel, en dit long à ce propos : « Je l’ai dit aux politiques, si vous ne faites rien d’ici la fin de la législature en 2018-2019 pour baisser les charges salariales, 30 000 emplois sont menacés dans le secteur. Les faits me donnent déjà raison ».
Les débrayages spontanés dans de nombreux magasins Delhaize, suite à la « stratégie de choc » de la direction montrent la voie. C’est dans l’élaboration, tous ensemble, d’une « stratégie de lutte », sur des objectifs concrets – en premier « pas de licenciements, pas de démantèlement », que peut naître et se renforcer l’espoir de vaincre.
Ensemble ! « Nous sommes tous solidaires », témoigne Gianni Centrella, délégué syndical CNE. A l’heure qu’il est, nous avons tous une épée de Damoclès au-dessus de notre tête ». Anastasio Herrera, délégué syndical Setca, renchérit : « Quatorze magasins, cela ne représente pas 2 500 personnes. Il y aura donc d’autres victimes ».
Denis Horman
Soutien aux travailleu.r.se.s de chez Delhaize
Après l’annonce de la suppression de 2500 postes et la fermeture de plusieurs magasins, je me suis rendu hier à celui de Tubize. Les travailleurs avaient installé un piquet de grève devant le magasin dont les portes étaient fermées.
Ils/elles m’ont raconté qu’a leur arrivée, le matin pour commencer la journée de travail, on leur avait annoncé la fermeture de leur magasin.
Plusieurs travailleu.r.se.s ont expliqué avoir senti venir les choses. Depuis plusieurs mois, les commandes ne venaient plus, les rayons n’étaient pas remplis et les clients se plaignaient. La direction engageait de plus en plus des jeunes avec des contrats précaires de 2 ans pour pouvoir les licencier facilement.
Les délégués syndicaux étaient victimes de pression et parfois de chantage. La direction a même été jusqu’à proposer à un délégué syndical une promotion (chef de rayon). En échange il devait renoncer à son affiliation au syndicat.
A les comprendre, tout a été préparé minutieusement depuis longtemps pour en arriver à fermer le magasin et supprimer des emplois. A Tubize ils/elles seront 60 travailleu.r.se.s (120 il y a 40 ans) victimes de la barbarie du capitalisme.
Pour les magasins qui ne sont pas fermés, plusieurs personnes nous ont confié qu’ils/elles avaient reçu l’annonce de la réduction de leur salaire.
La LCR/SAP et les JAC/JAK souhaitent exprimer toute leur solidarité envers les travailleu.r.se.s de chez Delhaize. Nous sommes prêts à mobiliser et les accompagner dans toutes les action qu’ils/elles souhaiteront entreprendre pour éviter ce bain de sang social.