Au moment de l’Independence de l’Algérie D.Berger et ses amis de La Voie Communistedécident de soutenir Mohamed Boudiaf et son Parti de la Révolution Socialiste, plutôt que Ben Bella. Le groupe suit de près les événements en Algérie indépendante, mais s’intéresse aussi aux critiques chinoises à la politique soviétique, qui commencent à s’exprimer à cette époque. Cette question provoque des tensions internes, et en 1965 le groupe éclate, avec le départ de Felix Guattari et plusieurs autres. D.Berger – avec quelques proches – continue à publier un bulletin, bien plus modeste, intitulé « La Voie ».
Pendant les années qui suivent, il s’investit surtout dans le Comité Vietnam National et dans le Tribunal Russel contre les crimes de guerre au Vietnam, deux organisations où il exerce des fonctions de secrétaire. Il participe aux séances du Tribunal Russel à Stockholm et Copenhagen, ainsi qu’à une mission d’enquête – composée entre autres par le dirigeant noir américain Stokely Carmichael et Mehmet Ali Aybar du Parti Ouvrier Turc – envoyée par celui-ci au Vietnam en été 1967.
En mai 1968 il prend part aux événements sans jouer un rôle particulier. Après l’éphémère tentative de publier la revue Front (avec le soutien du FLN algérien) en 1969-70, D.Berger et ses amis de « La Voie » – dont sa compagne, Michelle Riot-Sarcey – décident, en 1971, d’adhérer au Parti Socialiste Unifié, où ils s’intègrent dans le courant marxiste-révolutionnaire animé par Jean-Marie Vincent et Jacques Kergoat. Lorsque en 1972 la plupart des militants de cette tendance décident d’adhérer à la Ligue Communiste Révolutionnaire, Denis Berger quitte lui-aussi le PSU, mais n’adhère à l’organisation trotskyste que trois ans plus tard (1975).
Devenu chargé de cours à temps plein au département d’Economie Politique de l’Université de Paris 8 (Vincennes) en 1972, il milite à la cellule de la LCR dans cette université, en compagnie de Jean-Marie Vincent et d’Henri Weber. Il participe au comité de rédaction de la revue de la Ligue,Critique Communiste et contribue à la formation – avec Michel Lequenne – en 1977, d’un courant oppositionnel dans la LCR, la T-3 (Tendance Trois). Ses principaux désaccords avec la ligne de l’organisation concernent la stratégie de construction du parti, et la conception trotskyste classique sur la nature de l’URSS. Lorsque D.Berger, Michel Lequenne, J.M.Vincent et d’autres rédacteurs de Critique Communiste condamnent l’invasion soviétique en Afghanistan, ils se verront infliger un « blâme » par la direction de la Ligue. Lors du départ de plusieurs militants de la T-3 en 1985, il quitte de façon discrète la LCR, mais contrairement à la plupart de ces camarades, ne rejoint pas le parti Vert.
A partir de cette date, D.Berger n’appartient plus à aucun organisation politique, mais continue à avoir des activités politiques et syndicales (il est militant du SGEN depuis 1972). Devenu assistant au département de Sciences Politiques de l’Université de Paris 8 en 1982, il passe son doctorat en 1988 avec une thèse intitulée « Les partis politiques : essai méthodologique. Le cas du PCF », sous la direction de J.M.Vincent et est élu maître de conférences en 1989.
Si dans le passé ses écrits prenaient surtout la forme d’articles de revues et journaux, il publie à partir de cette date deux ouvrages qui auront un certain retentissement dans l’opinion de gauche : Le spectre défait. Le fin du communisme?, (1990) et, avec Henri Maler, Une certaine idée du communisme. Répliques à François Furet(1996). Il participe aussi à plusieurs ouvrages collectifs et est un des fondateurs (1990) de la revue Futur Antérieur . Récemment, renouant avec son passé de communiste oppositionnel, il participe à la rédaction du journal du courant communiste refondateur du PCF, Futurs.
ŒUVRES : Le spectre défait. Le fin du communisme?, Paris, Editions Bernard Coutaz, 1990; avec Henri Maler, Une certaine idée du communisme. Répliques à François Furet , Paris, Editions du Felin, 1996. Participation aux ouvrages collectifs Permanence de la Révolution (Editions la Brèche, 1989), Femmes, Pouvoirs(Kimé, 1993), Démocratie et Représentation (Kimé, 1995), Marx après le marxisme(L’Harmattan, 1997) et Faire Mouvement (PUF, 1998).
SOURCES: Hervé Hamon, Patrick Rotman, Les porteurs de valises. La résistance française à la guerre d’Algérie, Paris, Albin Michel, 1979; Ali Haroun La Septième Willaya, Paris, Seuil, 1986. Entretien avec D.Berger, novembre 1998.
Cet hommage a été publié sur le blog de Michael Löwy sur Médiapart
Mon ami, mon camarade Denis Berger est mort
Par Salhi Chawki
J’ai rencontré Denis berger à Paris en 1974, il avait, comme Mohamed Harbi, contribué aux conférences publiques de notre syndicat étudiant de l’époque : l’AGEAP (l’association des étudiants algériens de Paris), heureux de rencontrer de jeunes marxistes venus d’une Algérie qui avait été importante dans sa vie, surpris d’apprendre que nous avions construit en Algérie un noyau marxiste révolutionnaire sans aucune filiation avec les combats de sa génération. Il était loin d’être envahissant et encore moins paternaliste
Militant de la quatrième internationale, il avait participé à l’expérience entriste au sein du PCF et aux solidarités internationales menées par les oppositionnels du parti (yougoslavie, algérie). Mais trés vite il continuait son activité de façon indépendante autour du bulletin voix communiste.
C’était un militant marxiste révolutionnaire à la vie foisonnante. Homme de réflexion, rédacteur de nombreuses analyses, il était aussi un homme d’action. Il avait soutenu la guerre de libération du peuple algérien, et de quelle manière, organisant notamment des évasions de militants et de cadres du FLN. Il m’avait raconté sa déception lorsque par deux fois il a failli faire évader les célèbres emprisonnés et par deux fois, une « imprudence » de Ben Bella avait compromis l’opération.
A l’indépendance, il s’était investi dans l’aide politique au PRS (parti de la révolution socialiste) de Boudiaf et avait notamment contribué aux textes de sa première époque.
Lorsqu’en 1975, il retourne à la quatrième internationale et rejoint la LCR, la déclaration de leur groupe est brève mais puissante. De mémoire je dirai que la trame en était… Nous avons divergé sur l’importance de l’organisation, l’Histoire a tranché : nous sommes quelques uns et la LCR rassemble plusieurs milliers de militants… Tout de suite, il s’investit dans les débats passionnés de l’époque pour mieux comprendre sa société, l’URSS… pour mieux savoir comment agir comment se construire.
Il quittera son organisation dix ans plus tard mais restera actif. Mon camarade Michael Loewy disait de lui : « Malgré la grande diversité de ses engagements politiques et organisationnels successifs et souvent éphémères, l’adhésion à un communisme de gauche, antistalinien, anticolonialiste et anti-impérialiste, donne le fil rouge de sa vie militante. »
Un héros de notre Histoire est parti, nous ne l’oublierons pas.