Selon les sondages, le PTB devient le troisième parti en Wallonie. Avec 13,5% des intentions de vote, il progresse de 8% par rapport à mai 2014, passant devant le Cdh (12%) et devant Ecolo (10,1%). L’électorat glisse à gauche: par rapport à 2014, le PS perd 6,2%, le Cdh 2% et le MR 5,7%, tandis qu’Ecolo progresse de 1,9%. Le score du PTB est moins impressionnant à Bruxelles, mais néanmoins remarquable : 7,8% (+3,8% par rapport à mai 2014).
Cette percée du PTB sème la panique dans la social-démocratie. Le PS espérait se refaire dans l’opposition, mais ça ne marche pas, au contraire: 1°) le PS ne parvient pas à faire oublier ses 25 années de gestion de l’austérité ; 2°) Elio Di Rupo s’accroche alors qu’il incarne les pires mesures de régression sociale, notamment l’exclusion des chômeurs ; 3°) le PS reste au pouvoir en Wallonie où il poursuit la même politique ; 4°) le « peuple de gauche » est écoeuré par les méfaits du gouvernement Hollande en France.
Le PS est coincé et le PTB en profite. Au parlement, les excellentes interventions des élus PTB-GO font mouche. Avec son image de parti de gauche raisonnable, axé sur la redistribution des richesses, le PTB veille à ne pas effrayer l’électorat par un programme anticapitaliste d’ensemble. La dénonciation du racisme, de l’islamophobie et de la politique sécuritaire ne sont pas non plus prioritaires à ses yeux. Cependant, en dépit de cet opportunisme, la percée du PTB est très positive: elle exprime la recherche d’une alternative portée par un parti qui ne trahit pas ses promesses.
Pour se sauver, la social-démocratie veut mouiller le PTB dans la participation au gouvernement, au nom du « moindre mal ». Réponse de Raoul Hedebouw : « Les quatre partis traditionnels francophones ont voté le traité de l’austérité européen, y compris la gauche. Dans ce cadre-là le PTB ne peut pas participer au pouvoir » (RTBF Le grand oral, 21 mai). Il précise : « Le danger, c’est de finir par accepter les règles du système. La social-démocratie est entrée dans le jeu. Le PTB reste un parti anticapitaliste, il ne croit pas que l’économie de marché résoudra les problèmes sociaux et écologiques, ni éthiques et moraux.» (Le Soir du 20 mai).
A court terme, le PTB exclut d’entrer dans un gouvernement. Il a raison, c’est un piège. Mais ce refus s’avèrera contradictoire avec son soutien de plus en plus net à la stratégie de concertation des directions syndicales (1). En effet, on ne peut pas dire d’un côté ‘non’ à la politique du « moindre mal » et de l’autre ‘oui’ à la stratégie syndicale de concertation, car la première est le complément de la seconde. En cherchant à concurrencer le PS comme ami politique des directions de la FGTB et de la CSC, le PTB s’expose donc à ce que celles-ci l’appellent un jour à « prendre ses responsabilités »… avec le PS.
David Pestieau, vice-président, confirme que le PTB n’exclut pas de participer à une coalition : « On ne va pas au pouvoir à tout prix pour avoir des postes, on veut avoir un rapport de force, pour peser sur les décisions. » Le PTB se définissait jadis comme « le parti de la révolution ». Aujourd’hui, son succès électoral l’amène à se reposer la question de la stratégie pour transformer la société. Raoul Hedebouw : « Nous devons résoudre la question stratégique pour les dix ans à venir. Les sondages sont l’expression d’une envie de gauche et de sortir du cadre libéral. Mais ce ne sont pas deux ou trois députés en plus au PTB qui changeront la donne. Avant tout, il faut créer un rapport de forces extraparlementaire. Sans cela, rien n’est possible. »
Sur la centralité de ce rapport de forces, nous sommes bien d’accord, c’est l’abc de l’anticapitalisme. Mais comment articuler lutte extraparlementaire et percée politique sans contester la stratégie des directions syndicales… qui cadenassent la lutte extraparlementaire ? Raoul Hedebouw en appelle à « l’esprit du Front populaire » : « Mai 1936, dit-il, avait été le point de départ d’un mouvement splendide en Belgique et en France, qui allait générer le Front populaire, qui ira chercher les 40 heures semaine, les congés payés…».
Or, ce n’est pas le Front populaire qui a décroché les 40 heures et les congés payés, mais la vague de grèves spontanées avec occupation des entreprises. Ouvrant une situation pré-révolutionnaire, elle a débordé les bureaucraties syndicales et le Front populaire s’y est opposé. Le secret des victoires ouvrières, c’est l’auto-activité et l’auto-organisation des exploité-e-s et des opprimé-e-s, pas les accords entre appareils. Des débats restent en effet nécessaires pour « résoudre la question stratégique »…
(1) Ce soutien s’accentue : le PTB a dit des grèves récentes qu’elles risquaient d’être « contreproductives » et il s’est démarqué de la CNE et de la CGSP wallonne qui veulent faire tomber le gouvernement.