Jessye Norman, une soprano Afro-américaine et diva, a révolté dans son temps certains amateurs d’opéra quand elle tenait le rôle d’Isolde sur la scène de Bayreuth, lieu sacré du wagnérisme. Comment une femme à la peau noire peut-elle tenir le rôle d’une héroïne germanique blanche et blonde aux yeux bleus? Comment peut-elle exprimer des sentiments romantiques allemands? Mme Norman a grandi dans une famille musicienne et non pas dans un misérable quartier du ghetto noir. La majorité des spectateurs ne se sont heureusement pas offusqués, car dans l’opéra c’est tout d’abord la voix qui compte, et Norman est une grande chanteuse. Le théâtre du metteur en scène Peter Brook prouve que si on s’intéresse au drame et aux jeux des acteurs on oublie qu’ils sont tous de couleur différente, bien que dans la vie réelle les drames classiques se jouent en général entre gens plus ou moins de la même « ethnie ». L’épopée centrale de la civilisation hindoue, le Mahabharata, mise en scène par Brook (et disponible en DVD), en est la preuve.
La même Jessye Norman, en visite dans une école de musique aux États-Unis, fut interpellée par un étudiant (noir) qui ne comprenait pas que qu’une femme noire faisait carrière dans la musique classique, l’apanage des blancs. Les noirs devaient se tenir à « leur » musique, comme le jazz. Mme Norman a gentiment répondu que la musique et les arts en général ne sont pas une question de noir ou blanc. Qu’il y a de grands musiciens blancs dans le jazz et qu’il y a aussi de grands musiciens noirs dans le « classique ». L’art, ça s’apprend, ce n’est pas un talent lié à la race et transmis par les gènes.
On retrouve ce différentialisme culturel, s’il ne s’agit pas de racisme culturel (bien que non biologique), un peu partout. Nous appartenons tous à la même espèce, l’Homo sapiens sapiens, mais les noirs sont supposés posséder le rythme à fond, les blancs sont excellents pour les maths, les Chinois sont des travailleurs assidus, etc. N’est-il pas remarquable qu’il y a tant de bons footballeurs et athlètes noirs ! La discipline des Allemands est proverbiale, les Belges sont rieurs et bon-vivants, les Français ont l’esprit cartésien… j’en passe et des meilleures. Et puis il y a la différence homme-femme, le fétiche des ennemis de la « théorie du genre », le spectre qui, comme tous les fantômes, n’existe que dans les esprits de certains imbéciles réactionnaires. Car il ne s’agit nullement d’une « théorie ». Ce qui existe ce sont des études sur le genre. Le terme « genre » est d’ailleurs une mauvaise traduction de l’anglais « gender ». Toutes ces différences que nous ne pouvons nier sont liées à des conditions sociales. Il est plus facile pour un noir en Europe ou aux USA de faire carrière dans le sport que de devenir manager d’une grande entreprise. L’exception confirme la règle. Mr. Barack Obama est devenu président-directeur-général de la gigantesque entreprise USA. Mais ce sont les actionnaires qui décident.
(La semaine prochaine : Ferme ta bouche quand tu manges !)
photo de Jessye Norman trouvée ici