Déclaration des Socialistes Révolutionnaires du 26 février 2014
En sept mois seulement, le gouvernement El-Beblawi, a été celui qui a le plus failli parmi tous les gouvernements d’échec qui se sont succédé après la révolution de Janvier 2011 :
– Il a adopté les mêmes politiques économiques et sociales défavorables aux millions d’Egyptiens, sous prétexte de soutenir l’investissement et les investisseurs.
– Ce gouvernement s’est illustré par l’extrême oppression de ses opposants avec des milliers de morts et des dizaines de milliers de détenu.e.s de toutes les tendances politiques de l’extrême- droite à l’extrême-gauche, ainsi que des assauts contre les enceintes universitaires, des meurtres et kidnapping d’étudiants.
– C’est ce gouvernement qui a également promulgué une loi qui interdit les manifestations et criminalise les sit-in et les grèves, qui a lancé la chasse contre les opposants dans les rues en les accusant de désinformation et de trahison, et a même lancé des appels aux citoyens pour les lyncher… ce qui relève du fascisme et de la tyrannie et dément la mise en place d’une soit-disante stabilité.
Après que des millions d’ouvriers et employés se soient aperçus du mensonge sur l’octroi d’un salaire minimum que le gouvernement ne leur a finalement pas accordé, une vague de grèves s’est répandue, au cours des dernières semaines, touchant différents secteurs, du textile à la santé et même les transports publics ainsi que d’autres secteurs.
C’est le rejet de la brutalité du pouvoir qui a jeté à la poubelle de l’histoire le gouvernement des assassins. Ainsi il devient plus qu’évident que la crise économique et politique profonde ne sera pas résolue par des changements de têtes, mais par des changements politiques.
Cependant la question demeure de savoir pourquoi la démission du gouvernement est intervenue maintenant ?
La raison évidente est que ce gouvernement était devenu un fardeau pour la campagne de la candidature d’Al-Sissi à l’élection présidentielle, et qu’il devenait nécessaire de se débarrasser du gouvernement El-Beblawi
La campagne qui se prépare pour promouvoir Al-Sissi comme sauveur du pays est soutenue par la coalition de la contre-révolution, composée entre autres d’hommes d’affaires de l’ère Moubarak et des résidus du PND, le parti de ce dernier.[1] Cette coalition est appuyée par l’armée, et le ministère de l’Intérieur tremble face à la recrudescence des protestations ouvrières et sociales déclenchées au cours des dernières semaines.
Complètement paralysée devant la résistance des étudiants, cette coalition ne trouve pas d’autre solution que de reporter les cours. S’efforçant de préparer la cérémonie de propulsion du « président Al-Sissi » avant que sa popularité trompeuse, préfabriquée par leurs médias mensongers, ne s’érode, elle se trouve contrainte de sacrifier El-Beblawi et son gouvernement après qu’il ait épuisé son rôle d’absorption de la colère populaire.
L’image que veut « vendre » la coalition de la contre-révolution est qu’Al-Sissi – qui était et est toujours vice-Premier ministre pour les Affaires de sécurité, et l’homme le plus puissant dans ce gouvernement – n’est pas le principal responsable de cet échec.
Ils veulent faire passer l’idée que tous les ministres ont échoué sauf Al-Sissi, que tous les ministres de Morsi[2] ont failli et sont des traîtres, mais pas Al-Sissi ; ou encore que tous les membres du Conseil militaire de Tantawi[3] ont échoué mais pas Sissi. Et cela en essayant de le blanchir du sang des milliers de victimes tombées depuis le 25 janvier 2011 jusqu’à aujourd’hui.
Simultanément, le régime cherche à se débarrasser des éléments qui appartiennent à des partis libéraux, et qui ont été considérés auparavant comme faisant partie de la révolution de Janvier 2011. Après avoir accompli leur mission de soutien du régime actuel, l’objectif est maintenant de les discréditer auprès des jeunes de leurs partis qui se sont laissé tromper par les slogans du régime de la contre-révolution. Sous le prétexte de la guerre contre le terrorisme, celui-ci les a transformés en une arme dans les mains des militaires.
D’autre part, le régime a désigné comme Premier ministre Ibrahim Mahlab, ministre du Logement sortant et ancien conseiller politique de Gamal Moubarak au sein du PND. Ce nouveau gouvernement aura notamment pour charge de superviser des élections présidentielles et législatives grâce auxquelles des résidus du régime Moubarak pensent revenir sur le devant de la scène.
Mais la bataille n’est pas terminée. De la même façon que la colère populaire a obligé les dirigeants en place à faire ce changement de têtes et à sacrifier El-Beblawai, elle les renversera, eux et leur coalition.
Quel que soit le changement de têtes, ces dirigeants resteront hostiles aux millions de personnes qui sont sorties dans la rue pour la liberté, la justice sociale et la dignité humaine.
Rien des objectifs de la révolution de Janvier n’a été atteint et le sang de nos martyrs réclame toujours justice.
La révolution qu’ils tentent aujourd’hui de dénigrer a façonné des générations de milliers de révolutionnaires qui ne soumettront pas aux conspirations d’un régime d’échecs, de meurtres et de d’oppression. L’oppression et la tyrannie ne protégeront pas plus ce régime que le changement de têtes ne cachera ses tares. Le régime d’Al-Sissi est la continuité de celui de Moubarak, avec les mêmes politiques qui ont généré la pauvreté et l’injustice.
Des millions d’Egyptiens se dresseront contre ce régime dans les usines, dans les universités, dans les syndicats, même si certains d’entre eux avaient hissé le portrait d’Al-Sissi.
Nous rappelons à ceux qui l’ont oublié que les travailleurs qui avaient hissé des portraits de Moubarak en 2006 ont été les premiers à être piétinés en 2008 dans la ville de Mahalla. Ces travailleurs sont aujourd’hui ceux qui défient la loi interdisant les manifestations, en faisant grève et en manifestant devant le Conseil des ministres.
El-Beblawi est tombé avant même que la classe ouvrière ne déploie toutes ses capacités et énergies. Ce mouvement ouvrier émergent et en pleine croissance exige des révolutionnaires non seulement leur soutien et leur solidarité, mais aussi la lutte pour l’unifier et s’y engager pleinement pour faire face aux projets du nouveau gouvernement et du pouvoir de la contre-révolution .
Gloire aux martyrs !
Victoire à la révolution !
Honte aux traîtres !
Les Socialistes Révolutionnaires
26 février 2014
Traduction de l’arabe par Rafik Khalfaoui
Source : http://revsoc.me/-19640
[1] Le PND (Parti national démocratique) était le parti du pouvoir en place du temps du dictateur Moubarak. Il a été dissous le 16 avril 2011.
[2] Morsi, le candidat des Frères musulmans, a remporté les élections présidentielles de juin 2012. Il a été président de la République jusqu’à sa destitution le 3 juillet 2013.
[3] Le Conseil militaire dirigé par le Maréchal Tantawi a gouverné l’Egypte de février 2011 à l’été 2012.