Une campagne hystérique, ayant coûté des millions, a été menée dans toutes les provinces ainsi que dans tous les médias, pour appeler les Egyptiens à voter « oui » aux amendements constitutionnels. L’alliance qui s’est emparée du pouvoir le 3 juillet cherche ainsi à détourner le cours de la révolte populaire contre le règne failli et despotique des Frères musulmans, afin d’établir la domination d’un pouvoir militaire tyrannique soutenu par les hommes d’affaires.
Profitant du rejet des Frères musulmans par le peuple, le pouvoir a mis en avant le même slogan que Moubarak et Morsi après lui : « Moi ou l’anarchie ».
Cette Constitution n’est que la première étape d’une feuille de route, qui vise — par le biais d’une campagne médiatique orchestrée pour faire peser sur la population l’effroi d’un possible retour des Frères musulmans — à propulser le général Sissi, ou quelqu’un qui le représente, à la tête du pouvoir.
Cette Constitution est très loin des objectifs de la révolution de janvier 2011 et des vagues révolutionnaires successives l’ayant suivie, revendiquant le pain, la justice sociale, la liberté et la dignité humaine.
La nouvelle Constitution a comme but premier de consolider la position de l’armée comme Etat dans l’Etat, soumise à aucun contrôle populaire.
Le Parlement n’aura pas la possibilité de débattre du budget de l’armée, estimé à plusieurs milliards, ainsi que de ses activités économiques. Ces dernières n’ont pas d’égal dans aucune des armées du monde. Elles emploient des centaines de milliers de jeunes soumis à un quasi travail forcé.
Le budget de l’armée continuera à être présenté au Parlement sous forme d’un montant total sans aucun détail, et sera ratifié par le Conseil de la Défense dont la majorité est composée de militaires (article 203 ).
Et pour donner encore plus de poids à l’institution militaire, la nouvelle Constitution renforce le statut du ministre de la Défense : le Président élu ne pourra pas en désigner un autre sans le consentement du Conseil militaire et ses généraux (article 234).
L’armée a également insisté pour conserver l’une de ses armes préférées, à savoir le recours aux procés militaires contre tout civil osant la critiquer ou s’opposer à elle (article 204 de la honte).
En pour la bonne ambiance lors du partage du gâteau entre les alliés de la contre-révolution, la Constitution ne change rien quant au Ministère de l’Intérieur : elle ne propose pas son assainissement et sa restructuration en tant qu’institution civile. Il la maintient comme institution semi-militaire qui veille à la protection du régime, opprime le peuple et réprime les libertés.
Les hommes d’affaires qui ont soutenu les généraux avec leurs journaux et chaînes satellitaires ont été récompensés : la Constitution confirme l’orientation capitaliste du système qui sert une poignée d’hommes d’affaires qui ont pillé les richesses du pays pendant des années.
Mieux encore, la Constitution les a gâtés en permettant la privatisation de services publics tels que les transports, les chemins de fer, l’électricité et l’eau (article 32), en opposition aux intérêts des pauvres d’Egypte.
La Constitution a également confisqué les libertés syndicales. Elle liquide les syndicats indépendants pour lesquels les travailleurs ont lutté pendant des années. Elle revient des années en arrière en faveur d’une organisation syndicale unique à la solde du pouvoir, où chaque profession ne peut créer qu’un seul syndicat (article 77).
Quant aux omissions dans cette Constitution, elles sont nombreuses. La plus importante concerne l’absence d’un système de justice transitionnelle chargée de juger ceux qui ont commis des crimes contre notre peuple en matière de corruption, de pillage ou meurtre. Comment pouvons-nous espérer que la coalition des assassins et des voleurs élabore une Constitution la condamnant en premier lieu ?
Ont également été omis le droits de millions de travailleurs temporaires à un emploi stable, les droits de millions de paysans endettés, les droits des pauvres habitant les cimetières et les bidonvilles.
Quant aux augmentations cosmétiques des dépenses publiques de la santé et de l’éducation annoncées par le gouvernement, leur mise en œuvre a été reportée au budget 2016-2017 (article 238). Et qui vivra verra !
Il s’agit incontestablement d’une Constitution de la contre-révolution au même titre que celle des Frères musulmans en 2012. Les différences entre les deux textes réside dans leurs modalités, mais pas dans leur orientation anti-populaire.
Dix millions de personnes avaient voté « oui » à La Constitution des Frères musulmans. Elles pensaient ainsi rendre possible la stabilité du pays. Mais cela n’a pas épargné aux Frères musulmans et à ceux qui avaient rédigé ce texte d’être balayés par le peuple quelques mois plus tard. La Constitution actuelle, qui consacre un régime militaire de classe, ne protègera pas davantage ses auteurs.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres, le Front Chemin de la Révolution – Thuwar vous invite à voter « Non » à la Constitution de la contre-révolution. Il appelle à l’élection d’une Assemblée constituante chargée d’ élaborer une Constitution de la révolution égyptienne.
Cette dernière devra s’en tenir aux objectifs de la révolution, et mettre en place le pouvoir du peuple sur toutes les institutions, y compris l’armée dont le rôle doit se limiter à protéger et défendre les frontières loin de la politique. Une Constitution qui réalisera également la rédistribution des richesses au bénéfice des millions de pauvres Egyptiens.
Nous appelons également tous ceux étaient dans les rangs des révolutionnaires mais qui se sont laissé tromper par les mensonges du pouvoir à revoir leur position. Ils doivent ouvrir les yeux sur la propagande mensongère concernant l’élargissement annoncé des marges des libertés dans la nouvelle Constitution.
Loin de la phraséologie sur “l’indépendance du pouvoir judiciaire”, “la police protège le peuple et assure sa sécurité” et “l’Etat garantit les droits des citoyens”.
Tous ces slogans sont à l’antipode de ce que nous observons tous les jours. Ils sont violés par les pratiques quotidiennes de l’État policier et répressif.
Les objectifs de la révolution ne seront pas réalisés par ceux qui assassinent les Egyptiens, les jettent en prison et les torturent. Ses alliés d’aujourd’hui seront les premiers qu’il écrasera demain. Telle est l’habitude de tout régime fasciste.
En moins de trois ans, on a connu le renversement de Moubarak et de son clan, du Conseil supérieur des forces armées, de Morsi et sa confrérie. Malgré tout cela, le régime stupide actuellement en place essaye à nouveau de mettre les gens entre deux choix, l’un comme l’autre tyranniques : les Frères musulmans ou l’armée.
Nous sommes convaincus que le peuple parachèvera sa révolution, probablement plus rapidement que la coalition en place pourrait le penser. Même si celle-ci réussit à faire voter la Constitution, comme l’ont fait avant eux les Frères musulmans, elle ne pourra pas la protéger de la colère populaire qui brûle sous les cendres des mensonges du régime.
Non à la Constitution de l’armée et ses alliés !
Oui au parachèvement la révolution jusqu’à la réalisation de ses objectifs !
Front Chemin de la Révolution – Thuwar
06 janvier 2014
Traduction de l’arabe par Rafik Khalfaoui