Lundi 11 mars 2016 : une direction séquestrée, des bureaux et murs endommagés, mais pas l’outil de travail, la colère et le désespoir de travailleurs, menés en bateau pendant 18 mois de chômage économique et de promesses successives non tenues…Et finalement, des actionnaires qui annoncent qu’ils n’ont plus de quoi payer les salaires…Alors, c’est le vase qui déborde : c’est l’explosion de la colère, un ouvrier est même sauvé de justesse d’un suicide !
En décembre 2014, quelques heures avant de signer le plan social (prépensions, indemnités de licenciement, etc.) consécutif à la fermeture de l’aciérie de Seraing, la société allemande GMH, actionnaire de ESB, allait sortir de son chapeau un repreneur providentiel, le holding financier luxembourgeois REM, qui par la suite allait prendre le nom : Green Elephant.
Plus de plan social ! Le personnel de production de l’entreprise est mis en chômage économique, tandis que celui de la maintenance est chargé de l’entretient de l’outil.
La nouvelle direction lance un projet ambitieux qui, à terme et selon ses dires, devrait aboutir à la création de 600 emplois directs et de 500 autres indirects.
Mais, en réalité, pendant 18 mois, la centaine de travailleurs, qui restent dans l’entreprise, a été ballotée entre faux espoirs et promesses non tenues.
« J’allais être prépensionné au moment de la fermeture de l’usine en 2014, mais au dernier moment il y a eu un racheteur. J’étais content de continuer, mais, finalement, ça n’a été qu’un jeu de leur part ; les patrons nous ont menti depuis le début », raconter l’ouvrier qui a tenté de se suicider. « J’ai tout perdu depuis que nous avions été mis en chômage économique », reconnait un autre travailleur : « Cela faisait dix ans que je travaillais ici, j’ai cru à toutes les promesses de la direction. De moins en moins, quand même, au fil des mois. Etre au chômage économique m’a coûté mon couple : j’étais tout le temps stressé à la maison ».
Un autre travailleur : « Fin 2014, on avait un plan social avec prépension ou indemnités de licenciement. Aujourd’hui, je risque de me retrouver au chômage à 57 ans. Et face à nous, on a un directeur qui nous rit au nez et nous déclare qu’il n’y a plus d’argent pour nous payer, alors que, ici, un quart des gens vit avec saisie sur salaire. Elle est où la violence » ?
Les directions syndicales, tant CSC que FGTB, tout en déplorant les incidents, comprennent le coup de colère des travailleurs. Jean-Luc Rader, secrétaire régional FGTB Métal, ne cautionne pas ce qui s’est passé ce lundi soir, mais il « comprend les travailleurs et partage leur colère ». Jordan Atanasov, secrétaire régional de la CSC enchaine : « Je déplore les incidents, mais il faut garder à l’esprit que cette situation a été créée par les actionnaires. Ils ont mené les travailleurs en bateau pendant des mois, et les dégâts sont les conséquences de cette attitude ».
En fait de dégâts, une certaine presse, ne rate pas, comme d’habitude, l’occasion d’en remettre une couche : « scènes d’une violence inouïe, mise à sac par le personnel…En clair, il ne reste pas grand-chose de l’usine ». Heureusement, une autre presse rapporte le témoignage d’un travailleur de ESB : « Nous avons pris d’assaut le bâtiment administratif, mais ce ne sont jamais que des bureaux qui ont été endommagés. L’usine est toujours opérationnelle ; ce qui a été abîmé hier, ce n’est que du bardage et des murs en béton ». Et d’ajouter : « les dégâts n’ont en rien endommagé l’usine. Les outils sont entretenus convenablement depuis deux ans : si on veut, on redémarre demain » !
S’il devait y avoir recours en justice contre les travailleurs qui ont provoqué des dégâts, la solidarité active devrait prendre le pas sur toute autre considération.
En fait, comme on le laisse entendre du côté syndical, un recours en justice devrait plutôt se faire contre l’ancienne et la nouvelle direction de ESB, ces escrocs qui, sur le dos des travailleurs, ont élaboré une stratégie ressemblant singulièrement à une faillite organisée.