Somme sur la révolution espagnole, l’ouvrage de Burnett Bolloten ne raconte pas à proprement parler ce que fut la guerre, mais ce que furent les enjeux de la révolution dans cette guerre.
Comme dans les coulisses des forces qui misaient sur une révolution sociale sans commune mesure, tant elle sapait les fondements de la société bourgeoise, ce monument est fort bien organisé à partir de milliers de documents provenant de la presse. Son auteur oblige les documents, qui proviennent des multiples camps engagés, à parler : « deux cent titres différents » nous dit celui qui s’est trouvé plongé dans l’Espagne en guerre durant ses vacances de 1936…
Ce qu’il soulève avec force preuves est cette formidable duplicité des forces communistes inféodées au Kominterm. L’ouvrage y revient fréquemment, montrant les errements et le refus de prendre le pouvoir par une des forces les plus importantes du pays, les anarchistes. Le conflit ibérique fut la seule expérience où pourtant l’on vit des ministres anarchistes à leur tour contestés par leur base.
Le récit des événements de mai 1937 à Barcelone, qui précipitent le coup de main stalinien sur le conflit, comporte des passages savoureux… Les journaux rouges sont à la manœuvre pour débusquer les traîtres : « L’Humanité parle de “putsch hitlérien” et la Pravda toujours aussi éloignée de son propre nom présente le conflit “comme un putsch trotsko-fasciste”. » Ailleurs on évoqua une révolution anarchiste authentique, et la presse nationaliste décrit, elle, une révolte anarchiste contre le gouvernement…
Accumulation de preuves…
Ces journées racontées par Georges Orwell1, qui fut alors compagnon du Poum (trotskiste), sont au centre de nombreuses interprétations. « La construction de ses barricades fut un spectacle étrange et admirable » écrit-il. Même chez les anarchistes, on ne se rend compte du complot qui se trame contre le Poum. D’après Trotski, c’est à ce moment-là que tout se joue en Espagne. D’après le stratège poursuivi par Staline, « si le prolétariat s’était emparé du pouvoir en mai 1937, il aurait trouvé un soutien dans l’Espagne entière. » Oui, mais voilà les anarchistes, millénaristes, n’ont jamais voulu prendre ce pouvoir qu’ils tenaient au bout de leur fusil… Sauf quand ils sont pris en otage dans le gouvernement de Largo Caballero et servent à la fuite du gouvernement de Madrid à Valence. D’après le leader de l’UGT, Largo Caballero, « le Lénine espagnol », les anarchistes espéraient qu’il devienne président d’un état anarcho-syndicaliste.
Bolloten lui-même raconte comment il avait adopté dès le début le point de vue communiste, en tant que correspondant de l’agence United Press. L’avantage qu’il prend contre ses détracteurs réside dans l’accumulation de preuves venues du camp communiste. Le temps a passé et les langues se sont déliées.
Longtemps il fut difficile pour « les camarades communistes » de participer activement et sincèrement à la guerre d’Espagne, tout en étant le jouet d’une puissance qui ne voulait que leur perte, l’URSS. Détruire les fermes collectives et abattre des compagnons de la CNT comme de l’UGT, désignés comme traîtres par le NKVD, fut l’œuvre de militants communistes. Enrique Lister qui expliqua que « les anarchistes avaient institué une véritable dictature du prolétariat » fut l’un de ceux-là. Un comble pour un prosélyte du pouvoir stalinien. Ralph Bates pensait ingénument que la politique du PC était erronée. Un autre militant communiste avouait que dans la Province de Tolède, 83 % des paysans avaient choisi de cultiver collectivement les terres.
« La défaite n’est pas toujours un échec. L’avenir n’appartient pas toujours au vainqueur. Nous ne jouons jamais notre dernière carte », écrivait l’anarchiste Issac Puente.
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Source : NPA