Rappelant à juste titre que le projet socialiste ne concerne pas que la sphère de la production mais englobe tous les aspects de l’existence, l’historien Thomas Bouchet propose une autre histoire des socialismes à travers la question originale de leurs rapports à la sensualité.
De Fourier aux fêtes de LO en passant par les colonies libertaires de la Belle Époque, de l’émancipation des corps par les corps prônée par les saint-simoniens des années 1830 aux diatribes anti-contraception de Jeannette Vermeersch, en passant par la conscience révolutionnaire de Guérin née de son expérience homosexuelle, deux tendances opposées se dessinent : l’une, dominante, prône une certaine ascèse militante et le rejet de vices bourgeois censés détourner l’ouvrier de la révolution, l’autre tendance étant plus « sensible aux promesses de la sensualité, [qui] affirme que la libération rime aussi, voire dans certains cas surtout, avec le développement des capacités et des aptitudes sensorielles ».
Loin de refléter l’opposition schématique entre socialismes révolutionnaire/réformiste, ces deux tendances montrent au contraire combien « la question de la sensualité est un bon marqueur de l’hétérogénéité des socialismes, de leur éclatement, de leur constant repositionnement ».
Thomas Bouchet
Stock, 2014, 20,99 euros
Source : NPA