« Face au gouvernement des ultra-riches, Ensemble pour résister » : tel est le titre d’une déclaration de rentrée signée et rendue publique par une trentaine d’associations et de secteurs ou de régionales des deux syndicats qui appellent à reprendre la lutte ensemble contre l’austérité. Le texte – que nous reproduisons ci-dessous- constitue une dénonciation violente de la politique « profondément injuste » et « économiquement toxique » du gouvernement Michel-De Wever, mais aussi de celle des gouvernements régionaux et communautaires.
Les signataires insistent sur le fait que « des alternatives existent, plus justes et plus efficaces ». Ils citent en particulier la taxe sur les grandes fortunes, les investissements dans les services publics, la réduction du temps de travail, et soulignent que « les inégalités (qui) explosent mettent en péril notre démocratie elle-même ».
La déclaration constate que la mobilisation sociale de l’automne 2014 n’a pas permis d’arrêter Michel-De Wever : « Ce grand mouvement de contestation s’est peu à peu effiloché et a perdu de son unité : le lien fort qui s’était noué entre organisations syndicales, et associations féministes, de lutte contre la pauvreté, d’agriculteurs, d’acteurs culturels… a semblé se défaire », peut-on lire.
Mais les signataires refusent d’en rester là : « Nous avons perdu (provisoirement) des batailles, disent-ils ; mais nous refusons de capituler. Nous n’allons pas – même silencieusement – collaborer avec un gouvernement qui détruit notre pays et tout ce qui faisait sa richesse ».
Cette prise de position est fort positive à plusieurs titres. Par son contenu, mais aussi par le fait que des acteurs syndicaux de niveau intermédiaire de la FGTB et de la CSC s’unissent (par-delà les frontières des appareils) à des associations, sans passer par les sommets syndicaux et pour faire entendre ensemble une voix d’opposition catégorique à l’austérité. Alors que la campagne des élections sociales a commencé, c’est un exemple à suivre et il faut souhaiter qu’un maximum d’instances se rallient au mouvement, notamment en Flandre (les premiers signataires ci-dessous sont tous francophones). La cause du monde du travail doit passer avant les intérêts d’appareils.
La déclaration reste cependant évasive sur trois questions importantes, que nous soulevons ici dans un esprit constructif et de débat.
Premièrement, il nous semble insuffisant de noter que « les inégalités mettent la démocratie en péril ». En effet, ces inégalités ne sont pas simplement le fait des mauvaises décisions politiques du gouvernement Michel : si un autre gouvernement voulait mener une autre politique, il se heurterait à une puissante construction institutionnelle qui s’appelle ‘Union Européenne’ et qui est par essence antidémocratique. Refuser l’austérité implique un affrontement avec cet adversaire. Il faut le dire et s’y préparer. Après ce qui vient de se passer en Grèce, il n’est plus possible de passer cet enjeu sous silence.
Deuxièmement, la question se pose : comment éviter que la reprise de la lutte débouche sur une nouvelle « bataille perdue » ? Les signataires écrivent que « le gouvernement Michel- De Wever a fait SEMBLANT d’entrer dans la concertation sociale ». Mais est-ce propre à ce gouvernement? La réalité n’est-elle pas que la ‘concertation’ appartient à une époque révolue, celle des Trente Glorieuses, que l’époque actuelle est celle de la guerre de classe, et que l’attachement des directions syndicales à la concertation est la cause de la « bataille perdue » de l’an dernier? Comment les signataires comptent-ils s’y prendre pour ne pas s’engager dans la même impasse? Pensent-ils, par la concertation, pouvoir avancer vers leurs propres objectifs (taxe sur les fortunes, réduction collective du temps de travail, investissements dans les services publics) ?
Troisièmement, la question politique est absente. Or, résister, c’est bien, mais quelle est la perspective : égrener un calendrier de manifestations qui s’étale jusqu’aux prochaines élections, en espérant que la coalition de droite sera battue dans les urnes? Et après? Ne faut-il pas au contraire que les mouvements syndicaux et associatifs assument la dimension politique de leur combat : chasser ce gouvernement de malheur, élaborer un propre plan anticapitaliste d’urgence (comme les 10 objectifs de la FGTB de Charleroi, par exemple) et agir pour que ce plan ait un prolongement politique digne de ce nom ?
Il est à espérer que la déclaration « Ensemble pour résister » sera plus qu’une prise de position ponctuelle, de sorte que ces débats puissent se mener et être alimentés par l’action commune. (LCR web)
Face au gouvernement des ultra-riches,
Ensemble pour résister
Déclaration 1er septembre 2015
Dans tous les domaines, le gouvernement Michel- De Wever fait des choix profondément injustes, alors que des alternatives existent, plus justes et plus efficaces.
En fiscalité, des cadeaux innombrables pour les plus riches et les grandes entreprises, des impôts et des pertes de revenus – parfois énormes – pour les travailleurs et plus particulièrement les travailleuses et les populations appauvries ou précarisées… alors qu’il y a des solutions fiscales simples, justes et efficaces – à commencer par une taxe sur les grandes fortunes.
Dans nos services publics, notre vivre ensemble est menacé : non-remplacement du personnel, diminution des moyens pour la culture, l’école, les transports en commun, la justice, … Alors qu’investir dans ces services publics crée de l’emploi, de la richesse commune et permet une société plus écologique.
Face au chômage, la seule réponse de ce gouvernement est de faire travailler les aînés plus longtemps, de harceler chômeurs et prépensionnés, alors qu’une Réduction Collective du Temps de Travail permettrait de travailler tous et de vivre mieux.
Face au défi de l’appauvrissement, des migrations, du changement climatique et du danger nucléaire, de l’accès à la Justice, de l’échec scolaire, de la menace du TTIP … nous avons des alternatives porteuses d’espoir et de justice. Mais le gouvernement Michel – De Wever, et certaines politiques d’austérité des gouvernements régionaux ou communautaires, font le choix de politiques austéritaires socialement injustes, mais aussi économiquement toxiques pour l’emploi et la prospérité.
Les inégalités explosent et mettent en péril notre démocratie elle-même. Seule une très étroite frange d’ultra-privilégiés peut trouver intérêt à ces politiques absurdes et injustes : ce gouvernement est bien le gouvernement des 1% [1] contre les intérêts de la population, contre l’espérance de démocratie dont nous avons hérité et que nous voulons amplifier.
Ce gouvernement a suscité dès son arrivée une vague d’indignation et de résistance comme notre pays n’en avait pas connue depuis des décennies – avec notamment 120.000 personnes venues de tous les horizons dans les rues de Bruxelles le 6 novembre. Cette indignation a aussi fait naître au Nord puis au Sud du pays, un large mouvement de citoyen-nes et d’organisations qui ne veulent plus d’une société où le profit et l’égoïsme commandent tout, mais veulent que les valeurs du cœur l’emportent sur l’obsession de la rigueur budgétaire.
Ce grand mouvement de contestation s’est peu à peu effiloché et a perdu de son unité : le lien fort qui s’était noué entre organisations syndicales, et associations féministes, de lutte contre la pauvreté, d’agriculteurs, d’acteurs culturels… a semblé se défaire. Durant ces 6 mois le gouvernement Michel- De Wever a fait semblant d’entrer dans la concertation sociale, mais a avancé au travers de nos droits fondamentaux comme un bulldozer.
Nous avons perdu (provisoirement) des batailles ; mais nous refusons de capituler. Nous n’allons pas – même silencieusement – collaborer avec un gouvernement qui détruit notre pays et tout ce qui faisait sa richesse
Aussi longtemps que ce sera nécessaire, tant ce gouvernement de destruction sociale détruira nos droits, celui de tous les habitants de notre pays, et des plus faibles ou des plus précaires en particulier, nous serons ensemble pour lui résister. Chaque organisation reste maître du rythme et des formes de ses actions, mais nous croyons ensemble à la nécessité d’une pression continue et d’un crescendo d’actions, rassemblements, occupations, et y compris des grèves importantes pour empêcher de nuire ce mauvais gouvernement. La manifestation nationale du 7 octobre sera un premier grand moment d’expression de notre résistance.
La présente déclaration n’appartient à personne, à aucun parti, à aucune association ou aucune organisation ; mais elle rassemblera sous l’affirmation Ensemble pour Résister toutes celles et tous ceux qui refusent de laisser le gouvernement Michel – De Wever et les politiques d’austérité en Europe et dans les régions détruire tout ce qui nous permet de vivre ensemble dans une société digne.
Organisations signataires
Blairon Jean, Directeur De RTA-Réalisation, Téléformation, Animation – Chabbert Delphine, Secrétaire Politique De La Ligue Des Familles – Chardome Pascal, Président CGSP Enseignement – Coenen Jean-Pierre, Président Ligue Des Droits De L’enfant – Cue Nico, FGTB Métal Wallonie-Bruxelles – Demoulin Stéphanie, Coordinatrice Fédération Francophone Des Ecoles De Devoirs Asbl – Deswaef Alexis, Président De La Ligue Des Droits De l’Homme – Djegham Myriam, MOC Bruxelles – Dorchies Michel, Secrétaire Fédéral, CSC Wallonie Picarde – Englert Thomas, JOC – Ernst Eugène, Secrétaire Général, CSC-Enseignement – Heldenbergh Pierre, Administrateur de l’asbl Les Grignoux – Julie MAENAUT, Plate-forme d’action santé et solidarité Actieplatform gezondheid en solidariteit – Lieben Gilbert, CGSP Wallonne – Lismont Joan, Président SEL-SETCA – Mahy Christine, Secrétaire Générale, Réseau Wallon De Lutte Contre La Pauvreté – Massaer Chantal, Inforjeunes Laeken – Mawet Fred, secrétaire générale, CGé – Namotte Jean-Marc, Secrétaire Fédéral, CSC Liège-Huy-Waremme – Pagnoulle Christine, ATTAC Wallonie-Bruxelles – Praile David, coordinateur du Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté – Puissant Daniel, secrétaire du Réseau pour la Justice Fiscale – Schoemann Pierre, LAMA ASBL – Steinbach Christine, Equipes Populaires – Surleau Dominique, Secrétaire générale de Présence Et Action Culturelles – Umay Semra, Directrice Du C-Paje Collectif Pour La Promotion De l’Animation Jeunesse Enfance Asbl – Van Keirsbilck Felipe, Secrétaire général CNE – Vanden Eede Stéphane, Acteurs Des Temps Présents – Vansnick Philippe, Secrétaire Fédéral Adjoint CSC, Bruxelles-Hal-Vilvorde – Verteneuil Robert, Secrétaire Fédéral Centrale Générale FGTB.
Premier agenda de lutte et d’actions :
Pour résister Ensemble, nous multiplierons les actions nationales ou locales. Dans le calendrier, nous annonçons déjà
◦ le dimanche 6 septembre, veille du sommet européen sur l’agriculture, un rassemblement « Tous Paysans » pour défendre nos agriculteurs face au danger du TTIP
◦ la grande manifestation du Front Commun Syndical le 7 octobre
◦ l’accueil des marches européennes et l’encerclement du Sommet Européen le 15 octobre
◦ la journée « Ensemble, avec force et sans peur, brisons l’enfermement de l’appauvrissement » à Namur
◦ la marche européenne « austérité = pauvreté » lors de la journée internationale de lutte contre la pauvreté le 17/10
◦ la réédition de la « Grande Parade » le 20 mars
◦ une contestation forte de l’austérité lors du Premier Mai, qui est la fête des Travailleurs et non pas « du Travail » comme le croit le MR