Pseudo-rébellion
Femen, ce n’est qu’une pseudo-rébellion, pas du féminisme. On donne des coups de pied dans des portes ouvertes depuis bien longtemps. Un peu comme ces gens qui, en 2013, osent critiquer les pratiques de l’église catholique, ou qui expliquent qu’il y a un problème avec la pollution : this ship has sailed.
Quand des membres des Pussy Riot furent écrouées, les Femen firent une action de solidarité. Une des membres prit une tronçonneuse et scia une grande croix. Ce n’était pas la bonne église, mais soit, on peut se tromper. De plus, pas de chance, il s’agissait d’une sculpture commémorant les victimes du stalinisme. On peut évidemment accuser l’église de récupération, n’empêche que scier cette croix est inacceptable. Y eut-il des excuses ? Eh bien non, des T-shirts ont fait leur apparition dans la boutique en ligne et, sur toutes les pages Femen, cette image est devenue le symbole de leur façon de résister : une blondine nue avec une tronçonneuse détruit un symbole de l’holocauste. Le slogan en arrière-fond : Holy War. Les images diffusées par Femen seraient elles acceptées sans problèmes dans des magazines comme Playboy ou Hustler ? Oui sans aucun doute. Conclusion ?…
Depuis, plusieurs groupes de différents pays ont protesté contre Femen. Le mouvement féministe refuse de leur être associé, à cause de leur islamophobie, de leur paternalisme, de leur utilisation de la culture porno, de leur pensée néolibérale et du marketing auquel elles recourent pour se mettre à l’avant-scène.
Une organisation de femmes musulmanes en Grande-Bretagne s’est récemment exprimée contre le paternalisme extrême de Femen.
« We understand that it’s really hard for a lot of you white colonial ‘feminists’ to believe, but- SHOCKER! – Muslim women and women of colour can come with their own autonomy, and fight back as well! And speak out for themselves! Who knew?
[Nous comprenons que pour beaucoup d’entre vous, ‘féministes’ blanches et coloniales, il est très difficile de comprendre, mais aussi – CHOQUANT – que des femmes musulmanes et des femmes de couleur revendiquent leur propre autonomie et se battent également !! Et s’expriment pour elles-mêmes ! Qui le savait ?]
« We are proud Muslimahs, and we’re sick of your colonial, racist rubbish disguised as ‘women’s liberation!' »[4]
[Nous sommes des musulmanes fières et on en a marre de vos foutaises coloniales et racistes déguisées en ‘libération des femmes’!]
Femen part du point de vue que ces femmes ne comprennent absolument pas ce qui se passe, qu’elles n’ont aucune autonomie ni esprit critique. C’est un déni total de la réalité. La réaction de Inna Shevchenko, une des dirigeantes de Femen, fut de dire que les esclaves n’ont pas conscience de leur esclavage et qu’elles (les Femen) continuent à se battre pour leur libération.
So, sisters, (I prefer to talk to women anyway, even knowing that behind them are bearded men with knives). You say to us that you are against Femen, but we are here for you and for all of us, as women are the modern slaves and it’s never a question of colour of skin.
[Donc, mes sœurs ( je préfère m’adresser aux femmes, même en sachant qu’il y a des hommes barbus avec des couteaux derrière elles). Vous dites être contre Femen, mais nous sommes ici pour vous et pour nous toutes, car les femmes sont les esclaves modernes et que ce n’est jamais une question de couleur de peau.]
You say you live the way you want. Being fifth wife in harem the maximum you can be is the favorite wife… Right? [5]
[Vous dites vivre la vie que vous voulez. Mais être la cinquième femme du harem signifie au mieux que vous pouvez être l’épouse favorite …N’est-ce pas ?]
Les musulmans : des hommes barbus avec des couteaux et qui possèdent un harem. Ce genre de féminisme, on peut s’en passer, vraiment. La phrase de Goethe « personne n’est plus désespérément esclave que ceux qui pensent à tort qu’ils sont libres » est bien belle et elle me revient en tête chaque fois que je regarde le monde actuel et le comportement passif des consommateurs. Dans le cas qui nous occupe, la citation est parfaitement applicable à Femen et c’est cela qui est triste.
Pour le dire en toute clarté : nous vivons dans un système mondial de sexisme où les femmes sont opprimées. Cette oppression est présente partout, et toujours de façon spécifique selon les régions. La démarche des Femen consiste à nier que le problème existe dans les pays occidentaux. Elles se coulent dans la fausse contradiction entre pays occidentaux éclairés et libérés d’un côté, et cultures étrangères barbares de l’autre. Ceci va totalement à l’encontre de ce que toute une série de féministes essaient de faire : remettre l’accent sur le sexisme local au lieu d’écouter des clichés tels que « le féminisme n’est plus nécessaire ici, les femmes ont l’égalité, ce n’est que dans ces pays barbares lointains … » Voir sa propre oppression est toujours plus difficile et c’est une confrontation dure – l’idée que cela ne se passe qu’ailleurs est une idée réconfortante. De plus, Femen représente le pire des féminismes néocoloniaux qui prétend libérer rapidement les femmes d’autres pays.