Des avancées minimes des droits des femmes ont été obtenues à travers leurs luttes, mais elles continuent à subir des inégalités structurelles liées à un ordre fondé sur la domination masculine et la division sexuelle du travail. Et les retours en arrière sont fréquents.
Davantage exposées à la pauvreté, en raison de la répartition inégale des richesses et de la surexploitation capitaliste, les femmes subissent une précarité spécifique ,sous-tendue par des soubassements culturels entretenus par le pouvoir politique. La religion et le conservatisme en sont les principaux vecteurs. Le décrochage scolaire des filles, surtout dans le monde rural, en raison de l’absence d’infrastructure de base et de la crise du système éducatif, renforce leur exclusion sociale et leur précarité.
Les jeunes filles et les femmes forment une part importante de la main-d’œuvre agricole et de l’industrie textile. Elles y travaillent dans des conditions inhumaines, qui ne respectent guère un code du travail pourtant archaïque. Elles sont victimes de discriminations et de harcèlement sexuel et moral. Selon un rapport de 2014 du Conseil économique, social et environnemental, « 73,2 % des femmes rurales sont employées à un âge précoce (avant 15 ans), 78,9 % des ouvrières du textile n’ont pas bénéficié d’un congé maternité payé, 87,5 % des femmes travaillent sans contrat dans le monde rural. »1Quant à l’indice du Forum économique mondial sur la parité, en 2016 le Maroc est classé 137e sur 144 pays. Cet indice se base sur quatre critères: l’accès à la santé, celui à l’éducation, l’égalité économique et l’égalité politique.2
La mortalité maternelle demeure un problème de taille : des femmes accouchent en-dehors des hôpitaux, avec l’absence d’infrastructures sanitaires et la difficulté d’accès aux soins prénatals, ou avortent clandestinement. Cette question est érigée comme un tabou immuable.
De plus, les violences à l’égard des femmes augmentent considérablement, ainsi qu’un sexisme sans complexe dans l’espace public et sur les lieux de travail. Selon un récent rapport de l’Observatoire national de la lutte contre la violence à l’égard des femmes, en 2015 neuf femmes se sont immolées par le feu, 244 se sont pendues et 372 se sont automutilées, ne supportant plus l’humiliation.3
Le code de la famille et du statut personnel maintient les inégalités face à l’héritage, tolère les mariages arrangés, ne reconnaît pas le viol comme une atteinte aux droits des femmes. On en arrive à forcer des femmes à épouser leur violeur, légalement. Comme dans le cas d’Amina Filali, violée à 15 ans : Amina n’a pas supporté l’humiliation et l’injustice, elle s’est suicidée (en 2012). Le gouvernement actuel, comme les précédents, promeut un ordre moral réactionnaire renvoyant les femmes à un statut d’objet, de mineure et de maîtresse du foyer.
A leur tour, les personnes LGBT subissent les lois qui pénalisent les relations entre personnes adultes de même sexe. Malgré un début de visibilité publique, acquis grâce au combat pour les libertés individuelles ou en raison de la constitution d’associations spécifiques, toujours non reconnues, la tendance générale est celle d’une stigmatisation très forte et d’une grande violence sociale et institutionnelle, avec des condamnations à de lourdes peines et amendes, des agressions physiques, l’ostracisme.
Une force motrice contre l’Etat despotique
Au niveau politique, les femmes sont toujours sous-représentées et exclues des postes de prise de décisions. Cela est vrai en particulier dans les institutions publiques, les instances élues, les organismes des partis. Au Maroc, le rôle des femmes dans les mobilisations a été nié ou sous-évaluée. Les histoires officielles ignorent leur rôle dans les luttes pour l’indépendance et dans les combats politiques qui ont suivi. Cela tient en partie à la faiblesse historique d’un mouvement féministe organisé et autonome. Dans leur grande majorité, les associations féministes se sont institutionnalisées ou ont cantonné leur combat à des modifications juridiques.
Pourtant, dans l’ensemble des résistances populaires, la présence combative des femmes est notable : dans le mouvement des chômeurs et chômeuses, dans les mouvements récents contre la casse sociale (lutte des stagiaires de l’éducation nationale, du personnel médical en formation…), dans les luttes des coordinations contre la vie chère, ou contre les démolitions des bidonvilles et les expropriations des terres.
Des femmes du milieu rural se sont organisées contre les microcrédits dans le sud du Maroc. Les femmes d’Imider se battent depuis 2011 pour leurs droits bafoués par Managem, filiale de la holding royale, qui exploite les mines d’argent et spolie les habitants de ressources en eau. Plus largement, les femmes ont été une force motrice dans le combat contre l’Etat despotique dénonçant l’accaparement des richesses et les liens avec les intérêts impérialistes. Elles ont été à l’avant-garde de toutes les luttes du peuple pour une société émancipée fondée sur la répartition équitable des richesses, la reddition des comptes, l’égalité et un État qui préserve la dignité.
Il est impossible de penser à l’égalité entre les sexes en-dehors d’une société égalitaire. Au Maroc, on est très loin du compte ! Il reste beaucoup de chemin à parcourir. L’une des premières tâches dans cette voie est la création d’un front féministe laïque, populaire et combatif, soutenu par les différentes forces progressistes, qui place la libération des femmes au cœur des luttes de classe.
le Secteur Femmes de La Voie démocratique – Paris
- 1.Le rapport du CESE en question : http://www.cese.ma/Documents/PDF/Auto-sa…
- 2.http://reports.weforum.org/global-gender…
- 3.Selon d’autres sources, en 2011, 63 % des femmes marocaines affirmaient avoir été victimes de violences physiques ou psychologiques et 23 % de violences sexuelles – des taux parmi les plus élevés au monde. Voir http://www.huffpostmaghreb.com/2013/12/1… et http://www.hcp.ma/Etude-sur-la-violence-…