Que veut la FGTB de Charleroi? A la lecture des médias, la réponse est confuse. « La FGTB de Charleroi soutient le PTB », écrit la Libre. Elle « adhère à PTB-GO », jure Le Soir. Elle « s’engage à appeler à voter PTB-GO », dit un chroniqueur de la RTBF… Chaque journaliste y va de sa formule… et elles sont toutes fausses.
Les syndicalistes se sont pourtant exprimés clairement. Carlo Briscolini: « Nous nous réjouissons de cette première étape dans la réponse à notre Appel du Premier Mai 2012 ». Et, en réplique à une question : « Nous ne sommes pas des sprinters mais des marathoniens. Dans ce processus, personne n’est exclu, nous nous adressons aussi aux membres du PS et d’Ecolo ». Et d’insister sur l’indépendance syndicale, pour conclure : « Après les élections, nous serons derrière eux (PTB-GO) pour les contrôler, sur base de notre programme d’urgence en dix points ».
Même clarté chez Daniel Piron. « Pourquoi soutenir le PTB ? », lui demande-t-on. Face caméra, il répond: « Nous ne sommes pas dans une opération de soutien au PTB. Nous sommes ici pour nous réjouir que l’appel lancé par la FGTB de Charleroi commence à se concrétiser. Nous avons dit dès le départ qu’un rassemblement pour (les) élections de 2014 n’était pas une fin en soi. On va sur un laps de temps beaucoup plus grand. C’est donc une première étape que nous saluons ici, à laquelle nous souhaitons que d’autres se raccrochent par la suite, (car) il y a une unité plus large à faire à la gauche de la gauche, et c’est ça notre objectif.»
Comment expliquer que ce message simple ne passe pas ? Il faut certes tenir compte du fait que les journalistes bricolent dans l’urgence… Mais, par la suite, aucun n’a corrigé le tir. Et ce n’est pas une première : le message du Premier Mai 2012 aussi avait été mal compris par les médias… Il y a donc autre chose.
La démarche de Charleroi sort du partage traditionnel des rôles entre syndicalisme et politique. C’est une sorte de « contrôle ouvrier » appliqué à la politique. C’est là le problème. Habitués à des partis qui monopolisent le politique et à des syndicats confinés dans « le social », les journalistes ont difficile à suivre quand des syndicalistes s’affranchissent de la tutelle PS pour développer la stratégie politique qu’ils estiment appropriée à la défense des intérêts de leur base. Le rôle dirigeant du parti sur le syndicat (qui est la conception du stalinisme de jadis et de la social-démocratie d’aujourd’hui) est tellement ancré dans les têtes – et dans la pratique des appareils syndicaux traditionnels! – que les faiseurs d’opinion sont incapables d’imaginer autre chose.
Il n’est pas interdit de penser qu’il y a aussi une part de mépris inconscient dans cet aveuglement. En effet, dans la vision dominante, un responsable de parti apparaîtra toujours « au-dessus » d’un dirigeant syndical, et plus capable que celui-ci de développer un point de vue politique. Surtout si le syndicaliste vient d’une région ouvrière ravagée par les fermetures, qui a mauvaise réputation, et où les militant-e-s appellent un chat un chat. C’est très injuste, mais c’est comme ça. Pour citer Philippe Poutou : pour beaucoup de gens des médias, « un ouvrier, c’est là pour fermer sa gueule »…
Quoiqu’il en soit des hypothèses, le refrain « La FGTB de Charleroi soutient le PTB-GO » convient à Anne Demelenne. Il permet à la secrétaire générale de la FGTB de se poser en garante de l’indépendance syndicale… tout en appelant à « ne pas se tromper d’adversaire », à « ne pas diviser la gauche »… c’est-à-dire à voter PS… en esquivant le débat de fond. Car cette soumission de fait et cette complicité avec les « amis politiques » contribuent à désarmer les syndicats face au néolibéralisme. Et c’est pour en sortir que les carolos ont élaboré une stratégie alternative : s’appuyer sur la masse des affilié-e-s et des militant-e-s pour renverser le rapport entre syndicats et partis, en imposant un programme anticapitaliste.
La LCR soutient cette nouvelle articulation entre indépendance syndicale et engagement politique. Elle ouvre la possibilité d’un processus de rassemblement qui continuera au-delà du 25 mai et qui peut favoriser une véritable recomposition du paysage syndical et politique à gauche, dans l’intérêt de tout le mouvement ouvrier. Cet intérêt prime pour nous sur toute autre considération, notamment sur les intérêts électoraux à courte vue.
C’est pourquoi, dans la campagne qui commence, on entendra la LCR appeler à voter préférentiellement pour ses candidat-e-s et pour des syndicalistes de base. Afin de forger une nouvelle conscience de classe et de construire une nouveau parti de classe où les militant-e-s de terrain ne seront pas exclu-e-s par les professionnels de la politique. Mais on ne l’entendra pas dire : « votez pour nous, la FGTB de Charleroi nous soutient ».