La FGTB tiendra son congrès en octobre (1). La période préparatoire se déroule donc en simultané avec la mise en place, lentement mais sûrement, d’un gouvernement «des droites». Celui-ci ne fait pas mystère de ses intentions d’imposer des mesures d’austérité drastiques aux travailleurs et aux allocataires sociaux. Pour faire taire les réactions que cela engendrera, il doit donc attaquer de front les organisations syndicales, ou au minimum essayer de les museler.
Pendant ce temps là…
Malgré cela, on n’entend peu de réactions syndicales. Dans les instances, ce sont les discussions sur les «successions» qui occupent l’essentiel des réunions. Et dans les coulisses, les conciliabules vont bon train depuis l’annonce officielle de la décision de sa secrétaire générale, Anne Demelenne, de ne pas demander le renouvellent de son mandat en octobre. Mais cela faisait plusieurs mois que des noms circulaient pour la remplacer. On a même évoqué des scénarios avec plusieurs arrivées et plusieurs départs. Des «missions exploratoires» de dirigeants de Centrales avaient même testé plusieurs hypothèses de candidatures (notamment en provenance du puissant syndicat des employés – SETCa) mais ne firent pas l’unanimité, loin de là. Un appel aux candidatures était officiellement lancé dans l’organisation.
Le 10 juillet le Bureau de l’Interrégionale wallonne (BIW) «a acté la fin du dépôt des candidatures officielles pour la succession de la Secrétaire générale de la FGTB fédérale et Présidente de la FGTB wallonne, Anne Demelenne». C’est en effet au niveau wallon qu’une première étape doit être franchie: le «parrainage» des candidatures.
Parrainage(s)
Anne Demelenne élue du côté francophone, c’est un.e candidat.e francophone qui doit la remplacer au sein du Secrétariat fédéral pour conserver la parité. Au 10 juillet, trois candidatures étaient enregistrées (2). Ce qui plaçait les wallons dans une situation «inhabituelle», il est en effet rare que le consensus sur un nom, et les «compensations» qui vont de pair, ne se concrétisent pas avant cette étape.
Fin août, le candidat de la CGSP, Laurent Pirnay, a retiré sa candidature. Pendant les vacances les téléphones ont chauffé, les restaurants discrets ont été le théâtre de plus d’une discussion pour sortir du poto-poto. Les «responsables» ont fait fonctionner les calculettes pour «modéliser» les majorités possibles, mettant «leurs affiliés» dans la balance. Mais aucun de ceux-ci n’a été consulté sur la question. Des «pactes» et des «protocoles spéciaux» sont concoctés entre «sages». Et malheureusement cette ambiance pourrie des guerres de clans, diffuse son venin à tous les étages du syndicat, les lignes politiques s’estompent, chacun se rangeant derrière «l’intérêt» de sa Centrale, sa Régionale.
«Dormeurs, réveillez-vous…»
Quand à l’essentiel, se mobiliser pour contrer les attaques de la droite, on est toujours en attente. Anne Demelenne a bien laissé, en cadeau d’adieu, une interview dans Le Soir (3) où elle pose quelques balises que le futur gouvernement ne devrait pas dépasser, mais on est loin d’un plan de bataille. Si le gouvernement de droite durcit encore de plusieurs crans les politiques austéritaires initiées dans les gouvernements précédents avec participation socialiste, la FGTB, tout comme la CSC, semblent se contenter pour l’instant d’une réponse verbale.
C’est qu’aux niveaux wallon et communautaire, le PS est aux affaires et prend lui aussi des mesures d’austérité et se prépare à gérer au Sud dans les carcans budgétaires que lui imposeront le niveau fédéral et l’Union Européenne. Les socialistes sont mal placés pour contester les lignes ultra-libérales qu’ils ont contribué à mettre en place. D’ailleurs certains de leurs responsables le disent en catimini: «Dans les Régions, des réformes du même type sont envisagées. On ne peut pas se permettre de les fusiller au fédéral pour les prendre ensuite à Namur». (4)
Et à ce niveau, les syndicats indiquent même leur satisfaction… Quand Le Soir pose la question: «la déclaration de politique régionale wallonne (DPR) vous satisfait-elle?», à Marc Becker (Secrétaire national et numéro un de la CSC wallonne) il répond sans sourciller: «Il faut chercher loin pour débusquer des mesures qui ne nous agréent pas: un catalogue de bonnes intentions» (5). Le Projet de Rapport d’Orientations pour le congrès de la FGTB wallonne est lui aussi une sorte de «catalogue de bonnes intentions» dans lequel le syndicat «accompagne» le repli wallon et les ruptures de solidarité qui résultent des réformes de l’Etat négociées en début de la précédente législature.
Il est temps que la gauche syndicale affirme ses lignes pour sortir le syndicat de l’impasse où il s’est coincé entre l’absence de perspectives au niveau fédéral, un certain radicalisme verbal sans effets et un réformisme économique inopérant au niveau wallon.
Notes:
1) Ce Congrès se tiendra les 2, 3 et 4 octobre et sera précédé du Congrès de la FGTB wallonne le 18 septembre afin de «parrainer» les candidatures au Secrétariat fédéral.
2) Le communiqué du BIW précise: «Les noms des candidats sont: Estelle Ceulemans, actuelle directrice du service d’études de la FGTB fédérale ; Marc Goblet, Président de la Centrale générale de Liège et actuel Président de la FGTB Liège-Huy-Waremme ; Laurent Pirnay, actuel Secrétaire général adjoint de la CGSP wallonne. Par ailleurs, Jean-François Tamellini, actuel Secrétaire fédéral francophone et candidat à sa propre succession, n’est pas contesté dans le cadre de sa réélection».
3) Anne Demelenne (FGTB): «La suédoise est un gouvernement plus à droite que centre-droit» – Le Soir, 23 août 2014.
4) «Suédoise: pourquoi le PS se tait» – Le Soir, 27 août 2014.
5) «Des émeutes pourraient éclater» – Le Soir, 28 août 2014.
Article publié dans La Gauche #69, septembre-octobre 2014
Photo: La Gauche