En 2003, le réalisateur chilien Pablo Larraín gagnait l’Oscar pour meilleur film non-anglophone avec No : film sur la transition démocratique au Chili en 1988, après quinze ans de dictature sous Pinochet. Avec son dernier film Neruda, Larraín contribue à nouveau à la mémoire historique chilienne sur grand écran. Cette fois-ci, le cinéaste nous emmène à l’époque d’après-guerre du régime anticommuniste de Gabriel González Videla et présente un portrait magistral du poète Pablo Neruda.
Le film n’est pas une biographie classique. Au contraire, un portrait littéraire et politique d’un artiste exceptionnel ! L’acteur chilien Luis Gnecco incarne avec conviction Pablo Neruda, un génie artistique charismatique mais hautain, engagé politiquement. L’histoire du film se base sur les treize mois de 1948-49 que Neruda a passés dans la clandestinité, mais use d’une grande liberté artistique afin de mieux présenter le style de vie et les idées artistiques de Neruda.
Le film commence par exposer le contexte historico-politique : début de la Guerre froide; le président Videla suit les directives des États-Unis et se tourne à la fin de l’année 1947 contre le mouvement ouvrier et les communistes; la grève des miniers de Lota est réprimée brutalement et les syndicalistes sont déportés dans des camps de concentration ; Neruda est sénateur pour le Parti communiste et réveille le Sénat le 6 janvier 1948 avec son poème « J’accuse », dirigé contre la politique de Videla ; le 5 février la justice ordonne son arrestation. Également captivante dans ce cadre historique, la présentation du PC chilien comme organisation d’intellectuel·le·s et d’artistes prospères avec un mode de vie très éloigné de la condition du/de la Chilien·ne lambda.
L’histoire-même du film commence avec la fuite de Neruda. L’inspecteur de police fictif Óscar Peluchonneau, joué par l’acteur mexicain Gael García Bernal, est chargé de capturer le poète. Neruda, arrogant et plein d’imagination, considère cette chasse à la mort comme un spectacle épique dans lequel il veut renverser les rôles du chasseur et du fugitif. L’inspecteur Peluchonneau table sur la pression mise sur les connaissances de Neruda, mais n’obtient aucune aide : Neruda est le héros du peuple et est particulièrement apprécié pour son travail comme poète des opprimés. De plus en plus, Peluchonneau quant à lui se révèle être un anti-héros de la pire espèce : arrogant mais impuissant, ferme mais idiot. La confrontation entre les deux hommes s’achève dans la neige des Andes d’où Neruda part ensuite en France via l’Argentine. À Paris il est accueilli par son bon ami Pablo Picasso.
La combinaison d’un cadre politique – dans lequel même le militaire Augusto Pinochet fait son apparition comme chef du camp de concentration de Pisagua – avec une intrigue attractive et les projecteurs centrés sur un artiste excentrique et franc, fait de la pellicule une œuvre à voir absolument, ainsi qu’un bel hommage à un des plus grands écrivains du vingtième siècle.
Traduit du néerlandais par Youri
Le film est sorti en salle le 4 janvier à Bruxelles, Charleroi, Liège, Louvain-la-Neuve, Mons, Namur et Stavelot.