Mardi 2 juin, la CSC Bruxelles a organisé devant le Foyer Anderlechtois un rassemblement de soutien à Mounir, un travailleur qui a été surexploité pendant des années par Abay Construct, un sous-traitant d’Atalian Cleaning Services SA, société elle-même sous-traitante du Foyer Anderlechtois. Plusieurs dizaines de militant/es CSC étaient présents et notamment Philippe Vansnick, Secrétaire régional CSC Bruxelles.
Arrivé d’Oujda (Maroc) en 2006 Mounir a été contraint de travailler en-dessous du salaire minimum de juin 2008 à décembre 2012 et plusieurs mois de salaire ne lui ont pas été payés. Il a finalement perdu tous ses droits au séjour car Abay Construct sprl a profité des failles des procédures légales en matière d’occupation des travailleurs étrangers. Abay Construct sprl, dont le dirigeant est un certain Aurélien Carlos de Oliveira Esteves, possède une adresse postale à Schaerbeek (23 rue Auguste Snieder) mais les coordonnées de l’entreprise sur Internet mentionnent que le numéro d’appel (en France) «n’est valable que 5 minutes et n’est pas celui du destinataire mais celui d’un service permettant la mise en relation avec celui-ci ». Bonjour l’ambiance ! ça sent l’arnaque à plein nez !
L’action des militant/es de la CSC visait à :
- mettre au grand jour cette situation de surexploitation scandaleuse, obtenir le soutien actif le plus large à la lutte contre le dumping social et prévenir la violation des droits du travail (salaire, conditions de travail) en tant que donneur d’ordre ;
- récolter un large soutien actif à la modification des procédures des permis de travail qui devraient être valables pour l’exercice d’un métier dans l’ensemble des secteurs et permettre aux travailleurs/euses d’être informés des suivis de leurs dossiers ;
- faire sanctionner les patrons abuseurs, comme le prévoit la loi, et exiger la réintégration de Mounir comme travailleur ;
- soutenir la régularisation des travailleurs/euses à la suite d’une action syndicale ou d’une inspection sociale sur le lieu de travail ou, dans le cadre des travailleurs détachés, en respectant les droits du travail ;
- récolter un soutien actif dans l’élaboration de critères de régularisation à la fois clairs, permanents et non limitatifs afin d’éviter toute forme de dépendance ;
- dénoncer les dispositions légales tendant à la criminalisation des travailleurs sans papiers et à leur exploitation.
La responsabilité du Foyer Anderlechtois
L’action s’est déroulée devant les locaux du Foyer Anderlechtois (une société de 3.600 logements sociaux où les Conseillers du CPAS d’Anderlecht siègent au Conseil d’Administration) au moment précis où se réunissait le dit Conseil d’Administration. Le premier point de l’ordre du jour était bien entendu l’action syndicale en cours. Après délibération, les membres du CA sont sortis, un peu penauds, et le président du CPAS (Guy Wilmart, PS) a pris la parole pour affirmer la solidarité du Conseil d’Administration avec l’action pour la régularisation de la situation de Mounir, la nécessité de lutter contre le dumping social, et pour déclarer que l’actuel Conseil, mis en place en 2013, n’avait aucune responsabilité dans le présent dossier.
C’est un peu vite oublier que même si la composition du CA a changé (elle n’a de toute manière pas changé dans son entièreté), la personnalité juridique du Foyer persiste dans le temps et, dans le cas présent, la responsabilité du Foyer est écrasante : infraction aux conventions collectives fixant les salaires, fraude sociale, fraude fiscale, travail « en noir » sanctionné par le code pénal. Les tribunaux examineront à la loupe les responsabilités et les responsables auront à supporter les compléments et arriérés de salaires non payés, les congés payés, les primes de fin d’année, les charges sociales, les précomptes professionnels non versés, etc. Comme l’a rappelé une responsable CSC de la Centrale l’Alimentation et des Services, il existe une Convention de responsabilité solidaire dans le secteur du nettoyage. Concrètement le donneur d’ordre (dans le cas présent le Foyer) est responsable solidairement de l’entreprise de nettoyage qui elle-même sous-traite à une autre entreprise qui ne paierait pas l’ONSS, le salaire, etc.
La surexploitation des sans papiers exerce une pression sur tous les salaires
Pour conclure, Serge, un travailleur et militant du Comité CSC Bruxelles des travailleurs sans papiers s’est exprimé de la manière suivante :
« Mounir est un cas parmi tant d’autres qui révèle la surexploitation des travailleurs sans papiers par des employeurs sans scrupules. Ces employeurs promettent à des travailleurs sans papiers des régularisations. Et tant que ce n’est pas fait ils les font travailler pour un salaire de misère, 6 euros ou 6 euros et demi de l’heure), au-delà du régime horaire maximum et dans des conditions terribles qui ne prévoient ni protections des travailleurs et du lieu de travail, ni indemnisation quelconque en cas d’accident ou de maladie. Ces employeurs peuvent choisir entre régulariser les travailleurs ou continuer à faire beaucoup de profit.
Le cas de Mounir montre que le choix est clair et montre que les travailleurs détachés, les travailleurs mobiles, tous les travailleurs précarisés et notamment les sans papiers sont utilisés par les employeurs pour exercer une pression sur les salaires et dégrader les conditions de travail de tous les travailleurs de ce pays. Ce système économique fonctionne comme cela : plus vous mettez en concurrence les travailleurs, plus les patrons deviennent riches. Et les pouvoirs publics le savent. Ils sont complices. C’est pour cela que tous les travailleurs doivent s’unir contre cette concurrence et donc contre le dumping social dont nous sommes tous victimes.
Pour aider dans cette lutte contre le dumping social, plusieurs changements seraient bienvenus. Premièrement, assurer le travailleur plaignant d’une protection jusqu’à la fin de la procédure. L’exemple de Mounir montre qu’aucune disposition légale ne permet au plaignant d’être protégé et de rester sur le territoire de la Belgique jusqu’à la fin de la procédure. Non seulement le fait de porter plainte l’invisibilise, mais il encourt aussi le risque d’être envoyé dans un centre fermé. Et à la fin d’une procédure qui dure souvent plusieurs années, le patron s’en tire avec une petite amende. Nous demandons donc ici, au Foyer Anderlechtois, d’intervenir pour que la justice puisse suivre son cours en présente du plaignant et lui permette de régulariser sa situation jusqu‘à la fin de la procédure.
Deuxièmement, nous demandons une simplification des procédures de régularisation et une législation qui sanctionne davantage l’exploitation faite par les patrons plutôt que les travailleurs qui sont exploités.
Enfin, nous demandons aux élus régionaux de saisir pleinement l’opportunité avec le transfert des compétences pour lutter contre le dumping social. De plus l’exploitation des travailleurs est un manque à gagner considérable pour les finances publiques. Un travailleur non déclaré, ce sont des cotisations sociales non payées. Parmi les moyens de lutte contre ce dumping social, il y a la possibilité de lier l’accès au marché du travail à celui du droit de séjour. Nous vous invitons également à se saisir des questions de formation, d’équivalences de diplômes, de valorisation des compétences, Il y en a plein, parmi les 100.000 sans papiers qui sont ici et qui sont des braves citoyens qui mouillent le maillot tous les jours, qui peuvent être utilisés à bon escient pour la Belgique car ils ont été formés ici et peuvent se rendre utiles ici.
Nous vous invitons donc à prendre à bras le corps toutes ces questions au moyen des compétences régionales et communautaires qui vous sont transférées. J’en ai terminé. Merci ! »