Nous sommes de ceux et celles qui se sont mobilisé.es avec Nuit Debout contre la Loi El-Khomri. Derrière elle, nous rejetions une « république » française de plus en plus liberticide et discriminatoire, rouage d’un capitalisme du XXIè siècle qui nous ramène au XIXème siècle, et d’une Union européenne qui nous y enfonce. Nous cherchions aussi ce que pourrait être l’alternative à la profonde crise de la démocratie représentative, incluant celle des partis, sans réponse claire à ce jour, mais certainement pas convaincus par la stratégie dite de « populisme de gauche » opposée au « populisme de droite ».
Nous faisons nôtres les objectifs des réseaux associatifs contre l’état d’urgence et de guerre, ou encore défendant « Nos droits contre leurs privilèges » comme ceux de la manifestation du 19 mars « Pour la justice et la dignité »- reprenant les slogans des soulèvements du monde arabe. Nous combattons les politiques prétendument universalistes de mise en concurrence généralisée des populations, de même que les pseudo-alternatives, nationales-libérales qui dressent des murs contre les « étrangers » – roms, musulman.e.s, non-blancs ou « non-Français » qui nous « voleraient » notre sécurité sociale, nos emplois, notre « identité ». Ce sont les mêmes faux dilemmes qui sont à l’oeuvre aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, en Hongrie comme en France. Hilary Clinton n’était pas davantage une réponse à Donald Trump qu’Emmanuel Macron ne le serait à Marine Le Pen ou à François Fillon.
L’espoir d’une recomposition progressiste, à gauche d’un PS discrédité qui tarde à mourir, ne trouvera pas de réponse dans ces élections – ni du côté de Benoît Hamon, valorisant valorisant la politique de Hollande au Mali, et confronté à l’impasse de tout colmatage du PS ; ni de celui de Jean-Luc Mélenchon, qui combat la monarchie présidentielle en reprenant ses méthodes, et dont la stratégie politique est ancrée dans un discours tricolore aux dérives internes et internationales inquiétantes. Pourtant, des axes communs de ces deux candidats – s’opposant à la Loi travail et aux politiques d’austérité française et européennes, soulignant les urgences écologiques et refusant les politiques racistes et sécuritaires – ont fait légitimement naître l’espoir d’une candidature unique sur de telles bases. Et, à défaut, le « bulletin JLM » est apparu de plus en plus comme susceptible de l’emporter à la fois contre Le Pen, Fillon et Macron et d’ouvrir une crise politique autour de l’exigence d’une VIè République. Pourtant, la conception populiste de Mélenchon ne permet pas de concevoir la France Insoumise comme émanant d’une dynamique d’en bas, réellement plurielle et démocratique .
La candidature de Philippe Poutou a dans ce contexte plusieurs mérites : exprimer une rupture avec le présidentialisme, ne pas laisser l’expression politique aux politiciens, mettre l’accent sur la nécessité des mobilisations sociales et auto-organisées pour bâtir d’autres possibles – tout en affichant un programme internationaliste. Mais pas plus que Nathalie Arthaud, Philippe Poutou ne s’inscrit dans une démarche politique et sociale pluraliste crédible, permettant de construire un « bloc alternatif » qui réponde aux enjeux majeurs de société, respectant l’autonomie et la diversité des cheminements pour assurer la convergence des mobilisations.
Il y aura donc aussi beaucoup d’abstentions et d’hésitations – et les signataires de ce texte n’opteront pas nécessairement pour le même bulletin. Mais face aux menaces – quels que soient les choix tactiques de votes, et les résultats des élections présidentielles et législatives, à ce jour totalement imprévisibles – l’indispensable « troisième tour » doit être, mais ne peut être seulement, social et dans la rue. La refondation d’un projet politico-social et idéologique alternatif à ce capitalisme destructeur de droits sociaux et de l’environnement ne sera crédible et attractive que si elle émerge de pratiques pluralistes et démocratiques, ancrées dans les réseaux militants, rejetant la subordination des mouvements sociaux aux partis politiques et donc en inventant une redéfinition radicale du « politique ». Celle-ci doit imprégner les luttes comme les futures campagnes législatives et européennes.
Le jour d’après… le premier tour, quels qu’en soient les résultats, nous appelons celles et ceux se réclamant d’une alternative au capitalisme, à multiplier les rencontres en ce sens.
Les signataires sont militant.es de réseaux associatifs (altermondialistes, syndicalistes, anti-racistes, féministes, LGBT, autogestionnaires…) – pour certain.es- membres de diverses organisations de la gauche radicale.
Premiers signataires : Bernard Chapnik, Florence Ciaravola, Thomas Coutrot, Bruno Della Sudda, Jacques Fortin, Laurent Lévy, Philippe Marlière, Richard Neuville, Catherine Samary, Nadine Slyper, Patrick Silberstein, Josette Trat, Sophie Zafari.
Source : blog médiapart