Quatre hooligans s’apprêtent à piller les caisses de notre sécurité sociale. Ils sont bien connus des services de police car il s’agit des quatre présidents de partis occupés à mettre sur pied le prochain gouvernement kamikaze fédéral : Charles Michel (MR), Bart De Wever (N-VA), Gwendolyn Rutten (Open VLD) et Wouter Beke (CD&V). Si un voyou tentait de dérober votre portefeuille, vous ne réagiriez pas ? Alors qu’attendez-vous pour réagir contre le pillage des caisses de votre sécurité sociale ? Car il y a beaucoup plus d’argent dans les caisses de la sécu que dans votre portefeuille…
Un feu d’artifice ultra libéral
La note de 170 pages que les formateurs Kris Peeters (CD&V) et Charles Michel (MR) ont remis aux négociateurs des quatre partis en vue d’une coalition kamikaze est un véritable festival ultra libéral. Elle recommande notamment: un blocage des salaires, la réduction de la durée des préavis, la pension anticipée après 45 ans de travail (au lieu de 40 ans), la non assimilation des crédits-temps non motivés (ex : le 4/5e temps) pour le calcul de la pension, l’instauration d’un service minimum en cas de grève dans les transports en commun, etc. Bien entendu on ne touche pas aux intérêts notionnels.
La Libre du 22/8/2014, écrit que cette note est « volontairement consensuelle » mais aussi que certains documents du MR veulent aller plus loin: « enquête sur les revenus des chômeurs », suppression du complément d’ancienneté, limitation à trois ans des allocations d’insertion, limitation dans le temps du chômage temporaire, relèvement de l’âge de la prépension de 60 à 62 ans, introduction d’une dégressivité des prépensions, allongement du stage d’attente et même suppression du paiement des allocations de chômage par les organisations syndicales ! A quoi rime cette nouvelle chasse aux chômeurs puisqu’il n’y a de toute façon pas d’emploi pour chacun?
Faire pression sur les salaires
Contrairement à ce que beaucoup croient, les allocations de chômage ne représentent que moins de 10% des dépenses de sécurité sociale (voir tableau). La chasse aux chômeurs ne vise pas donc à faire baisser drastiquement les dépenses sociales (d’autant plus qu’une partie des exclus du chômage iront vers les CPAS dont le montant des subventions devra augmenter.). Elle vise avant tout à jeter sur le marché du travail des chômeurs privés de ressources et prêts à accepter n’importe quel emploi à n’importe quelle condition. Autrement dit, cette chasse aux chômeurs vise à faire pression sur les salaires en vue de les tirer vers le bas.
On comprend que Pieter Timmermans, patron de la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB) jubile et félicite le MR (L’Écho, 16/8/2014) Il en rajoute même en plaidant pour un nouveau saut d’index ! (La Libre, 29/8/2014). D’une manière générale dans le monde patronal, depuis l’annonce d’’un probable gouvernement kamikaze, des djihadistes ultra libéraux piaffent d’impatience pour appliquer à la louche des mesures de régression sociale. Robert de Mûlenaere, patron de la confédération de la construction affirme : « Il faudrait revenir à la semaine des 40 heures » (L’Écho, 01/8/2014). Denis Pennel, directeur général de la Confédération internationale des services privés pour l’emploi estime que « Le contrat à durée déterminée n’est plus adapté à son temps » (La Libre, 29/7/20114).
Dépenses de sécurité sociale en 2012
(Rapport du SPF Sécurité sociale)
Soins de santé | 25.000.000.000 € |
Incapacité de travail (maladie, invalidité, accident du travail, maladie professionnelle, handicap) | 3.800.000.000 € |
Indemnités de chômage | 6.200.000.000 € |
Pensions (de retraite, de survie, pécule de vacances, Grapa) | 29.961.000.000 € |
Allocations familiales | 6.040.000.000 € |
Subventions aux CPAS pour l’aide et l’intégration sociale | 1.157.000.000 € |
En un coup d’œil sur les statistiques des dépenses de sécurité sociale on voit que les dépenses de chômage constituent moins de 10% de l’ensemble, que les pensions et les soins de santé représentent ensemble plus de 75%. Autrement dit, si quatre malfrats puisent dans la caisse de la sécu, qui paiera votre pension quand vous serez âgé et vos soins de santé quand vous serez hospitalisé ?
Derrière le rideau de fumée provoqué par le feu d’artifice ultra libéral de la Bande des Quatre, le principal danger est une baisse drastique et linéaire des cotisations patronales à la sécurité sociale. D’abord parce que les ultra libéraux ont beau faire de la musculation en salle ; ils ne seront pas en mesure d’imposer en bloc leur catalogue de mesures d’austérité sous peine de voir bientôt deux millions et demi de syndiqués dans la rue. Ensuite parce qu’après avoir suscité l’inquiétude avec une batterie de mesures tapageuses (ex : « l’enquête sur les revenus des chômeurs ») un nouvelle baisse des cotisations patronales à la sécurité sociale passera relativement inaperçue car elle ne touche pas le salaire-poche. Et pourtant, c’est du salaire !
Les cotisations à la sécu, c’est du salaire !
Il est bon de rappeler que les caisses de la sécurité sociales sont alimentées principalement et avant tout par les cotisations sociales (retenue de cotisation sociale sur le salaire brut des salarié-es + cotisation patronale). Les cotisations patronales représentent donc une part du salaire dû à chaque salarié mais au lieu d’être versée individuellement au salarié à la fin du mois cette cotisation est versée à la sécu. Elle permet de payer une indemnité à celles et ceux qui ne sont pas ou plus en état de travailler (chômeurs, malades, invalides, pensionnés) et aussi d’assurer une couverture des dépenses sociales (soins de santé, allocations familiales.
Il s’agit donc d’un véritable salaire indirect versé par chaque employeur à la collectivité du monde du travail. Les cotisations patronales à la sécu c’est donc du salaire. C’est pourquoi la gestion des caisses de sécurité sociale devrait être du seul ressort exclusif des organisations du mouvement ouvrier (syndicats, mutuelles) au lieu d’une gestion aujourd’hui tripartite (patronat / mouvement ouvrier / pouvoirs publics). Historiquement c’est le mouvement ouvrier qui a initié les embryons de cette protection sociale sous la forme de « caisses de secours » avant que les négociations entre patrons et syndicats ne débouchent sur la création de la sécurité sociale après la Deuxième Guerre mondiale.
Quand le patronat manipule le vocabulaire
Les charges sociales ça n’existe pas dans les textes de lois ! Il s’agit de cotisations sociales à la sécurité sociale. Pour faire avaler plus facilement la baisse des charges patronales (c’est-à-dire pour voler une partie de notre salaire !) le monde patronal a inventé le concept de « charges » sociales. Car une charge c’est quelque chose de pénible qu’il faut porter et qui entrave votre marche. Alors pourquoi vous encombrer d’une charge ? Il s’agit donc d’une perversion du langage par le monde patronal qui vise à donner une connotation négative à un pilier fondamental du financement de la sécurité sociale. A l’inverse, le patronat s’est appliqué à donner au mot « collaborateur » une connotation positive alors que dans les années quarante cela désignait ceux qui collaboraient avec les nazis.
Une baisse linéaire des cotisations patronales ? Pas question !
Les gouvernements successifs ont accordé à plusieurs reprises des baisses de cotisations patronales sous prétexte de créer de l’emploi pour des « groupes cibles » : travailleurs âgés, demandeurs d’emploi de longue durée, premiers engagements, jeunes travailleurs, bas salaires, salaires élevés, travailleurs qui bénéficient d’une réduction collective du temps de travail ou de la semaine de 4 jours (coût : plus de 4 milliards € par an). Mais dans les faits aucun employeur n’a jamais engagé un salarié s’il n’en a pas besoin. Autrement dit ces baisses de cotisations patronales n’ont pas créé d’emplois mais ont contribué à favoriser une tournante des contrats : pour continuer à bénéficier des réductions de cotis, l’employeur ne renouvelle pas le contrat du travailleur ouvrant le droit au bonus cotisations sociales et en engage un autre pour continuer le même bonus.
Les négociateurs en vue de former le gouvernement kamikaze ont maintenant dans leur dossier une proposition de baisse linéaire et généralisée des cotisations patronales de 33% (théorique car il y a déjà de nombreuses exceptions) à 25%. Coût : 2 milliards € par an (en plus des 4 milliards € annuels déjà été octroyés). Jusqu’à présent l’octroi de baisses de cotisations patronales était conditionnée à la mise au travail de groupes cibles. Mais le projet de baisse linéaire des cotis patronales (de 33% à 25%) n’est soumis à aucune obligation d’embauche ! C’est un peu comme si les 4 présidents de partis candidats au kamikaze s’installaient devant un Bancontact et distribuaient l’argent de la sécu aux patrons faisant la file.
Appel pour une action en justice contre ceux qui dilapident le patrimoine de la sécu
Le monde du travail ne peut pas laisser passer une telle attaque sournoise (car peu visible) contre la sécurité sociale. La première forme d’action pourrait être le lancement, par des syndicalistes, d’un appel (sous la forme d’une pétition nationale) adressé aux responsables du mouvement ouvrier (syndicats, mutuelles) pour porter plainte en justice pour abus de biens sociaux contre les auteurs du projet de loi (s’il arrive au stade de projet) d’instaurer une baisse linéaire des cotisations patronales à la sécu. Car, répétons-le, il s’agit d’un vol : il s’agit de distribuer au patronat les fonds destinés à payer principalement les dépenses de santé et les pensions.
Une pétition nationale (et même une plainte en justice) permettront-elles d’arrêter les ultra libéraux ? Probablement pas. Mais une telle action aurait l’immense mérite de faire sortir de la pénombre les nouvelles tractations de démantèlement de la sécu et de focaliser l’attention sur ce hold-up. C’est alors en pleine connaissance de cause que nous pourrons alors mener le combat contre les pilleurs de notre sécu.
Article publié dans La Gauche