Des dizaines de milliers de salariéEs ont défilé à Londres samedi 18 octobre à l’appel de la TUC (la confédération syndicale britannique) derrière le mot d’ordre « la Grande-Bretagne a besoin d’une augmentation ».
Depuis 2008, un salariéE a perdu en moyenne quelque 2 500 euros de revenu annuel. La Grande-Bretagne est le pays du G7 qui connaît la croissance la plus forte (3 % cette année) et un taux de chômage officiel de 6 %, mais les travailleurEs n’en tirent aucun bénéfice. Pourquoi ? Des millions d’entre eux ont vu leur salaire baisser ou leur temps de travail réduit. Deux millions de salariéEs ont été reclassés sous le statut d’auto-employés, moins payés et privés d’assurance maladie. Si l’on ajoute les coupes massives dans les dépenses sociales, rien de surprenant si les sondages montrent un mécontentement très fort et prédisent une légère avance au Parti travailliste lors des prochaines élections.
Plus de 80 % des manifestantEs venaient du secteur public avec une forte présence des salariéEs les moins bien payés. Le mouvement de grève de la semaine précédente dans la santé a contribué à mobiliser pour la manifestation, alors même que l’appel avait été annulé dans certains secteurs. Cela dit, la manifestation était sensiblement plus réduite que celle de l’an dernier. La combativité des travailleurs est encore faible en raison de décennies de défaites, des effets de l’austérité et du glissement continu à droite de leur allié « traditionnel », le Parti travailliste.
Travaillistes sur la défensive
Ed Miliband, le Hollande britannique, dit qu’un gouvernement travailliste au pouvoir se soumettrait aux mêmes contraintes budgétaires : les travaillistes couperaient dans les dépenses et respecteraient le plafonnement des aides sociales décidé par l’actuel gouvernement, qui limite les aides qu’une même famille peut recevoir. Seuls 12 députés travaillistes (tous âgés de plus de 60 ans !) ont voté contre ce plafonnement. Miliband apparaît totalement étranger aux préoccupations et à la vie des gens ordinaires.
Le Parti travailliste pense pouvoir gagner en conservant ses positions, pendant que les Tories perdent des voix au profit des anti-Union européenne de Ukip (le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni). Le problème est que l’opposition travailliste est si molle qu’elle perd aussi des voix au profit de Ukip et des Verts qui connaissent à nouveau une percée. Les classes populaires, en colère, exaspérées par la caste politique de Westminster, se détournent des partis traditionnels.
Percée du parti raciste et xénophobe
La crise du système politique émane en premier lieu des politiques d’austérité. En Grande-Bretagne, cette crise est aggravée par la question de l’appartenance à l’UE et par la question écossaise. L’opposition à l’UE s’est renforcée avec le rejet des migrantEs, dont une majorité vient désormais d’Europe. Si l’on y ajoute les effets dévastateurs des politiques d’austérité ainsi que la défiance vis-à-vis des politiciens renforcée par le scandale des dépenses, il y a là tous les ingrédients qui expliquent la montée du parti raciste Ukip.
Arrivé en tête lors des élections européennes, il a aussi gagné son premier siège au Parlement et semble en passe d’en emporter un deuxième en présentant dans les deux cas des candidats issus du Parti conservateur. Ukip menace aussi le Parti travailliste puisqu’il a failli, à 600 voix près, emporter un siège traditionnellement acquis à ce dernier près de Manchester. Aujourd’hui, conservateurs comme travaillistes marchent dans les pas de Ukip en promouvant un durcissement des lois vis-à-vis des migrantEs.
L’exemple écossais ?
Lors de la manifestation, le leader syndical de gauche, Len McCluskey, a appelé Miliband à faire preuve d’audace et à refuser de mettre en œuvre une politique d’austérité même atténuée. Mais il entretient des illusions en suggérant que Milliband pourrait mener une politique de gauche s’il ignorait seulement ses conseillers blairistes. Dirigeant syndical de la fonction publique, Mark Serwotka a une approche plus réaliste : il défend la nécessité de construire un mouvement à gauche, et même un nouveau parti, pour s’affronter au Parti travailliste.
S’agissant de la gauche radicale indépendante, tous les yeux sont tournés vers l’Écosse, où le Parti travailliste est en perte de vitesse au profit de forces à sa gauche. La Radical Independence Campaign tiendra bientôt un congrès regroupant 2 500 militantEs et les effectifs du Parti socialiste écossais (le SSP) ont augmenté de plus de 1 200 militantEs. Il y a des appels en faveur d’un mouvement de type Podemos. Le Parti travailliste écossais devrait perdre la moitié de ses sièges et son leader vient de démissionner, critiquant Miliband.
Dans le reste du pays, la gauche radicale souffre toujours de trop de divisions même si le projet de Left Unity initié par Ken Loach regroupe près de 2 000 membres et 50 sections, avec comme objectif de renforcer l’unité de la gauche.
De Londres, Dave Kellaway
Traduit par Raymond Adams
Source : NPA