Étrange climat politique estival. Certes, l’accord de la direction de Syriza avec les conditions draconiennes de la troïka a beau ne pas être une surprise, la rapidité du changement de décor politique est incroyable…
Les partis protroïka, défaits le 5 juillet, veulent aujourd’hui imposer leurs conditions : faire virer la combative présidente du Parlement, sur fond de manœuvres haineuses pour faire tomber Tsipras sans élections… La direction de Syriza lance, elle, sa nouvelle ligne, essayant de gauchiser sa capitulation : « On a perdu une bataille, pas la guerre », « mieux vaut un gouvernement qui négocie au nom du peuple que les précédents exécuteurs des ordres de la troïka », « on va concrétiser l’accord mais sans appliquer les mesures »…
En réalité, l’ordre bourgeois s’accentue : en symbole, le procès des manifestants du 15 juillet, avec provocations et menaces des flics en plein tribunal. Et comme on s’y attendait, le vote des mesures liées à l’accord signé par Tsipras, largement majoritaire grâce aux députés de la réaction, a vu diminuer un peu les voix oppositionnelles dans Syriza. Et en prime, le dirigeant du KKE, Koutsoumbas, vient de montrer ce que vaut son gauchisme verbal : contre l’Union européenne, l’euro, la gauche non KKE… mais dans la situation présente, il faut rester dans la zone euro. Une position qui est celle de Tsipras !
Le risque est donc très grand d’une adaptation fataliste.
Un parti dans la tourmente
Du côté de Syriza, la direction distingue aujourd’hui un Syriza « social », celui des sondages favorables à Tsipras (s’appuyant sur des tableaux apocalyptiques de ce que serait une sortie de l’euro), d’un Syriza « partidaire », celui de manœuvres de son opposition interne…
Celle-ci confirme son positionnement : contre le mémorandum, mais aussi toujours le soutien au gouvernement, avec cependant le rappel par Lafazanis que la Plateforme de gauche est « la chair de la chair » de Syriza.
L’entourage de Tsipras maintient ses attaques contre la Plateforme de gauche, les partis bourgeois donnant le rythme en faisant passer les quelques ébauches d’alternative de gauche pour la prise du Palais d’Hiver ou même la trahison de la patrie… Dans le même temps, Tsipras tente, lui, d’arrondir les angles : finaliser l’accord avec le « quartet » (troïka et mécanisme européen de stabilité) avant le 20 août, puis aller vers un congrès de Syriza en automne, l’unité devant se faire autour d’un bilan des acquis et des erreurs, et le constat qu’une autre voie est possible ou pas.
Tous ensemble pour concrétiser le Non de gauche !
Il serait tragique de rester dans ce cadre de normalisation-capitulation, mais heureusement plusieurs pistes se construisent. L’enjeu est de les englober rapidement dans une démarche de front unique s’adressant aussi au KKE et à Syriza. En dehors de la mobilisation de la Plateforme de gauche de Syriza – ce lundi a eu lieu un meeting ouvert et combatif –, il s’agit de développer un réseau de comités pour le Non jusqu’au bout. Ces comités pourraient servir de point d’appui à une dynamique unitaire à condition qu’au-delà de la seule sortie de la zone euro, ils mènent une bagarre internationaliste pour une Europe des travailleurs.
De plus, après son rôle clé dans la bataille du référendum, Antarsya est en mesure de jouer un rôle décisif dans l’organisation des batailles sociales, avec une perspective de construction d’une gauche anticapitaliste qui pourrait aujourd’hui acquérir une crédibilité de masse.
Il y a urgence ! Triste symbole de la situation, la mort – sans trop de réaction – d’une jeune femme immigrée travaillant 13 heures par jour dans un hôtel. Une tragédie qui devrait devenir banale avec le nouveau mémorandum…
D’Athènes, A. Sartzekis