Ce sont finalement les étudiantEs qui ont pris le relais des luttes lycéennes, en se mobilisant massivement pour fêter le 41ème anniversaire de l’occupation de l’université Polytechnique par les étudiants contre la junte des colonels (1967- 1974) et le 40ème anniversaire de la chute de ces sinistres marionnettes.
Le souvenir des colonels est aujourd’hui agité par les nazis de Chryssi Avgi (Aube dorée) mais aussi par une série de nostalgiques autour du pouvoir et de ses institutions, comme en témoignent les liens entre une partie de l’appareil militaire ou des flics avec l’extrême droite. Aussi, dans une période où d’une part l’exaspération populaire est croissante – une grève générale est prévue le 27 – et où les sondages montrent une victoire électorale possible de Syriza, ce 40ème anniversaire a été révélateur de la poussée extrémiste de la droite et du gouvernement qu’elle partage avec le PASOK.
Empêcher la mobilisation à tout prix…
Il s’agit d’empêcher une trop forte mobilisation de la jeunesse, alors que celle-ci se bat pour le droit aux études et à un avenir digne. Pour cela, celle-ci a pu compter sur l’attitude provocatrice du président de l’université d’Athènes et de ses semblables, qui ont carrément fait fermer des universités pour empêcher que les étudiants s’y réunissent à l’occasion de l’anniversaire de Polytechnique, symbole du sacrifice étudiant dans la lutte antifasciste : le 17 novembre 1973, des dizaines d’étudiantEs ont été assassinés par l’armée entrée dans la fac avec ses tanks. Ce message du pouvoir a été bien reçu pour ce qu’il était, à savoir un retour en force aux années de plomb : à Athènes, des milliers d’étudiants ont manifesté dès le jeudi 13, et le pouvoir a joué alors sa 2ème carte : ses chiens de garde surarmés qui ont chargé violemment les étudiantEs, ce qui n’a pas empêchés ceux-ci de faire la liaison avec les mobilisations de travailleurs de l’université mis « en disponibilité ».
La volonté du gouvernement était donc on ne peut plus claire : empêcher à tout prix une forte mobilisation le 17 novembre, en tentant d’effrayer la jeunesse scolarisée. Parallèlement, ses députés accusaient Syriza d’être avec les terroristes et s’en prenaient aux courants radicaux du mouvement étudiant, comme EAAK, dans lequel militent des étudiantEs d’Antarsya.
Or, le week-end l’a bien montré : les délégations de secteurs populaires venant sur place, comme chaque année, rendre hommage aux victimes de l’armée en 1973 étaient et nombreuses et motivées, et les stands politiques autour de Polytechnique bien fréquentés, preuve de l’exigence que soit enfin chassé ce gouvernement de misère et de répression.
Violences d’État
Le lundi 17 novembre a donc eu lieu la manifestation pour laquelle le pouvoir avait réquisitionné 7000 flics, qui ont été lâchés à un moment du parcours, attaquant sans raison une partie du cortège. Tous les témoignages concordent : les flics sont intervenus ce lundi avec comme seul objectif de frapper les manifestants ou pas (journalistes agressés…) et casser : après la manif, ils se sont rendus dans le quartier étudiant et populaire d’Exarcheia, sous prétexte que quelques manifestantEs s’y seraient réfugiés, Là, ils ont détérioré des immeubles, blessé des passants et même se sont fait prendre en délit de vol dans un kiosque !
Cet incroyable comportement a une première explication : ce quartier n’a jamais permis la pénétration des nazis de Chryssi Avgi, qui n’en seraient pas revenus entiers, et donc, c’est bien une sorte de présence nazie par procuration que les flics, dont on sait à quel point ils sont gangrenés par la peste brune, ont voulu affirmer.
Mais l’explication générale de cette violence policière est sur le fond plus simple : le gouvernement droite-PASOK, incapable d’offrir la moindre sortie de crise, craint, plus que toutes les mobilisations possibles, sa peur bleue du moment : que la jeunesse scolarisée exaspérée se lance dans un mouvement d’occupations des lycées et des facs ! Il est dans une stratégie de tension qui montre bien ce qu’il en est de ses critiques des exactions nazies. A savoir : si nécessaire, on fera appel à ces tueurs (indice inquiétant : un de leurs chefs vient d’être reconnu non coupable d’agressions que tout le monde a pourtant pu voir dans les reportages télé…).
La jeunesse résiste
En tout cas, on tente de créer un climat qui n’est pas sans rappeler l’atmosphère idéologique de la junte, que ce soit dans les déclarations du ministre des flics saluant fièrement lundi soir leurs méfaits (« Nous avons fait notre devoir »… même si une enquête a été ouverte depuis !) ou dans les nouvelles provocations du président de la fac d’Athènes, qui voudrait maintenant voir dissoutes des associations étudiantes !
Mais il faut comprendre que cette peur du pouvoir n’est pas sans fondement : car le plus important, c’est que dans un tel climat, la manifestation du lundi 17 novembre a été la plus massive de ces dernières années, avec plus de 30 000 manifestantEs à Athènes et des milliers tout aussi déterminés à Salonique, à Patras, villes où les flics ont d’ailleurs joué la même sinistre comédie! A Athènes, le cortège étudiant parti de Polytechnique était impressionnant par son nombre et sa résolution : il s’est rendu devant la fac de droit… bouclée par les flics. Tout un symbole ! Son arrivée dans le reste de la manif a été saluée par des tonnerres d’applaudissements, tellement cette détermination montre que, comme en 1973 face aux colonels, la jeunesse gardera la tête haute devant ce pouvoir d’autant plus dangereux qu’il est aux abois!
D’Athènes, A.Sartzekis
Source : NPA