La semaine écoulée a vu se succéder une foule de gestes qui montrent qu’en surface, oui, des choses ont changé avec la victoire de Syriza, mais que sur le fond, les vrais changements dépendront des rapports de forces et surtout des mobilisations.
Un gouvernement nouveau style ?
Après avoir obtenu 149 députéEs sur 300, Tsipras a donc formé son gouvernement, et comme amorcé avant les élections, il a intégré le chef d’Anel, parti de droite nationaliste : Kammenos, nommé ministre de la Défense, a immédiatement commémoré l’épisode militaire gréco-turc de l’îlot d’Imia en 1996 afin de bien donner sa marque politique. Composé de très peu de femmes, le gouvernement comprend 4 à 5 Anel, 1 ou 2 écolos, et accorde quelques postes à la Plateforme de Gauche : Lafazanis se retrouve à l’environnement. À l’image de Syriza, il comprend plusieurs universitaires.
Une précision nécessaire : même si la ligne majoritaire de Syriza n’a pas été de tenter des alliances à gauche, la position sectaire du KKE (le PC grec) – dont le journal a eu ces derniers jours des Unes proches de celles de la presse de droite – rendait impossible sa participation. Et c’est encore pire pour le petit groupe Potami (le Fleuve) du journaliste Theodorakis, vanté dans la presse française, un groupe sans principe autres que la défense du libéralisme et des instances européennes…
Les premières annonces
Très attendues, les premières mesures sont la marque d’un parti se situant dans un cadre social démocrate classique. Limitées pour les travailleurEs, dans la situation grecque, elles prennent une dimension radicale. SMIC augmenté à 751 euros ; pas de baisse (pourtant programmée par Samaras) des retraites complémentaires ; blocage des privatisations (DEI, l’EDF grec…) ; annonce de la réintégration de 2 500 à 3 500 travailleurEs licenciés de la fonction publique, avec en particulier celle des nettoyeuses du ministère du Budget ; sécu pour tous ; suppression immédiate de nouveaux examens « guillotine » au lycée…
Bien des raisons de se réjouir ? Certes, mais en étant vigilant. D’abord parce que le légalisme institutionnel de Syriza empêche une application immédiate de plusieurs de ces mesures. On le voit aussi avec le sort de ERT, l’ex radio télévision publique fermée par Samaras et dont la réouverture, attendue pour le soir de la victoire, est encore à l’étude. Idem pour les réintégrations annoncées dans la fonction publique et aussi pour le SMIC. Dans quelques secteurs, on peut même être inquiet des premiers compromis en cours : ainsi, si la vente au privé chinois de tout le port du Pirée est stoppée, la partie vendue reste tout de même à Cosco, avec ses méthodes de surexploitation.
Face au chantage des banques, le ministre Dragasakis a indiqué que si le secteur public exercera ses droits en tant qu’actionnaire, il le fera en respectant les actionnaires privés, et que le cadre ne peut être revu que par une loi, ce qui exige du temps… Les représentants des banques l’ont remercié en soulignant que ce que craint le marché, ce n’est pas les négociations, c’est la rupture !
De manière générale, on voit déjà au bout de quelques jours l’un des risques majeurs se profiler : respectueux des institutions, la direction de Syriza risque de perdre un temps précieux dans pas mal de domaines urgents, tandis que les ficelles des financements publics (et privés) sont tenues par la bourgeoisie européenne qui menace à court terme d’étrangler le gouvernement s’il ne respecte pas l’ordre libéral.
Mobilisation(s) !
« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens », dixit Junker… C’est déjà clair : au contraire de ce que croit ou voudrait faire croire Syriza, la bourgeoisie est déjà sur le pied de guerre pour s’opposer aux premières (modestes) mesures. Attaque des marchés, menaces de la BCE, matraquage médiatique…
Face à cela, pour gagner, il faut être ferme et ne pas s’enfermer dans le cadre institutionnel. C’est pourquoi l’élan décisif ne pourra venir que des mobilisations en Grèce et dans toute l’Europe.
La déclaration de la tendance radicale « interventions regroupement » d’Adedy, la fédération syndicale du secteur public, va dans ce sens, après la rencontre au ministère : exigence de recréer les secteurs publics fermés, refus des évaluations, même si présentées désormais comme « objectives », retour des 13e et 14e mois, collectif budgétaire et pas rééquilibrage concernant le budget de la fonction publique voté par la droite et le Pasok…
Par ailleurs, la première manifestation a eu lieu : les nazis prétendaient manifester samedi 31 janvier, manifestation autorisée par le gouvernement. Ils étaient une centaine… face à 5 000 antifascistes mobilisés à l’appel des associations antiracistes, d’Antarsya, de la jeunesse de Syriza.
Un bel exemple, prometteur, sans les violences policières auxquelles étaient soumises les manifestations d’avant le 25 janvier.
D’Athènes, A. Sartzekis
Source : NPA