Lorsque nous avons parcouru les piquets, nous avons pu constater que la grève était très bien suivie : SNCB, TEC, administrations, poste, écoles… Cependant il y avait moins de monde que d’habitude aux piquets et beaucoup regrettaient l’absence d’action ou manifestation réunissant les grévistes. Lors des conversations, ce qui était évoqué était la nécessité d’un plan cohérent d’action en front commun, la nécessité d’une riposte forte face à ce gouvernement qui applique, pas à pas, son programme. Certains ressentent une démobilisation liée à une désorientation quant aux perspectives.
Nous avons rencontré et interrogé Luc Toussaint, Président de la Régionale CGSP Enseignement de Liège et lui avons posé quelques questions.
Luc Toussaint et Muriel Wellens, Secrétaire du sous-secteur enseignement Communauté Française à Liège, au piquet devant la Tour des finances.
Peux-tu rappeler brièvement les objectifs de cette grève menée par la CGSP?
L’objectif premier de cette action est la défense des services publics. Cette défense est un choix de société, car affirmer que les services publics sont la richesse de ceux qui n’ont rien est bien plus qu’un slogan. Cette lutte fait évidemment partie d’un combat plus vaste de résistance contre la mise en place de lois favorisant toujours plus les nantis par rapport aux personnes de faibles revenus, issus de leurs travail ou des mécanismes de solidarité.
Le mouvement semble avoir été globalement bien suivi, qu’en est-il du secteur de l’enseignement à Liège?
Le mouvement a été bien suivi par le secteur dans notre régionale. Très peu d’établissements ont fonctionné (au ralenti), la plupart étaient vides.
Il semble y avoir une réelle rupture du front commun, cela te semble-t-il inéluctable?
Nous regrettons évidemment que cette action n’ait pas été suivie par la CSC. Dans l’enseignement en particulier, la situation (que nous dénonçons) de concurrence scolaire, met nos affiliés dans des positions inconfortables quand on leur demande de fermer leur école alors que celle d’en face de l’enseignement catholique (où nous n’affilions pas) est ouverte.
Des militants nous ont dit être déçus, ne pas comprendre la stratégie syndicale, entendu à un piquet: « il ne fallait pas s’arrêter en décembre », « les gens sont démobilisés à force de faire une action par ci par là »… Qu’en penses-tu?
Je pense que les gens qui sont déçus par une certaine inconsistance des actions ont raison… Ce n’est pourtant pas aussi évident que cela n’y paraît. Les grèves de décembre ont permis l’ouverture de négociations. Lorsque celles-ci se sont clôturées, il aurait sans doute fallu faire rapidement une grève de deux jours. Sauf que la CSC avait signé et que c’était impossible à faire en front commun. Il a donc fallu relancer vers l’avant une machine partie en marche arrière.
D’autres nous ont confié qu’ils considéraient la remise en place de l’action commune ave le PS comme une atteinte à l’indépendance syndicale, en soulignant que différentes tendances politiques existaient parmi les militants. Partages-tu cette opinion?
Je pense qu’en effet, les militants ne sont pas d’accord sur tout, mais ils partagent la même aspiration à un monde moins inégalitaire. Nous savons tous que l’argument selon lequel il n’y a pas assez d’argent pour continuer à redistribuer est un mensonge. La Banque Nationale vient de sortir une statistique qui indique que la masse financière aux mains des Belges a augmenté de 40% depuis 2001… Ce qui est difficile à avaler, c’est de voir un homme politique « de gauche » brader des principes fondamentaux, comme la défense des chômeurs et le droit à partir à la retraite, contre un poste de Premier pour deux ans. Cela, la base syndicale n’est pas prête à l’oublier.
La concertation est dans l’impasse, que faire? Quelles sont les perspectives d’action futures face à ce gouvernement qui ne lâche rien?
Ce gouvernement n’a et n’aura jamais réellement la volonté de négocier quoi que ce soit. Il fait le travail pour lequel il a été formé, de la régression sociale au profit des plus riches et du grand capital. La résistance est un travail de tous les jours et la vigilance doit être tous azimuts, car les régressions sociales et les coupes budgétaires s’opèrent à différents niveaux. A cela, il faut ajouter la mise en place de législations internationales imposant le système ultra libéral. Il serait indispensable que les syndicats arrivent à mettre en place des actions transnationales qui ne soient pas que symboliques…
Propos recueillis par France Arets