Six heures du mat’, je rejoins la CGSP d’où sont dispatchés les renforts vers les différents piquets. Heureusement que je suis à vélo car à hauteur du dépôt TEC, un feu de palettes et quelques voitures en travers de la route barrent déjà un des accès principaux à La Louvière. Je viens m’assurer qu’il y a bien une AG prévue à 11h et que tout le monde (CSC pour le Front Commun, autres centrales, autres organisations…) y sera bienvenu, je me charge également de tracts LCR à distribuer tout au long de ma tournée. Je rejoins ensuite le piquet devant l’ONEM où une grosse délégation de TSE vient de fermer la grille et d’y accrocher sa banderole avant d’accueillir comme il se doit les premiers fonctionnaires qui, dans quelques jours, commenceront à exclure à tour de bras les chômeurs en fin de période d’insertion…
Vers 8h00, présentation du petit sketch d’un Jeune FGTB qui, sous les traits d’un crieur public, nous déclame une liste des saloperies que le gouvernement fédéral s’apprête à déverser sur nos têtes. Huées chez les syndicalistes, petit sourire en coin chez les agents ONEM qui attendent poliment que leur directeur vienne constater qu’on les empêche d’entrer et les autorise à rentrer chez eux… À quelques exceptions près, peu de contacts entre les uns et les autres.
«Une liste des saloperies que le gouvernement fédéral s’apprête à déverser sur nos têtes»
Comme nous sommes nombreux, le SETCA nous demande de détacher des militants pour renforcer des piquets devant certaines écoles où des enseignants essayent d’entrer malgré tout et des magasins Colruyt où la direction essaye de rouvrir à peine le piquet volant a-t-il tourné le coin de la rue… Pour ma part, nous allons avec quelques camarades fermer les grilles du Forem et renforcer un piquet CSC devant le Centre de Formation. Là, les discussions sont nettement plus intéressantes avec des agents écœurés par le rôle qu’on leur fait jouer dans la saga des politiques d’activation, parlent du racisme anti-chômeurs qui règne chez certains de leur collègues, de l’incroyable fatalisme qui semble habiter certains chômeurs assommés par l’annonce d’une exclusion, de leur désarroi devant les drames humains qu’ils côtoient au quotidien.
Chaque fois qu’un chômeur se présente pour un rendez-vous ou une formation, nous engageons la discussion sur le mouvement de résistance qui est à construire entre agents, usagers, militants ; de la nécessité d’une convergence des luttes…
«Des discussions essentielles, sur un coin de trottoir, des moments privilégiés que seuls les piquets de grève peuvent encore permettre!»
Les gsm sonnent régulièrement, rassurants sur le succès de la grève ; on se donne des nouvelles des autres communes de l’entité, des autres villes du Hainaut, partout les ronds-points stratégiques, les entrées de zonings sont bloquées. Je refais un tour des piquets proches: métallos de NLMK, postiers, TEC, Administration communale, grands magasins puis à nouveau le Setca d’où reviennent et repartent des renforts vers le Colruyt d’Anderlues, le Renmans de Morlanwez… On commence à sentir à la fois la fatigue de s’être levé aux aurores et l’énervement d’avoir bu trop de café, on repart en cortège avec quelques drapeaux dans les rues commerçantes pour convaincre gentiment les franchisés qui auraient oublié de baisser leur volet…
Enfin vient l’heure de l’AG dans la salle bondée de la CGSP. D’abord le sempiternel exposé des chiffres de la dette injuste (on a distribué à la salle la petite brochure du Comité d’Audit de la Dette). Puis l’addition de toutes les niches où il y aurait moyen de récupérer notre fric à nous, les producteurs de richesse, détourné par des actionnaires, des banquiers, des fraudeurs aux grosses fortunes avec la complicité de l’Etat. Et on termine par le catalogue des horreurs du dernier plan d’austérité!
«Concerter sur quoi puisque tout est à jeter?»
Enfin la parole est donnée à l’assemblée. Plusieurs posent des questions sur la véritable finalité de la grève: concerter sur quoi puisque tout est à jeter? Et pourquoi parler de faire reculer ce gouvernement alors qu’il est juste bon à être mis par terre? Quelle stratégie syndicale pour l’après 15 décembre?
Tous s’accordent à dire qu’il faut monter en puissance et organiser correctement la journée du 15 décembre. On décide de se revoir tous les lundis en interpro pour faire le bilan et coordonner les actions futures. Quelques interventions rappellent que ce gouvernement ne fait que terminer, de manière décomplexée, le sale boulot qui avait été amorcé par le précédent… et qu’il est donc hors de question de laisser un autre gouvernement à participation PS nous administrer à la petite cuiller l’austérité que Michel-De Wever voudrait nous enfourner à l’entonnoir… D’aucuns en profitent pour rappeler que la FGTB Charleroi a proposé un plan d’urgence anticapitaliste qui constituerait un excellent socle de revendications pour un futur gouvernement de défense des travailleurs!
Après avoir avalé en vitesse un sandwiche, nous nous dirigeons vers la Place communale puisque le bruit court qu’on aurait incité des employés à regagner leur travail dés l’après-midi, quand les piquets seraient levés… Puisqu’il n’y a manifestement personne dans les bureaux, nous nous dirigeons vers le rond-point de la gare, puis le carrefour du Drapeau Blanc pour bloquer à nouveau les rares camions et voitures qui recommençaient prudemment à circuler dans une ville quasi à l’arrêt. Une ville qui, manifestement, a très largement emboîté le pas au mouvement de ce premier lundi de grève!